« Un projet d’établissement est fondé d’abord sur un projet médical »

Publié le 10/06/2010
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Crédit photo : S TOUBON

LE QUOTIDIEN – Vous réunissez aujourd’hui l’ensemble des présidents de CME et des directeurs des cliniques de la Générale de Santé. Qu’allez-vous préconiser au sujet des relations direction/CME – un dossier sur lequel d’autres sont en train de se casser les dents ?

FRÉDÉRIC ROSTAND – Nous allons instituer une charte dans tous nos établissements avec un point clé : la transparence de l’information. Nous avons listé et formalisé tous les sujets qui ont trait à la stratégie économique, aux RH, à la qualité… et pour chacun, nous avons établi « qui communique à qui » et selon quelle périodicité. Le but est de s’assurer que chacun dispose au bon moment de la bonne info.

Autre initiative : nous souhaitons mettre en place une instance d’arbitrage régionale pour faciliter l’émergence de compromis en cas de différents. Nous voulons enfin contribuer à l’aide matérielle qu’il convient d’apporter aux CME pour qu’elles puissent exercer leurs missions. Il s’agira de mise à disposition de moyens informatiques, bureautiques, de secrétariat… Et au-delà, nous proposons un dédommagement aux praticiens qui, sur la base d’une lettre de mission du directeur, participent à des missions d’expertise spécifiques (réunions à l’ARS [agence régionale de santé], en binôme avec le directeur par exemple). Cela se fera aux frais réels ou par un remboursement en équivalent C de l’heure.

Cela signifie que vous allez défrayer les présidents de CME ?

F. R. – Non, que nous allons les « dédommager », et pour certaines missions seulement, puisqu’il est hors de question que nous rentrions dans des notions de salariat ! Nous avons comme ligne directrice d’être défenseurs du mode d’exercice libéral.

Ce « dédommagement » approchera-t-il de ce que la réglementation prévoit désormais pour les présidents de CME de l’hôpital public (300 euros bruts mensuels) ?

F. R. – Nous partons sur l’idée d’un forfait horaire de 3 C.

Pr HENRI ESCOJIDO – Souvenons-nous qu’il y a trois sources de dédommagement possibles pour les présidents de CME : les praticiens, via les cotisations versées à la conférence, la tutelle – on peut toujours rêver –, et l’établissement. Dans ce troisième cas de figure, il ne faut pas de lien de causalité ni de rémunération entre la clinique et le médecin.

Que proposez-vous pour améliorer le fonctionnement des CME ?

Pr H. E – La loi de 1991 puis HPST [Hôpital, patients, santé et territoires] nous laissant une totale liberté, nous avons élaboré un certain nombre de règles indicatives pour permettre à la représentation médicale de se structurer et d’être force de proposition. Nous partons du principe d’une représentation par collèges, afin que les choses fonctionnent bien en amont de la CME. Car il faut une information circulante, transparente et réciproque. Après, le président de la conférence a un rôle politique en interne. Il n’est pas le conseil de l’Ordre, il n’est pas un syndicat, sa mission est bien spécifique. Il ne doit pas être tout seul mais entouré d’un bureau très actif.

La CME va travailler sur le projet médical, l’investissement, le recrutement des nouveaux médecins, le développement de telle ou telle activité… en connaissant le contexte. Il faut donc qu’elle soit à l’écoute de son propre versant, les médecins, mais aussi du versant « management », et de la tutelle.

C’est aller très au-delà de ce que préconise la loi HPST.

F. R. – Mais un projet d’établissement est fondé d’abord sur un projet médical.

Pr H. E – Et il est bien clair aussi que nous ne revendiquons aucune confusion des rôles. Il ne s’agit pas d’une cogestion.

La « guerre » médecins-directeurs qui se joue à l’hôpital public ne vaut donc pas dans vos cliniques ?

Pr H. E – Non. Parce que nous sommes « condamnés » à nous entendre de manière très réactive. À l’hôpital coexistent deux hiérarchies toutes deux légitimes et procédant d’une même essence initiale. Nous, nous avons une convergence d’intérêts obligatoire.

Le fait que vous prôniez cette gouvernance rénovée signifie-t-il que des CME ne marchent pas correctement dans le groupe ?

Pr H. E – Je dirais que dans une bonne moitié des établissements, leur fonctionnement est satisfaisant et que dans l’autre moitié, il l’est moins. Et qu’à l’intérieur de chacun de ces deux groupes, on trouve un tiers de CME dont le travail est très satisfaisant et un autre tiers où cela ne va pas du tout. Il y a donc une marge de progression.

Les directeurs de clinique sont-ils conscients de la nécessité d’avoir une « bonne » CME ?

Pr H. E – On constate en tout cas que dans la situation inverse, l’établissement ne va pas forcément très bien.

F. R. – Nos établissements les plus performants sont indéniablement ceux où les CME sont vivantes et actives.

Avez-vous avancé sur la perspective d’accueillir des internes dans vos établissements ?

F. R. – Nous restons bien sûr en attente du décret d’application. Je précise que nous accueillons déjà des internes, en particulier des médecins généralistes aux urgences de notre hôpital privé de l’Est parisien ou bien des cardiologues et des anesthésistes réanimateurs à l’hôpital privé de la Loire, à Saint-Étienne. Mais pour ce qui concerne le champ d’application de la loi HPST, nous avons d’ores et déjà fait un recensement et identifié 26 équipes candidates à l’accueil des internes, 26 terrains de stages essentiellement en urologie, chirurgie de la main et en anesthésie.

S’agit-il d’un gros enjeu pour votre groupe ?

Pr H. E – Alors qu’aujourd’hui, 10 % seulement des jeunes envisagent de travailler exclusivement en libéral, c’est important de leur donner envie de venir chez nous ! Et c’est aussi très bon pour nos équipes où la moyenne d’âge stagne : il est important d’avoir, en continu, un réamorçage par les plus jeunes.

Vous érigez enfin la gestion responsable et la qualité en priorités partagées par les médecins et les directeurs. Pourquoi ?

Pr H. E – Parce que dès que l’on sort de la qualité, on le paie très cher. Nous sommes évidemment confrontés comme tous à la misère tarifaire, nous sommes obligés de cultiver l’efficience et la productivité, nous ne pouvons pas ne pas connaître la réalité économique, mais nous faisons tout cela sans perdre de vue notre objectif de qualité. Derrière ce terme, nous rangeons la sécurité des soins mais aussi l’innovation technologique.

Aucun des quatre ateliers qui restituent aujourd’hui leurs travaux ne s’est penché sur la question des dépassements d’honoraires ?

F. R. – Non, mais je rappelle que la situation est un peu particulière dans nos établissements, dont beaucoup sont implantés en banlieue : 60 % de notre activité se fait en tarifs opposables et pour les 40 % restants, les dépassements sont limités à 18 %. Le tact et mesure est vraiment respecté. Et lorsqu’il y a des difficultés d’accès à tel ou tel établissement, notre approche est assez pragmatique : c’est à l’établissement de s’emparer du sujet et de travailler, sur le mode du volontariat, avec le corps médical…

Pr H. E – ... et sous l’égide de la CME !


Source : Le Quotidien du Médecin: 8788