Réguler l'installation des médecins, les maires des petites villes ne lâchent pas l'affaire

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Publié le 09/02/2016
DESERT

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Crédit photo : S. TOUBON

L'offre de soins dans les petites villes de France se fragilise, assure l'Association des petites villes de France (APVF) selon une enquête dont elle vient de publier les résultats. Cette situation se traduit par une insuffisante disponibilité des soins, un vieillissement des praticiens, et une difficulté de ces derniers à trouver des successeurs. Sans appeler explicitement à la coercition, l'APVF invite les médecins et les pouvoirs publics à « prendre conscience de la situation », et souhaite la mise en place d'une régulation copiant celle des infirmiers. Cette prise de position intervient à quelques semaines de l'ouverture des négociations conventionnelles.

L'enquête de l'APVF (effectuée à partir des réponses de 60 municipalités à un questionnaire mis en ligne le 10 novembre) met notamment en évidence une raréfaction de l'offre de soins dans les petites villes, surtout en médecine spécialisée. Ces petites villes ne sont pas seulement rurales, elles peuvent aussi se situer en zone périurbaine ou limitrophe d'une grande ville.

Les petites communes en difficulté pour trouver des médecins

Cette étude fait aussi apparaître des bassins de vie dans lesquels, selon Nathalie Nieson, maire de Bourg-de-Péage (Drôme) et présidente de la commission santé et offre de soins de l'APVF, « 100 % des praticiens ont plus de 55 ans ». Cette situation n'est pas sans conséquences sur la recherche de successeurs. Selon l'enquête, 70 % des petites communes disent avoir eu des difficultés à trouver un successeur à un praticien installé sur son territoire. Dans cet esprit, l'association réclame une régionalisation de l'internat « afin de favoriser l'installation des praticiens là où ils ont été formés ». Les ECN actuelles ont l'inconvénient de « dispatcher géographiquement les étudiants en fonction de leur classement ».

Xavier Nicolas, président de l'APVF et maire de Senonches (Eure-et-Loir), rappelle qu'en matière de répartition des professionnels, tout ou presque a déjà été tenté : « Les maisons de santé ont leurs vertus, concède-t-il, mais elles se limitent trop souvent à un projet immobilier. » Quant à payer les étudiants en échange d'un engagement d'installation dans la région ou la commune, « ça ne marche pas », assure-t-il. Souvent, au terme de l'internat, les étudiants retournent dans leur région d'origine.

Les centres de santé, une solution ?

Seule solution à trouver grâce aux yeux de l'association, celle des centres de santé municipaux. Initiée par La Ferté-Bernard (Sarthe), cette solution a ses adeptes. 30 % des petites villes ayant répondu à l'enquête de l'APVF disposeraient d'un centre de santé. « Malgré son coût, fait valoir l'association, cette solution permet de passer des conventions avec les médecins et de s'assurer un contrôle plus fort de l'offre de soins que dans le cadre d’une maison de santé. »

D'autres communes innovent. La Ferté-Macé (Orne) propose des chauffeurs bénévoles pour emmener un patient âgé ou dépendant à un rendez-vous médical. Des visites de bénévoles sont aussi organisées au domicile de ces mêmes patients, afin de s'assurer de leur état de santé.

Mais tout cela ne suffit pas, estime l'association, qui rappelle que l'Ordre des médecins avait lui-même, en mai 2012, fait des propositions décoiffantes tendant à mettre en place une régulation contraignante à l'installation. Avant de reculer, devant le tollé provoqué.

Vers des territoires prioritaires de santé ?

L'APVF milite donc pour un dispositif semblable à celui qui régule l'installation des infirmiers : dans les zones surdotées, l'installation d'un professionnel n'est possible qu'à la condition qu'elle fasse suite au départ d'un autre. Faute de quoi, pas de conventionnement. Dans cet esprit, l'association propose la mise en place de « territoires prioritaires de santé » pouvant inclure des zones périurbaines. Dans ces territoires, des mesures de soutien au financement de l'activité pourraient être prises, tandis que dans le reste du territoire, l'installation pourrait être régulée.

« Si ça ne marche pas, prévient Xavier Nicolas, il faudra avoir recours à la loi. » Le président de l'APVF juge que « si les professionnels ne font pas eux-mêmes des propositions en matière de régulation à l'installation, c'est à l'autorité publique de le faire ».


Source : lequotidiendumedecin.fr