Tout n'est pas à jeter, loin s'en faut, mais les fameuses lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS), qui jalonnent chaque automne parlementaire, méritent une sérieuse mise à jour : tel est le message d'alerte du Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), qui fixe trois priorités dans un rapport remis à Matignon : élargir le périmètre de ces lois, renforcer le processus démocratique et modifier la gouvernance pour garantir un financement durable.
Certes, le président de ce Haut conseil, Dominique Libault, salue les avancées permises par l'instauration des lois Sécu en 1996. Ce cadre garantit une « visibilité » sur les ressources, les montants engagés et les équilibres, grâce au pilotage par les soldes de chaque branche (maladie, retraite, famille, etc.), mais aussi avec la déclinaison de sous-objectifs pour les dépenses maladie (ville, hôpital) ou encore la mise en place d'une démarche objectifs/résultats. « Il faut garder ces lois de financement de la Sécu », résume Dominique Libault qui signale au passage la qualité des « annexes » pour qui a le courage de s'y plonger (évolution de la dette entre l'État et la Sécu, gestion et performance des caisses, programmes de qualité et d'efficience, études d'impact…). L'ex-directeur de la Sécurité sociale (DSS) applaudit au passage le respect systématique de l'ONDAM depuis 2011 alors que son taux est historiquement bas.
Course de vitesse
Pour autant, il est possible de faire beaucoup mieux, explique le Haut conseil. D'abord en termes de démocratie et de transparence. Les parlementaires, comme les partenaires sociaux (saisis pour avis), se plaignent du calendrier « trop contraint » et du processus d'élaboration « trop formel » de ces lois. En clair, les administrateurs des caisses ou les députés en première lecture ont à peine le temps de découvrir les arbitrages et les mesures du gouvernement (souvent denses et techniques), engageant des masses colossales (bien supérieures au budget de l'État), qu'il faut déjà se prononcer et voter. « Une course de vitesse » qui s'accompagne d'une perte de sens et de frustration, déplore Dominique Libault. Plusieurs recommandations visent à mieux concerter les acteurs aux moments clés de la prise de décision (semestre européen, lois de programmation, finalisation du PLFSS). Il conviendrait aussi de renforcer l'évaluation périodique (au printemps). Quant au quidam, il mériterait une information pédagogique sur la Sécu comme le fait le fisc en expliquant « où vont vos impôts ».
Vers un super-budget ?
Deuxième critique majeure : le périmètre de ces LFSS n'est plus « adapté » aux enjeux. Cantonné aux régimes de base et aux fonds associés, le budget de la Sécu ne couvre ni l'assurance-chômage, ni les retraites complémentaires et ne traite que « partiellement » de la dépendance et des problématiques hospitalières. Autant de sphères qui auraient leur place dans un super-budget de la Sécu, même si le degré d'intégration (partiel ou total) est posé. « Le risque de perte d'autonomie doit être identifié en tant que tel, ce qui suppose un vote annuel [par le Parlement, NDLR] de l'intégralité des objectifs de dépenses et des recettes pour la dépendance », plaide Dominique Libault. Il faudrait aussi « mieux appréhender » la situation financière des hôpitaux et des établissements médico-sociaux publics dans le cadre de ces lois.
Enfin, le Haut conseil estime que le pilotage de la Sécu ne permet pas de garantir son équilibre « durable ». Même dans l'hypothèse d'un apurement de la dette sociale en 2024, les déséquilibres risquent de réapparaître « lorsque la conjoncture est moins porteuse ». D'où la proposition de se doter d'un fonds de lissage abondé par les excédents en cas de bonne fortune économique – réserves qui permettraient de limiter l'emprunt en cas de retournement. La dimension pluri-annuelle du pilotage financier, aujourd'hui « secondaire », devrait être renforcée, ce que réclament les acteurs économiques (laboratoires, cliniques). Quant à la question sensible des relations État/Sécu, le rapport est clair : les pertes de recettes qui découlent de mesures indépendantes du pilotage structurel de la Sécu (par exemple les promesses faites aux gilets jaunes) doivent être compensées.
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