Si les réformes engagées par le gouvernement à l'hôpital vont « dans le bon sens » – en particulier les récentes revalorisations des sujétions (gardes, travail de nuit et de week-end) – « nous sommes encore au milieu du gué », a jugé ce mardi Arnaud Robinet. Selon le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui a tenu sa conférence de rentrée, « beaucoup reste à faire », d'abord sur le plan budgétaire. Raison pour laquelle il exige déjà des « mesures fortes » lors du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour sortir le secteur de « l'asphyxie financière ».
Défi RH, la mère des batailles
La question des ressources humaines est considérée par le maire de Reims comme « la mère des batailles », qui requiert « d’accélérer ». C’est ce qui ressort d’une enquête RH sur le personnel médical. Menée fin 2022 par la FHF auprès de 250 établissements, elle illustre les fortes tensions sur le recrutement médical. En 2022, 98 % des établissements déclaraient avoir des difficultés de recrutement de praticiens – plus du quart des difficultés étant localisées sur certaines spécialités (anesthésie, pédiatrie, gynécologie-obstétrique, gériatrie, psychiatrie, radiologie).
En parallèle, la fédération a mené cet été une enquête RH sur la situation des personnels non médicaux (PNM) dans ses établissements publics (297 répondants). Bonne nouvelle, le taux de postes vacants baisse en moyenne de 4,5 % pour les infirmiers dans les CH et les CHU. Pour la FHF, cela signifie que l’on « mesure les premiers effets » des politiques d’attractivité. Revalorisations issues du Ségur, mesures catégorielles : pour Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF, les avancées salariales amorcent enfin une dynamique positive, à condition de « redéfinir les filières de soins en tension pour les organiser au mieux » et de « ne plus essouffler les équipes ». Selon elle, il faudra également « repenser la formation et les contenus pédagogiques » pour « redonner des perspectives » aux soignants. Le Pr François-René Pruvot, conseiller médical à la FHF, ajoute que les DRH ont « diminué le délai de la titularisation » des paramédicaux, ce qui permet d’accélérer les recrutements. Le chirurgien considère que le « travail de fond » mené par les établissements sur « le cadre d’exercice » commence à porter ses fruits.
Dégradation aux urgences
En revanche, la situation des urgences reste alarmante, comme l'atteste l’enquête flash menée cet été par la fédération (auprès de 104 établissements). Pour 41,3 % d’entre eux, la situation des urgences s'est même « dégradée » par rapport à 2022. La même proportion (41,3 %) estime qu’elle est « restée stable ». Seuls 17,3 % des hôpitaux pensent qu’elle « s’est améliorée ».
Quant à l’évolution de l’activité, une majorité des établissements (53,8 %) considèrent que l’activité est restée « stable ». Il ne s’agit donc « pas forcément d’une forte dégradation, même si 27,9 % des établissements déclarent que l’activité en hausse », analyse Aurélien Sourdille, responsable adjoint du pôle offres de la FHF.
Autre signal inquiétant, la moitié des établissements (52,4 %) estime que l’accès aux lits d’aval s’est dégradé depuis l’an dernier, en raison des fermetures de lits ou des difficultés d’accès aux transports.
Si la FHF loue la « mobilisation importante » des acteurs (ARS, hôpitaux, médecine de ville) pour « trouver des solutions » au niveau territorial, « l’implication des cliniques privées reste perfectible, car une majorité des établissements considèrent qu’elles ont été insuffisamment mobilisées », recadre Aurélien Sourdille.
Situations locales périlleuses
Certains départements sont plus touchés. À l’image de l’Allier qui compte trois services d’urgences de taille équivalente pour 120 000 passages urgences annuels. En raison du déficit de ressources médicales, les urgences du CH de Montluçon ont fermé complètement durant 12 jours cet été. Un arrêt qui a eu un « impact majeur sur le reste du système de santé car le report de charge se fait sur les établissements en difficulté qui restent ouverts », explique le Dr Davy Murgue, chef de service au Samu 03.
Le département a aussi perdu deux lignes de Smur cet été, si bien que des habitants du bassin sont désormais à « plus 30 minutes de voiture du Smur ». Une situation qui fait courir le risque d’un « désengagement complet des praticiens, notamment des urgentistes », poursuit le Dr Murgue.
La lueur d'espoir du SAS
Dans ce tableau sombre, la mise en place progressive des services d’accès aux soins (SAS) apparaît comme une lueur d’espoir. Ce dispositif permet « d’identifier des filières pour permettre aux personnes qui ont besoin d’un soin non programmé d’aller directement vers le bon professionnel », rappelle le Dr Murgue. Toutefois, pour les Samu qui se sont déjà transformés en SAS, on constate « 15 à 20 % d’activité supplémentaire », dans un contexte où « on a d’énormes difficultés à recruter des assistants de régulation médicale », en grève depuis deux mois, déplore le chef de service au Samu 03.
Pour la FHF, le SAS est un outil « perfectible ». Selon les hôpitaux interrogés, les crédits d’amorçage sont satisfaisants mais le financement annuel insuffisant. Quant aux difficultés de recrutements des ARM, elles font « peser un risque potentiel de décalage du démarrage du SAS », selon la fédération, qui alerte aussi sur le « nombre trop réduit de médecins généralistes régulateurs ». Une difficulté supplémentaire qui pourrait impacter négativement le dispositif à terme.
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