L'hôpital de demain sera-t-il plus vert ? À l'approche de la COP26, qui se tiendra en novembre à Glasgow, le Comité pour le développement durable en santé (C2DS*), qui regroupe 630 établissements, dont une quinzaine de CHU, avance des pistes pour décarboner les pratiques et les organisations dans les hôpitaux.
Selon plusieurs études, l'empreinte carbone du secteur de la santé représenterait environ 5 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Un niveau équivalent à celui de l'aviation civile. Si nombre d'hôpitaux et de professionnels font déjà des efforts pour réduire leur consommation énergétique, des progrès restent à faire pour transformer les habitudes et les mentalités. « Heureusement, nous observons un réel engagement de la part de certaines agences régionales de santé, des médecins et une vraie attente des jeunes générations », s'enthousiasme Véronique Molières, directrice du C2DS.
Cette problématique monte en puissance : selon un sondage réalisé en mai par le C2DS auprès de 1 350 professionnels de santé et de la dépendance, intitulé « Demain, quel système de santé voulez-vous ? », 88% des répondants réclament des établissements « exemplaires » en termes d’énergie, de transports et de déchets.
Gaspillage alimentaire et gâchis médicamenteux
Mais par quel moyen peut-on décarboner nos hôpitaux ? Pour Olivier Toma, porte-parole de cette association à but non lucratif, les pistes ne manquent pas. La conception des bâtiments du secteur sanitaire et médico-social est une priorité : les infrastructures devront tenir compte de l'énergie directe qu'elles consomment mais aussi des pollutions engendrées par les soins. Une des difficultés reste toutefois l'ignorance de la consommation exacte d’énergie des hôpitaux ou des facteurs d’émission des matériels médicaux et des produits de santé.
« Le système carbone du monde de la santé est en fait représenté à 50 % par les achats, le reste étant le déplacement et les déchets », précise Olivier Toma. Celui-ci pointe du doigt le gaspillage alimentaire mais surtout le gâchis de médicaments qui « représente des sommes et une empreinte carbone colossale ». Au total, 7 milliards d'euros de médicaments sont jetés chaque année.
Olivier Toma insiste aussi sur la question des outils de soin à usage unique : verre médicamenteux, biberons jetables, ciseaux ombilicaux… « Tout ce matériel devrait pouvoir être revalorisé », avance-t-il. Une autre source d'émission à prendre en compte est liée aux transports – qu'il s'agisse du fret de marchandises, du traitement des déchets ou du déplacement des patients et des professionnels. Là encore, le C2DS aimerait voir les hôpitaux s'orienter vers des mobilités plus douces.
Blocs opératoires plus verts ?
Parmi les activités médicales, le bloc opératoire arrive en tête des plus polluantes. Celui-ci serait à l'origine de 20 à 30 % des déchets produits à l'hôpital. L'activité chirurgicale est génératrice de nombreux déchets d'activités de soins à risque infectieux qui nécessitent un traitement particulier. Les gaz anesthésiques, souvent non recyclés, constituent une source de pollution importante.
Afin de réduire cet impact, la Société française d'anesthésie réanimation (SFAR) a produit en 2018, en collaboration avec le C2DS, un « guide pratique du développement durable en bloc opératoire ». Il propose des pistes pour une politique d'achat durable et entend favoriser le recyclage des outils chirurgicaux. Au CHU de Toulouse, qui s'est emparé de ces recommandations, les médecins ont modifié leurs produits anesthésiques pour réduire leur impact écologique. L'amélioration de la formation initiale et continue des soignants sur ces thématiques est une autre priorité.
Si les initiatives isolées vont dans le bon sens, le C2DS appelle de ses vœux une dynamique nationale. C'est pourquoi il lance sa convention hospitalière pour le climat. À partir d'une feuille de route produite à l'automne 2020, l'organisation tente de sensibiliser de plus en plus d'hôpitaux et de mobiliser les parlementaires dans le cadre des lois de financement de la Sécurité sociale. Avec 172 nouveaux établissements adhérents depuis le début de l'année, Véronique Molières ne cache pas sa satisfaction. « Nous avons franchi un pas historique, salue-t-elle. Depuis un an, il y a une véritable prise de conscience des professionnels du monde de la santé ».
* En 2021, le C2DS compte plus de 600 adhérents, établissements sanitaires et médico-sociaux de tout type d’activité et de tout statut juridique. Son objectif est d’informer les acteurs du secteur sur les avantages des bonnes pratiques du développement durable.
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