Moins de 200 carabins et internes séduits par les CESP

Les bourses anti-déserts montrent leurs limites

Publié le 02/02/2012
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Crédit photo : S TOUBON

ENCOURAGEANT mais peut mieux faire ! Deux ans après sa mise en place, le contrat d’engagement de service public (CESP), une des mesures emblématiques de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), n’a pas pleinement rempli ses objectifs. Le gouvernement souhaitait conclure au minimum 400 contrats ces deux dernières années. Or, seulement 146 CESP ont été finalisés l’an dernier et moins de 200 ont été signés cette année. Selon les chiffres communiqués par le ministère de la Santé, 195 contrats exactement ont déjà été formalisés par le Centre national de gestion (CNG) dont 70 % concernent les étudiants en médecine et 30 % des internes. Le compte n’y est pas. Sur le papier, le CESP a pourtant tout pour plaire. L’État verse une allocation brute de 1 200 euros par mois (soit 1 106,88 euros nets) à l’étudiant ou à l’interne qui s’engage à s’installer dans une région sous-dense durant une période équivalente à celle du versement de sa bourse (au minimum 2 ans).

Méconnu, peu lisible, inquiétant.

Pourquoi cet échec relatif ? L’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) a tenté de le comprendre. L’association vient de rendre publiques les conclusions d’une enquête. Dans ce document, l’ANEMF fait un état des lieux précis du CESP et formule plusieurs propositions pour améliorer le fonctionnement du dispositif. Premier grief, les étudiants ne connaissent pas les modalités exactes du contrat. Cette année, des réunions de sensibilisation ont été organisées dans 18 des 37 facultés de médecine en présence des agences régionales de santé (ARS). Mais selon l’ANEMF, les ARS n’ont été que très peu impliquées dans la campagne de communication. L’association de carabins estime que des réunions d’information devraient avoir lieu dans toutes les UFR de médecine pour donner une information claire et efficace. « La communication doit être gérée par l’ARS, la faculté et les élus étudiants », affirme l’ANEMF.

Deuxième hic : la durée de l’engagement du contrat fait peur aux étudiants. « Comment s’engager, sur parfois seize années de sa vie, à peine entré dans les études médicales », s’interroge justement l’association. L’ANEMF propose un assouplissement de la durée d’engagement et propose que les étudiants signent un contrat pour une durée...déterminée. Ce CESP « à la carte » permettrait aux candidats de personnaliser leur projet et de ne pas forcément bénéficier de la bourse pendant leur internat, période pendant laquelle, ils touchent un salaire. De même, l’ANEMF propose que ce contrat, aujourd’hui trop rigide, puisse être amendé chaque année pour rallonger ou raccourcir la durée d’engagement.

Troisième grief : les étudiants dénoncent l’absence de transparence sur les postes auxquels ils pourront prétendre à l’issue de leur formation. Selon l’ANEMF, 85 % des étudiants intéressés par le dispositif n’ont en effet pas signé le contrat car ils avaient peur de ne pas pouvoir choisir librement leur spécialité.

Pièges.

Plusieurs voix se sont déjà élevées ces dernières semaines pour demander une refonte du CESP.

L’Union régionale des professionnels de santé (URPS médecins) des Pays de la Loire a mis l’accent sur les pénalités « exorbitantes » que subiront les médecins s’ils mettent fin à leur contrat. En cas de rupture du CESP par l’intéressé, l’indemnité à rembourser est en effet composée de la somme des allocations nettes perçues, majorée de 20 000 euros. Pour l’union des Pays de la Loire, la durée d’engagement pouvant excéder 10 ans et les lieux d’exercice sélectionnés par les ARS sont autant de « pièges » pour les futurs médecins.

L’Ordre réclame également un assouplissement des règles du jeu. « On ne peut demander à un étudiant de s’engager près de 10 ans à l’avance sur une zone d’exercice et sur une spécialité, c’est invraisemblable », déclare son président, le Dr Michel Legmann.

Depuis sa création, le CESP a déjà été corrigé et amélioré par les pouvoirs publics. Nora Berra confiait dans nos colonnes avoir « travaillé avec tous les acteurs pour améliorer la visibilité et la lisibilité » du contrat (Le Quotidien du 16 septembre 2011). « Pour les 400 nouveaux contrats que nous allons proposer cette année, nous sommes en mesure de garantir aux étudiants et aux internes un poste dans une zone sous-dense de la région où ils ont effectué leurs études », précisait la secrétaire d’État à la Santé.

Le Pr Patrice Deteix, président de la Conférence des doyens, juge pour sa part « encourageant » le résultat de 200 contrats signés. « Je suis optimiste, confie-t-il. Le nombre de contrats monte année après année. Jusqu’à présent, les étudiants ne pouvaient pas se projeter facilement dans ce dispositif, ils ont un peu plus de visibilité sur les postes qui leur seront proposés ». Selon un récent décompte, certaines régions, plus mobilisées, ont enregistré un grand nombre d’adhésions : la Picardie (22 CESP), l’Auvergne (12), Champagne-Ardenne (14) et le Centre (13).

Comme l’an dernier, très peu d’internes - une soixantaine - ont adhéré à ce contrat. « Les internes qui signent un CESP ont besoin, plus que d’une bourse, d’une aide pour concrétiser leur projet professionnel », souligne Charline Boissy, présidente de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG). Selon l’interne lyonnaise, la communication autour des CESP a été tardive et l’identification des interlocuteurs en charge des contrats au sein des ARS laisse à désirer.

Pour vendre davantage leurs bourses, les pouvoirs publics devront en assurer une meilleure promotion.

 CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 9077