Les centres de santé, une révolution pour les années à venir ?

Publié le 23/11/2017
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Depuis quelques années, des édiles et présidents de conseils généraux tentent de panser les plaies secondaires à la pénurie de jeunes médecins dans le secteur libéral. Une solution est très développée dans la région parisienne : les centres de santé.

Nombreux sont les confrères qui apprécient ce mode d’exercice qui présente l’avantage de “fonctionnariser” la profession, et qui évite de nombreuses tracasseries administratives. Les médecins de ces centres axent leur activité sur la médecine, et rien d’autre…

Cela semble à première vue très alléchant, mais comme tout système « politiquement » correct, ce dernier présente quelques désavantages. Ainsi, il ne faut pas oublier que les médecins dépendent des collectivités qui leur permettent, comme tout agent territorial, d’obtenir une rémunération. De ce fait, comme tout bon patron qui se respecte, ils peuvent exiger certaines actions préventives, une participation au sein de réunions publiques… Autrement dit, il ne faut pas oublier que celui qui paie demande toujours quelque chose en contrepartie.

Ne pas oublier les servitudes…

Le maire d’une commune qui décide de salarier dans un centre de santé des médecins, doit rendre des comptes à ses administrés qui financent ce centre. Ainsi, il est possible que certaines exigences concernant l’amplitude horaire des consultations, et le nombre de jours de consultations soient exigées. Et en ce qui concerne la permanence des soins, de quelle manière se fait-elle ? Est-elle facultative (et cela me semble injuste vis-à-vis des autres confrères libéraux), ou obligatoire ?

Le deuxième écueil est celui du regroupement des professionnels qui dans le cas d’un centre de santé est effectué par les édiles, et non par les collègues médecins. Ce recrutement risque de favoriser des cocktails détonants, et des conflits entre collègues. De plus, nous savons bien que pour avoir la possibilité de bien s’entendre une association doit comporter un nombre maximal de médecins (en centre de santé ou en libéral). Si ce nombre est très important, cela favorise des malentendus.

Trouver plus de médecins

À côté de cela, il est certain que travailler en centre de santé permet aux jeunes, qui veulent également avoir une vie de famille, de pouvoir concilier les deux. Cependant, on oublie trop souvent que salarier un médecin reste une dépense énorme pour une collectivité, et ce modèle, même s’il fonctionne ne peut pas être reproduit à grande échelle. De plus, si nous souhaitons promouvoir cette pratique, il va falloir trouver beaucoup plus de médecins…

Le libéral est actuellement un sacerdoce, car outre une activité débordante (plus de 70 heures par semaine), le médecin doit également régler l’ensemble de ses problèmes administratifs. Néanmoins, travailler en libéral est aussi (pour certains), un moyen de se fixer des limites dans son activité, de choisir le type d’activité (MEP par exemple), mais aussi « modeler » sa patientèle en fonction de ses goûts. Cette liberté est incomparable, et l’avenir s’assombrit pour cette pratique qui échappe au contrôle des administratifs (ils détestent ne pas avoir la main sur les libéraux).

Un modèle unique

C’est grâce à l’existence du secteur libéral que la médecine française peut s’enorgueillir d’être de grande qualité car sa diversité en fait également sa richesse. Alors, réfléchissons tous un peu, et essayons de limiter le développement à grande échelle de structures qui risquent de modifier les principes fondamentaux de notre métier : l’humanisme… Il faut accepter différents modes d’exercice, mais ne jamais dénigrer une de ces pratiques.

Dr Pierre Frances, médecin généraliste, Banyuls-sur-mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin: 9621