LE QUOTIDIEN : Quels sont les grands facteurs qui vont faire évoluer les métiers de la santé en général, et le métier de médecin en particulier, dans les années à venir ?
CORINNE GRENIER : Ce qui domine, bien évidemment, c’est la montée de la santé digitale, qu’il s’agisse de la puissance de traitement des données, de l’intelligence artificielle ou des dispositifs de type téléconsultation, télé-expertise, etc. Le second point, c’est une nouvelle manière de considérer la santé non plus en termes d’actes mais de parcours, notamment en raison de l’importance prise par les maladies chroniques et les problématiques de santé mentale. Enfin, il y a un enjeu autour des savoirs expérientiels des patients, qu’il faut prendre au sérieux : l’usager a une connaissance de sa maladie, de sa vie, qui ne remet pas en cause l’expertise médicale mais que celle-ci doit prendre en compte.
Face à ces facteurs, quels sont les grands scénarios d’adaptation des métiers ?
Je crois que l’une des notions importantes, c’est le décloisonnement et l’exercice pluridisciplinaire. On voit bien que les jeunes ont de plus en plus tendance à s’installer non pas dans des cabinets individuels mais dans des lieux d’exercice pluriprofessionnels où l’on peut s’entourer d'un ensemble d’expertises : orthophoniste, diététicien, infirmier… Il s’agit bien sûr de trouver les mécanismes qui permettent à chacun d’intervenir ensemble sur un parcours de santé. Par ailleurs, on ne peut aujourd'hui plus exercer sans les outils de télémédecine, c’est un moyen de réduire la fracture territoriale, mais aussi de redonner un peu d’autonomie au patient en rendant le dialogue plus facile.
Comment le secteur de la santé, lesté d’une certaine inertie, peut-il s’adapter pour se préparer au mieux aux évolutions à venir ?
Dans la santé comme dans l’éducation, on parle souvent d’inertie, on a l’impression que les choses ne bougent pas, mais quand on y regarde de plus près, il y a un véritable bouillonnement d’expérimentations, d’innovations… La première difficulté consiste à massifier toute cette effervescence pour transformer durablement le champ. Et, bien sûr, ces transformations profondes ne peuvent pas se faire en un claquement de doigts. Les jeunes qui sont actuellement en première ou deuxième année de médecine seront tout naturellement habitués à la transition digitale, à travailler avec d’autres professions… Ce sont des évolutions qui prennent une génération.
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