Ressources humaines

La Cour des Comptes critique le recours massif aux contractuels à l'hôpital

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Publié le 29/09/2020
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Les magistrats dénoncent en particulier les conditions de recrutement des médecins contractuels à l'hôpital, souvent rémunérés « bien au dessus » de leurs pairs PH titulaires dans les secteurs en tension.
Selon la Cour, l'hôpital a recours aux contractuels pour pallier les départs en libéral

Selon la Cour, l'hôpital a recours aux contractuels pour pallier les départs en libéral
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Alors que les récits de médecins intérimaires payés plusieurs milliers d'euros pour de courtes missions restent fréquents l'hôpital public, un rapport de la Cour des comptes illustre la coexistence difficile entre contractuels et titulaires – notamment dans les secteurs en tension. 

Tous métiers confondus, les quelque 225 000 agents contractuels occupent presque un emploi sur cinq dans les hôpitaux (19,5 % des effectifs), en forte hausse de 48 % entre 2007 et 2017. Ces non-titulaires pallient des absences, remplissent des besoins ponctuels mais représentent surtout la voie de recrutement privilégiée dans les métiers en tension ou pénibles. Côté médecins, on compte 20 000 contractuels en centres hospitaliers et CHU. Parallèlement,  30 % des postes de PH restent vacants…

Concurrence

« Une des justifications du recours à des agents contractuels est l’insuffisance de fonctionnaires titulaires disponibles, non parce que le corps ou le cadre d’emplois n’existerait pas, mais parce que les conditions d’exercice, de rémunération ou de carrière sont peu attractives comparées à celles offertes par le secteur privé pour le métier concerné », détaille la cour. 

C'est particulièrement vrai pour les médecins, troisième corps de métier « en tension » à l'hôpital avec 4 339 projets de recrutements « difficiles » en 2018 – derrière les aides-soignants et les infirmiers. Pour cette profession, « le recrutement de personnels contractuels vient principalement pallier le départ de titulaires vers le secteur libéral ou privé et les difficultés de recrutement dans certaines disciplines et/ou zones géographiques ». 

Source de démission 

Dans ce contexte, la distorsion salariale s'attire les foudres de la Cour. En règle générale, sur les postes peu qualifiés, les contractuels sont « significativement » moins payés que les fonctionnaires titulaires, mais c'est tout l'inverse dans les « métiers en tension » ou/et ceux qui exigent une qualification qui fait défaut dans tel ou tel service.

Et dans la réalité, les employeurs sont « parfois contraints de concéder des salaires très élevés dans le seul but de pouvoir assurer leur mission de service public »« Ainsi, l’un d’entre eux verse à un médecin de prévention un traitement indiciaire supérieur de 858 points (soit 4 020 euros bruts mensuels) à ce que percevrait un médecin titulaire possédant la même ancienneté », lit-on. La Cour constate « de nombreux cas de médecins hospitaliers contractuels recrutés très au-dessus du barème des médecins titulaires ». Des situations contraires au droit qui font l'objet d'une « tolérance »

Les sages de la rue Cambon vont plus loin en expliquant que « la revalorisation des conditions de rémunération et de carrière des titulaires pour les métiers concernés (en tension, NDLR), qui est une option, est rarement retenue par crainte d’enclencher un processus de généralisation des ajustements à tous les métiers de la fonction publique, y compris ceux qui ne sont pas en tension ». Que ce soit pour les médecins, les kinés ou les infirmiers, la rémunération des titulaires prévue par les grilles indiciaires, même complétée de primes, est « déconnectée des conditions du marché », lit-on. 

La Cour juge que de tels écarts de rémunération sont « difficilement soutenables ». Les sages craignent qu'un « sentiment d’iniquité [naisse] de la différence de rémunérations pour des emplois comparables, dès lors que celle-ci n’est justifiée ni par l’ancienneté, ni par le diplôme ou la compétence, mais uniquement par le statut ». Pire : les magistrats estiment que cette distorsion peut conduire certains titulaires « à quitter leur fonction pour devenir agent contractuel, par voie de détachement ou même par démission ».

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin