Courrier des lecteurs

Après le salariat, je suis parti en libéral... et je suis plus heureux comme ça !

Publié le 27/10/2017
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J'ai travaillé longtemps en centre de santé et suis libéral depuis plusieurs années. L'exercice salarié, lorsqu'on est vraiment salarié est agréable, à condition d'être investi dans son job et de se comporter en vrai médecin traitant (je parle de médecine générale).

Deux écureuils toutefois :

1/ La pesanteur administrative et, certaines fois, l'incompétence (travailler avec des secrétaires qui ne passeraient même pas une journée dans nos cabinets, et se faire convoquer par le délégué du personnel pour se faire réprimander est totalement insupportable). Quand une direction t'oblige à recevoir des patients que tu ne veux plus soigner, t'explique qu'il faut multiplier les actes pour faire rentrer plus d'argent (quitte à surfacturer, puisque les patients sont à la cmu ou totalement pris en charge) te refuse une absence pour mieux l'accorder à un autre etc. etc.

2) Les confrères qui, parce qu'ils sont salariés, glandent, sont en arrêt de travail, partent trop tôt, arrivent trop tard et plombent les finances du centre de santé… Pour résoudre ce problème, plein de centres de santé payent maintenant à l'acte leurs médecins… Donc on oublie le côté angélique du "je préfère soigner sans penser au chiffre d’affaires" et on devient encore plus prescripteur d'actes et de consultations supplémentaires pour pouvoir gagner sa vie… Et là encore on dépend quand même de la secrétaire qui peut oublier de facturer ou encaisser ou transmettre les feuilles etc. etc.. Le pourcentage restant pour le praticien est souvent ridicule par rapport à la rentabilité d'un cabinet libéral…

J'ai pu voir des confrères consciencieux et continuant à travailler sérieusement, mais j'ai vu des confrères bâcler très nettement le boulot pour gagner plus (surtout en dentisterie ou l'essentiel est de poser la couronne, tant pis si les soins en dessous sont mal faits).

Les avantages sont quand même de pouvoir échanger et apprendre plus facilement avec les confrères, surtout si on est dans un centre pluridisciplinaire.

Et si nous arrêtions de nous plaindre...

Donc, après le salariat, le jour où on a voulu m'imposer un changement de contrat, je suis parti en libéral. Je travaille 20 % de plus qu'avant, je gagne 40 % de plus, et je suis plus heureux. Si j'étais resté en centre de santé avec le contrat proposé, avec mon chiffre d’affaires actuel, je gagnerai 30 % de moins que ce que je dégage comme bénéfice actuellement. Et j'aurai toujours des comptes à rendre à une hiérarchie qui a juste le bac…

Bien loin des 70 heures, mais bien organisé, avec une secrétaire fiable, je vis très bien… Si nous arrêtions de nous plaindre, les jeunes seraient plus nombreux à prendre la relève. Même les chiffres des bénéfices annoncés dans les médias ou le ratio chiffre d’affaires/bénéfice sont faux. On oublie de dire que pas mal de nos frais quotidiens sont imputés au cabinet (voiture, essence, assurance, imprimante, cartouches, abonnement téléphonique, i phone 8, l'appart que nous achetons qui nous sert de cabinet et qui fera des loyers à la retraite… etc. etc. etc.. Question couverture maladie, nous avons déduit notre prévoyance qui nous couvre peut-être mieux que le salariat. Nous avons déduit nos placements en Madelin qui nous assurent une meilleure retraite. Pour certains, nous avons même trouvé des plan d'épargne entreprise PERCO PEI qui nous aideront bien à la retraite mais qui diminuent nettement notre bénéfice déclaré et imposable…

Celui qui travaille 70 heures gagne très bien sa vie chez nous (faites le calcul avec 3,5 patients à l'heure sur 4 semaines ça fait 25 000 euros de rentrées mensuelles(hors versement ald rosp etc. etc.). A ce prix-là, tu as une secrétaire qui te fait le travail administratif et un comptable…

Merci la caisse !

 

Voilà pour les sous ! Le côté administratif maintenant

Les caisses nous harcèlent ??????? Vraiment ? Pour un toubib qui travaille honnêtement, je ne crois pas que les caisses nous embêtent… Maintenant si nos 70 h/semaine consistent à délivrer plus d'arrêts de travail que les autres, n'est ce pas normal de rendre des comptes ? Lors de mon installation, je me suis adressé au guichet unique du département; et la sécu a tout fait à ma place : Merci la caisse !

La carmf et l'urssaf coûtent trop cher ? Mais ce n'est pas vrai… Regardez ce que coûte le salariat : en charge, pour un salaire net de 1 000 euros, l'employeur a sorti 1 800… Pour nous, une fois qu'on a bien tout déduit nos frais, on est encore loin de ce ratio.

Et enfin… les patients ! J'ai décidé de recevoir uniquement sur rendez-vous (je rajoute avant et après ceux qui sont malades du jour, bien sûr) et j'ai pu ainsi sélectionner ma patientèle… J'ai affaire à des gens charmants, souriants agréables et reconnaissants (les autres sont partis naturellement); donc tout va bien. Si nous tenions ce langage aux jeunes, je suis sûr qu'ils auraient moins peur du libéral.

VIVE LE libéral !

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Dr Marc Castaner, Manosque (Alpes de Haute-Provence)

Source : Le Généraliste: 2811