Sur le terrain, les médecins sont en attente de clarification, estiment les syndicats

Par
Publié le 05/11/2018
Article réservé aux abonnés
Jean-Paul Ortiz et Philippe Vermesch

Jean-Paul Ortiz et Philippe Vermesch
Crédit photo : GARO/PHANIE

Décalage entre l'action d'Agnès Buzyn et les annonces d'Emmanuel Macron, rejet des mesures concernant les assistants médicaux, la fin de l'exercice salarié ou de la télémédecine… Contre toute attente, les réponses des médecins aux questions de notre sondage n'ont pas surpris les syndicats de libéraux outre mesure. Pour eux, il s'agit avant tout d'un manque de d'informations et de détails. Le gouvernement doit faire « un effort de pédagogie », estiment-ils.

Et cela vaut particulièrement pour l'annonce de mettre fin à l'exercice isolé et de développer l'exercice coordonné via les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), que les médecins n'approuvent pas vraiment (53 % pensent que ce n'est pas une bonne orientation). « Il est logique que les médecins qui exercent encore seuls soient inquiets de cette obligation de regroupement, assure le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. D'autant que ces structures d'exercice coordonné sont très protocolisées. » Le fait que les médecins soient partagés sur cette mesure est même assez normal pour le Dr Philippe Cuq, coprésident du BLOC, car « on connaît tous des médecins exerçant en solo dont le service rendu est excellent et des cabinets de groupe qui ne fonctionnent pas bien ».

« C'est l'une des annonces qui a été la plus incomprise par les médecins sur le terrain, rajoute le Dr Battistoni, président de MG France. Certains ont pensé qu'ils ne devaient plus être tous seuls dans un cabinet, ce qui est très insécurisant. Il faut penser aux médecins de plus de 55 ans qui ont toujours exercés ainsi ! » Que les jeunes médecins soient plus en phase avec cette mesure (à 53 %) ne dispense pas le gouvernement de faire un travail d'explication sur ce point, estiment les syndicalistes.

Idées inabouties

L'analyse pourrait être la même concernant les assistants médicaux (56 % des sondés pensent que ce n'est pas une bonne idée), une demande pourtant largement portée par les syndicats. Comment expliquer ce décalage avec le terrain ? « Les médecins ne voient pas comment cela va se réaliser cette mesure, admet le Dr Ortiz, à la tête de la CSMF. Comment cela va se traduire dans leur cabinet, qu'est-ce que cela va changer au quotidien ? Leur scepticisme vient de là. »

Pour le patron du SML, le Dr Philippe Vermesch, ce rejet s'explique aussi par le fait que les médecins isolés n'ont pas été éduqués à une « gestion entrepreneuriale » du cabinet, avec du personnel. « Les médecins passent leurs journées à essayer de résoudre des problèmes, donc ils n'aiment pas quand on leur lance des idées qui ne sont pas tout à fait abouties », analyse même le Dr Cuq.

Méconnues des médecins, ces trois mesures pourraient donc expliquer le rejet du plan Macron par nos sondés. « Derrière ces gros effets d'annonces, les médecins sont en attente de précisions », résume le Dr Hamon. Et la même observation pourrait s'appliquer à la télémédecine. Au-delà du tarif considéré comme trop bas par certaines structures syndicales, les professionnels ont « le nez dans le guidon » et manquent d'éléments pour en évaluer l'intérêt, estime le BLOC.

Langage partagé

Sur le reste des réponses, les syndicats ne sont pas davantage interpellés. Même lorsque les médecins libéraux approuvent à 60 % une mesure promettant le recrutement de 400 médecins salariés dans les déserts médicaux ! Pour le leader de la CSMF, cela est au contraire révélateur du besoin de faire évoluer le statut des médecins vers plus de mixité, alors qu'il y a un « malaise » vis-à-vis du modèle libéral. « Les jeunes sont dans cette optique, rappelle de son côté le Dr Vermesch. Et certains médecins ne voient pas pourquoi ils devraient s'embêter à faire plus de 50 heures par semaine, quand ils peuvent être salariés à 35 heures. » Enfin, les médecins estiment peut-être que le gouvernement s'empare du problème de la démographie avec cette mesure, avance le Dr Battistoni. Et que ce n'est plus à eux de trouver des solutions…

La proposition de supprimer le numerus clausus semble faire consensus autant chez les syndicats que sur le terrain, même si ces derniers soulignent une nécessaire régulation dans les facultés et sur les terrains de stage. De même, malgré le rejet de plusieurs mesures du plan santé, la cote de popularité de la ministre de la Santé Agnès Buzyn ne fléchit pas. Pour les syndicats, l'hématologue sait y mettre les formes. « Elle dialogue et c'est une médecin, nous partageons le même langage », soutient le Dr Ortiz. « Agnès Buzyn n'a pas la même approche que l'ancienne ministre, les relations sont bien plus cordiales », conclut le Dr Vermesch.

Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin: 9699