Rémunération des heures sup' doublée, cellules de crise : premières annonces de Bourguignon pour les urgences

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Publié le 08/06/2022

Crédit photo : Twitter

La mission flash confiée au Dr Braun la semaine dernière par le président de la République a, à peine, commencé, que la ministre de la Santé a déjà annoncé ce mercredi des premières mesures pour tenter d'endiguer la crise des urgences. Au lendemain d'une journée de mobilisation nationale de l'hôpital et à quatre jours du premier tour des élections législatives, Brigitte Bourguignon a fait une visite, non annoncée, au Congrès Urgences à Paris.

La première mesure annoncée figurait dans les 150 pistes de travail de la mission Braun. C'est la réactivation jusqu'à la fin de l'été du doublement de la rémunération des heures supplémentaires du personnel non médical et du temps de travail additionnel des médecins à l'hôpital, un dispositif déjà éprouvé pendant la crise du Covid. En outre, les élèves infirmiers et aides-soignants ayant achevé leur formation initiale en juin et juillet pourront aussi « commencer à exercer immédiatement, sans attendre la remise officielle de leur diplôme qui prend parfois plusieurs semaines ». Quant aux professionnels de santé retraités volontaires pour reprendre une activité de soins, ils bénéficieront, à nouveau, de « facilités de cumul de leur pension de retraite et de leurs revenus d’activités ».

Signe que l'heure est grave, la nouvelle ministre tient aussi à faire savoir qu'elle a demandé aux directeurs généraux des ARS de « remobiliser les dispositifs territoriaux de gestion de crise et d’animation du collectif public, privé et ambulatoire ». « Ces rencontres font l’objet d’un format différent suivant les régions et les territoires, mais partout, l’objectif est de créer du lien, de la transparence, de la mobilisation solidaire pour répondre aux besoins de soins non programmés de la population », a-t-elle ajouté.

Risques de rupture

Ce premier train de mesure a vocation à être complété à l'issue de la mission flash car « oui, ne nous le cachons pas, l’été sera difficile » a admis la ministre devant les urgentistes, réunis pour leur congrès jusqu'à vendredi. Brigitte Bourguignon a parfaitement conscience que la situation de notre système de santé est « fragile », que « les risques de rupture dans l’accès aux soins de nos compatriotes sont réels », mais aussi que les difficultés vont bien au-delà des celles des soins non programmés. 

« Cela va tanguer, me dit-on déjà, comme une allusion au climat parfois tempétueux des bords de la Manche, que je connais bien », a-t-elle confié. Mais la successeure d'Olivier Véran préfère regarder cette période particulièrement « difficile » comme une opportunité, car « c’est sans doute dans la tempête que les lignes bougent le plus, et que naissent collectivement les solutions les plus innovantes ».

Pour surmonter cette crise, il faudra de la « solidarité » entre « toutes les composantes » du système de santé, mais aussi inventer de nouveaux métiers pour faire « bouger des lignes », à l’image du déploiement de la pratique avancée, considère la ministre. Chaque acteur devra donc faire preuve de « responsabilité », faire « un effort ou un pas vers l’autre » qui se verra « dûment valorisé ». La nouvelle locataire de l'Avenue Duquesne a d’ores et déjà annoncé qu’elle accorderait une attention particulière à « la contrainte que représente la permanence des soins, en ville comme à l’hôpital, et en particulier à la pénibilité du travail intensif de nuit ». Il s'agit là d'une demande forte de la profession.

Le Pr Carli mise sur l'amont

Quelques heures plus tôt, Pr Pierre Carli, vice-président de Samu-urgences de France avait milité de son côté pour un « changement de paradigme » pour résoudre la crise des urgences. Selon lui, l’aval était considéré jusqu’à présent considéré comme « le levier le plus important ». Mais c’est aujourd’hui l’amont qui doit redevenir une priorité. Pourquoi ? « Parce que les Samu et les Smur sont déjà la première victime de la crise des urgences », mais aussi parce qu’il existe « des solutions récentes pour prendre en charge les patients et mieux les orienter », est convaincu le chef de service d’anesthésie-réanimation à l’hôpital Necker-Enfants malades.

Il faut donc au plus vite « intensifier la régulation médicale et la coordonner avec la médecine libérale », plaide le Pr Carli, persuadé qu’il faut mieux utiliser les ressources limitées existantes pour développer les soins non programmés. Il faudra en parallèle informer le public, pour qu’il appelle le 15 avant d’aller aux urgences, poursuit le médecin qui pense que ce dispositif est « parfaitement cohérent avec le service d’accès aux soins (SAS) et l’articulation avec les CPTS » qui gagnent chaque jour du terrain en France.

Nouvelles ressources

« Tout ce qui est pris en charge ne va pas aux urgences », considère le Pr Carli qui est aussi favorable à la création de nouveaux personnels : infirmiers en pratique avancée (IPA) de médecine d’urgence ou d’autres spécialités. Enfin, le médecin défend des actions « rapides et visibles ». Il s’agira notamment de prioriser l’urgence vitale (Samu et Smur) pour maintenir une couverture territoriale. « Le raisonnement imbécile, c’est de penser que l’on va sacrifier de l’amont pour avoir de l’aval, cela ne marche pas », a martelé le Pr Carli. Celui-ci est également convaincu qu’il faut des mesures d’attractivité immédiates (rémunération des gardes, par exemple) pour freiner les départs des soignants. En particulier pour « ceux qui seront là cet été, il faut penser à mieux les rémunérer, on peut le faire ». Des propositions qui inspireront sans doute la « mission flash ».


Source : lequotidiendumedecin.fr