Cabinets désertés : les généralistes craignent des pertes de chances pour les patients chroniques

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Publié le 27/03/2020
Salle d'attente vide

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Crédit photo : GARO/PHANIE

En annonçant lundi 23 mars le durcissement des dispositions exceptionnelles de sortie et en demandant aux Français de réserver leurs déplacements médicaux aux soins urgents, le discours du Premier ministre Édouard Philippe a eu l'effet d'une bombe à retardement. Selon plusieurs témoignages de praticiens, les patients ont petit à petit déserté les cabinets de médecine générale cette semaine. Craignant des pertes de chances pour les patients souffrant de pathologies chroniques et plus largement pour ceux qui attendraient trop longtemps avant de consulter, plusieurs médecins lancent aujourd'hui un appel au gouvernement pour rectifier cette directive. 

Ne pas délaisser les soins primaires

Le Collège de médecine générale (CMG) s'en est tout d'abord ému mercredi « Les médecins généralistes veulent lancer l’alerte sur le risque, suite à cette annonce, de délaisser les soins de santé primaire, qui regroupent les soins de base et les soins chroniques. Il est connu et reconnu que ces soins sont ceux qui ont le plus d’impact sur la mortalité », écrit le CMG, assurant que les médecins de famille ont organisé leurs cabinets « pour offrir les meilleurs soins possible, que ce soit pour gérer les patients suspects de Covid-19 ou les soins courants, malgré la crise sanitaire ».

Le syndicat MG France, réuni en comité directeur hier jeudi, a également fait part de son inquiétude dans un communiqué. « En instillant le doute dans l’esprit des Français sur leur autorisation à aller voir leur médecin pour se soigner, la communication du Premier Ministre rend inopérante l’organisation des soins mise en place par les médecins généralistes dès le début de l’épidémie » déplore le syndicat du Dr Jacques Battistoni. Joint par la rédaction, le généraliste d'Ifs (Calavados) estime en effet que le discours de Philippe était « bien plus restrictif que les décrets parus ». Il assure que cet éloignement des cabinets des malades chroniques et des personnes âgées « suscite colère et frustration chez l'ensemble des généralistes du syndicat, qui ont observé cette baisse d'activité et s'inquiètent pour la santé de leurs patients ». Une lettre ouverte au gouvernement, sous forme de pétition, a d'ailleurs été envoyée à l'ensemble des adhérents de MG France pour sonner l'alarme.

Nécessité de garder le contact avec le médecin traitant

Le président des Généralistes-CSMF, le Dr Luc Duquesnel, fait le même constat. « Il n'y a plus grand monde dans nos cabinets, le discours politique a fait peur aux gens ». Lui aussi insiste sur la nécessité de rappeler aux patients que les cabinets de médecine générale « sont toujours ouverts et sécurisés pour ne pas faire prendre de risque ». Cette semaine, le généraliste de Laval affirme que l'un de ses confrères a observé deux phénomènes de décompensation cardiaque chez ses patients. « On prend un risque énorme avec les pathologies chroniques. Il faut absolument dire aux Français de contacter leur médecin traitant dès qu'ils ont un doute, on n'attrape pas le coronavirus en appelant son généraliste ! », martèle le Dr Duquesnel. 

Sur Twitter, des généralistes très actifs, comme @DocArnica, ont lancé un appel aux médias nationaux pour rectifier le tir et faire passer le message à la population qui n'ose plus consulter. Sans quoi les retards de soins pourraient, au terme de ce confinement, avoir des conséquences graves sur l'état de santé des patients chroniques.


Source : lequotidiendumedecin.fr