Lamine Gharbi (FHP) : « Les tarifs MCO augmentent de 7 % pour les hôpitaux publics et de 5,4 % pour les cliniques, ce n’est pas normal ! »

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Publié le 05/04/2023
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Alors que le gouvernement a dévoilé les évolutions des tarifs MCO 2023 des établissements hospitaliers – soit +7,06 % pour les hôpitaux publics, +6,7 % pour les établissements privés à but non lucratif et +5,4 % pour les cliniques – le président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), Lamine Gharbi, juge ces arbitrages inéquitables car « l’inflation est la même pour les deux secteurs ». Il réclame un Ondam rectificatif et revient par ailleurs sur l'encadrement de l’intérim médical.

LE QUOTIDIEN : Le plafonnement de l’intérim s’applique depuis lundi 3 avril. Pensez-vous comme François Braun qu’il n’y aura pas de « fermetures sèches » de services hospitaliers ?

LAMINE GHARBI : Je n’ai pas de remontées particulières pour le moment. Nous ne sommes pas vraiment concernés par cette réforme, car peu de médecins intérimaires travaillent dans le secteur privé. En général, les médecins libéraux trouvent des solutions entre eux pour se faire remplacer. Je pense néanmoins qu’il n’y aura pas de problèmes majeurs dans le secteur public dans les prochaines semaines. Des contrats de remplacement ont été signés avec les intérimaires avant l’application de la loi Rist. Tout a été anticipé. Par contre, il est possible que cette situation se tende dans deux à trois semaines car il faudra trouver des remplaçants pour combler les futures absences.

Les fédérations hospitalières ont signé une « charte d’engagement » visant à combattre les dérives tarifaires et à assurer la bonne application de la loi Rist. Comment la FHP va-t-elle concrètement se mobiliser ?

Nous allons prendre en charge tous les patients qui ne pourront pas être soignés à l’hôpital public. Nous répondrons présents, comme durant le Covid. Je ne serai pas derrière chaque clinique. En cas de tensions sur un territoire, je me suis néanmoins engagé à contacter les fédérations régionales concernées pour trouver des solutions. Même si, sur le papier, les cliniques sont, bien sûr, libres de faire ce qu’elles veulent.

Prévoyez-vous des renforts en ressources humaines pour soutenir les établissements publics en difficulté ?

10 % de nos postes sont déjà vacants. Cela va donc être difficile de mettre à disposition du personnel médical et paramédical supplémentaire. Par contre, nous allons faire des efforts pour augmenter nos vacations en bloc opératoire, augmenter nos capacités en lits de médecine, en rééducation et en psychiatrie.

Pouvez-vous garantir qu’il n’aura aucune surenchère tarifaire de la part des cliniques ?

Une fois de plus, c’est plutôt le secteur public qui est principalement concerné par les dérives tarifaires. Rares sont les cas de surenchère dans le secteur privé. Mais d’un point de vue général, le plafonnement de l’intérim médical va nous aider à faire rentrer dans le rang tous les praticiens qui abusaient.

Quel regard portez-vous sur la campagne tarifaire 2023 ?

Je tiens à souligner que le secteur privé était en sous-exécution en 2022, ce qui signifie que nous n’avons pas dépensé l’argent qui nous avait été octroyé. L’État aurait dû nous restituer complètement la réserve prudentielle en fin d’année (0,7 % des crédits 2022). Mais il n'en a restitué que la moitié (0,35 %), ce qui représente une enveloppe de 70 millions d’euros. Selon le ministère, cette somme sera exclusivement dédiée aux hôpitaux publics qui sont en situation de déficit. Donc, non seulement les établissements publics font moins d’activité que nous, mais ils ont aussi plus en déficit ! Cela me contrarie car le secteur privé fait des efforts pour prendre des malades supplémentaires et, au final, c’est lui qui est pénalisé.

Est-ce que cette augmentation des tarifs suffira à absorber le choc de l'inflation et la progression des coûts des salaires ?

Les tarifs MCO augmentent de 7 % pour les hôpitaux publics et de 5,4 % pour les cliniques. Ce n’est pas normal. L’inflation est la même pour les deux secteurs ! Je ne vois pas pourquoi il devrait y avoir deux évolutions de tarifs différentes. C'est pourquoi nous demandons un Ondam rectificatif en juin afin de compenser les surcoûts « inflation » non couverts par la campagne tarifaire (soit 1,2 milliard d’euros pour l’ensemble des établissements publics et privés). Pour le secteur privé, ces surcoûts représenteront environ 500 millions d’euros d’ici à la fin de l’année. Il faudra aussi tenir compte des revalorisations salariales dans le privé (+ 3,5 %), qu'il faudra financer.

Est-ce que cette campagne tarifaire est de nature à fragiliser le secteur privé MCO ?

Oui. En MCO mais aussi en soins médicaux et de réadaptation (SMR) où les tarifs augmentent de 4 %… Un quart des cliniques sont déjà dans le rouge. Cette situation risque de s’aggraver. La concentration des cliniques devrait aussi s’accentuer. Les petites cliniques vont fermer, notamment dans les zones rurales. Cela va fragiliser le tissu hospitalier.

Vous demandez à bénéficier des majorations des sujétions et heures supplémentaires accordées aux personnels du secteur public. Où en est cette demande ?

Au point mort ! Le ministère préfère favoriser l’hôpital public car il est plus en déficit que nous. Il joue son rôle d’actionnaire, il renfloue le public. Les majorations à l'hôpital public viennent d’ailleurs d’être prolongées jusqu'à fin août. Mais elles ne s’appliquent pas au secteur privé alors que nous avons aussi des personnels de nuit, et qu’il faut bien les rémunérer à leur juste valeur…

Un chantier s’ouvre sur l’attractivité des carrières hospitalières (pénibilité, PDS…) dans le public. Quelles sont les priorités du privé lucratif sur le sujet ?

Nous avons récemment conclu un accord de branche pour l'attractivité et la reconnaissance des carrières des professionnels de santé. Il s’agit d’une refonte totale des grilles de classification et d’une augmentation des rémunérations minimales conventionnelles. Le premier échelon sera désormais 15 % au-dessus du Smic.

Cela devrait permettre de revaloriser les carrières en tenant compte des compétences des agents et non plus uniquement de leur ancienneté. Mais pour faire appliquer cet accord de branche, nous avons besoin d’un accompagnement financier de l’État de 300 millions d’euros – et même de 450 millions si l’on tient compte des deux autres fédérations, le Synerpa [syndicat national des établissements, résidences et services d’aides à domicile pour personnes âgées, NDLR] et le Conseil national des établissements thermaux.


Source : lequotidiendumedecin.fr