3 questions à Claude Le Pen* « Une logique de différenciation »

Publié le 12/05/2017
Article réservé aux abonnés
.

.
Crédit photo : GARO/PHANIE

Sur le plan tarifaire, qu’a apporté la dernière convention ?

Claude Le Pen Sur le plan tarifaire, la dernière convention n’est pas d’une avancée bouleversante. Il y a effectivement une augmentation du C, qui a plutôt été perçue à l’époque comme un petit cadeau électoral. Mais il n’y a pas eu de remise à plat des rémunérations. Le chantier tarifaire reste largement ouvert. Beaucoup de problèmes n’ont pas été réglés. Par exemple, l’idée de faire disparaître les dépassements d’honoraires par la revalorisation des tarifs opposables. Pour l’instant, les augmentations ne sont pas susceptibles d’entraîner cette mutation. Nous sommes davantage dans une idée de rattrapage que dans celle de refonte du mode de rémunération.

Quels sont, à votre avis, les grands chantiers tarifaires pour demain ?

C. L. P. Une formule qui serait intéressante, mais qui reste très compliquée, est celle de la rémunération au patient, un tarif attaché au patient selon son parcours. Mais, en France, la question est de savoir si on veut un versement forfaitaire qui englobe l’intégralité du parcours de soins et à qui on le verserait. Faut-il rémunérer le généraliste qui pilote l’intégralité du parcours ? Ou bien répartir la somme entre l’hôpital et la ville, entre la médecine spécialisée et la médecine générale ? Il n’y a pas, en France, de « case manager » qui pourrait être la personne qui perçoit la partie du forfait par pathologies. Aux États-Unis, c’est l’assureur qui gère ça, au Royaume-Uni le GP. Nous avons essayé avec le médecin traitant de faire du généraliste le pilote, mais, en réalité, ce n’est pas lui qui achète les soins pour le compte de son patient ou les négocie avec les autres partenaires. Or s’il n’y a pas de gestionnaire du parcours de soins, il n’y aura pas de parcours de soins. De surcroît, pour l’instant, il n’existe pas vraiment d’évaluation médico- économique du parcours de soins et de sa tarification.
Cela reste un simple outil. On est davantage sur un parcours d’information, les moyens financiers ne circulent pas.

Pensez-vous que la revalorisation de mai est la dernière augmentation du C avant un moment ? Le paiement à l’acte va-t-il perdre du terrain ?

C. L.P. Le paiement à l’acte évolue et n’est plus aussi monolithique. Il inclut désormais des majorations pour l’enfant de moins de 5 ans, la personne âgée, la coordination. Je pense que, dans le futur, on va essayer d’affiner, d’avoir une différenciation. On aura un paiement à l’acte qui sera différent selon les actes de médecine clinique avec l’inclusion d’autres éléments que ceux médicaux comme la PDS ou la santé publique. Ce chemin présente deux risques principaux. Le premier est d’arriver à une très grande complexité. Difficile d’avoir à la fois un système simple et lisible et d’ajuster les rémunérations à la situation de chaque clinicien en fonction de son activité, de l’endroit où il exerce, de sa performance médico-économique. L’obscurité tarifaire est déjà un problème pour les professionnels comme pour le patient, car on est sur des critères peu perceptibles qui donnent l’impression d’arbitraire. Les augmentations ciblées entraînent aussi un risque de division du corps médical car cela permet une année d’augmenter une certaine profession et d’autres les années suivantes.

*économiste de la santé à Paris-Dauphine.


Source : lequotidiendumedecin.fr