« Ici, les médecins votent avec leurs pieds », l’AMUF alerte sur la crise sanitaire en Guyane

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Publié le 18/10/2017
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L’association des médecins urgentistes de France (AMUF) alerte sur la crise sanitaire qui sévit en Guyane, 6 mois après la signature d’un accord qui devait apporter une bouffée d’air frais aux services hospitaliers de ce département d’outre-mer, mais dont l’application se fait toujours attendre.

Dans le service d’urgence du centre hospitalier Andrée-Rosemon (CHAR), « les médecins votent avec leurs pieds », constate, amer, le Dr Gerd Donutil, délégué local de l’AMUF et membre du service d’accueil d’urgence (SAU) du CHAR, évoquant ainsi les départs réguliers de médecins de son service. « Nous devons refaire notre organigramme tous les mois, nous perdons un grand nombre d’années de service et d’expérience avec chaque départ de médecin », poursuit l'urgentiste.

La situation s’est même dégradée ses dernières années, comme l’illustre le Dr Donutil : « lors du tremblement de terre de Haïti, nous avions envoyé 3 ou 4 médecins de notre SAU. Lors des ouragans qui ont touché la Caraïbe, nous avons pu envoyer du matériel mais pas de médecin, et on en a honte. » Les services d'urgence du CHAR, du centre hospitalier de l'Ouest guyanais et le centre médico-chirurgical de Kourou doivent en outre faire face à un volume d'activité très important : 90 000 passages aux urgences et pour une population de 300 000 habitants, sans compter les 200 000 passages aux centres dispensaires périphériques de santé.

Investissement en panne depuis 2006

Les urgentistes du CHAR luttent pour maintenir l’intégralité de leurs moyens. « Notre dernier grand investissement date de 2006, avec la construction d’un nouveau bâtiment moderne et adapté à nos besoins, poursuit le Dr Donutil, mais nous n’avons pas pu renouveler le matériel depuis. Nous avons notamment besoin de renouveler notre parc d’assistance respiratoire, notre réseau informatique, notre documentation… Nous n‘avons pas assez de lits en aval, et donc pas assez de soin en continu. Il y a bien de l’hospitalisation à domicile, mais elle n’est pas assez développée. »

Le SAU du CHAR a la particularité de coordonner les transports d’évacuation sanitaire (EVASAN) dans l’ensemble de la région, qu’il s’agisse des EVASAN internes au département (depuis les dispensaires vers le CHAR) ou externes (depuis le CHAR vers les CHU des Antilles ou de métropole).

Selon l'AMUF, le planning du service d'accueil d'urgence du CHAR prévoit 9 lignes de gardes pendant la journée et une astreinte pour les EVASAN vers les Antilles. « À partir du 15 octobre, nous ne serons plus en mesure d'assurer les EVASAN extra-départementales », prévient l'AMUF dans un communiqué. Chaque année, ce sont plus de 200 évacuations qui ont lieu vers la métropole, et 600 interventions hélicoptères.

Pertes de chance

« C’est désespérant, poursuit le Dr Donutil, nous avons des patients qui attendent les résultats de leurs examens anatomopathologiques pendant des semaines le temps que les informations fassent l’aller et le retour depuis la métropole. On fait perdre des chances à nos patients. »

Récemment, la direction du CHAR a conclu un accord pour appliquer les 39 heures au CHAR. « Si cet accord est mis en pratique au premier janvier comme convenu, il nous faut 50 postes temps plein, au lieu des 25 à 30 actuels », explique le Dr Donutil.

Seule lumière au tableau : la mise en place d’une solution de télémédecine entre les urgences et les neurologues du CHRU de Besançon pour pallier l’absence de spécialistes lors de la prise en charge des conséquences d'AVC. « Cela fonctionne bien mais consomme du temps : on prend 15 à 30 minutes par patient, et la liaison Internet est parfois coupée », explique le Dr Donutil.

Les praticiens du CHAR sont en train de se rassembler, pour créer un syndicat avant l’été, et porter les revendications.


Source : lequotidiendumedecin.fr