Possible, pratique, mais parfois piégeux

Don manuel : à utiliser avec modération

Publié le 14/11/2019
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C'est une façon simple et sans formalisme obligatoire de transmettre valeurs mobilières, sommes d'argent ou œuvres d'art à ses héritiers. Mais avant de se lancer, autant connaître les règles du jeu.
A l'approche des fêtes de fin d'année, les dons d'espèces sont plus fréquents. Mais dans quel cadre les pratiquer ?

A l'approche des fêtes de fin d'année, les dons d'espèces sont plus fréquents. Mais dans quel cadre les pratiquer ?
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Le flou entretenu par l’administration fiscale autour des « dons manuels » entraîne à leur égard une certaine méfiance des contribuables qui ne savent pas trop s’ils peuvent – légalement - les utiliser. Voici le rappel de quelques certitudes et quelques interrogations sur l’opportunité de recourir à ces dons pour transmettre vos biens.

C’est l’administration fiscale qui donne dans la déclaration 2735–SD une liste non exhaustive des biens mobiliers pouvant faire l’objet d’un don manuel : des sommes d’argent, des valeurs mobilières (actions, obligations, etc.), des objets d’art, etc. À l’exception notamment des biens immobiliers.

Première affirmation : le don manuel est totalement légal, quel que soit son montant. Vous pouvez donner « manuellement » tout ce que vous voulez à qui vous voulez, sans avoir à vous justifier.

Aucune taxation, mais…

Deuxième affirmation : le don manuel n’est pas taxable tant qu’il n’a pas été « révélé » à l’administration fiscale, c'est-à-dire tant qu’elle n’en a pas connaissance. Et donateur et donataire (celui qui fait le don et celui qui le reçoit) peuvent choisir en toute légalité de ne pas révéler le don manuel à l’administration, quel qu’en soit le montant. Un don manuel non révélé ne subit aucune taxation.

Sauf dans les cas suivants :

- le donataire révèle spontanément le don manuel à l’administration fiscale,

- le don est révélé en réponse à une demande de l’administration,

- ou au cours d’une procédure de contrôle ou d’une procédure contentieuse,

- le don est mentionné dans un acte soumis à l’enregistrement ou une reconnaissance judiciaire,

- le donateur fait une nouvelle donation notariée au donataire,

- le donateur décède (si le donataire figure parmi les successibles du donateur).

Dans ces situations, il devient obligatoire de « déclarer » le don manuel dans le mois suivant la date où il a été révélé. Il suffit pour cela de remplir et de déposer (en double exemplaire) un imprimé 2735-SD, au service de l’enregistrement du domicile du donataire, en joignant les droits éventuellement dus. On peut également demander que la déclaration soit faite et les droits payés après la mort du donateur. Il faut alors déposer une déclaration 2734-SD dans le mois suivant la révélation, puis de nouveau une déclaration 2735-SD dans le mois suivant le décès du donateur.

En dehors des cas précités, le don manuel peut donc échapper aux droits de donation ou aux droits de succession.

Les inconvénients du don manuel

Mais attention, le don manuel n’est pas la solution miracle. Il comporte des inconvénients sérieux qui doivent amener à bien vérifier s’il est bien judicieux de ne pas le révéler.

Le risque principal nous semble être celui que court un professionnel libéral qui reçoit un don manuel, principalement un don manuel en espèces. Lorsqu’un tel professionnel achète un bien immobilier et si l’administration le soupçonne de dissimuler des revenus, elle peut lui demander de justifier l’origine des fonds ayant permis cette acquisition. Si ce contribuable invoque un don manuel en espèces, l’administration pourra taxer à l’impôt sur le revenu le montant du don non déclaré en considérant qu’il s’agit de « revenus d’origine indéterminée ». Il sera alors pratiquement impossible d’apporter la preuve que ces espèces ont une origine non professionnelle.

Le problème peut se poser de la même façon pour quelqu’un qui commence une activité libérale et qui reçoit un don manuel en espèces de ses parents et le dépose sur son compte bancaire. S’il fait l’objet d’un contrôle fiscal, ou même d’une demande de « justifications », il aura beaucoup de mal à démontrer que ces espèces ne proviennent pas de ses clients.

Fort heureusement, les contrôles fiscaux et les examens de situation fiscale personnelle sont rares depuis quelques années mais il est préférable d’être prudent…

Autre inconvénient du don manuel : les donations en ligne directe bénéficient tous les quinze ans d’un abattement de 100 000 euros sur la part de chacun des ascendants. En pratique, cela signifie qu’on ne « rapporte » pas à la succession les donations ayant plus de quinze ans. Mais cette dispense de rappel ne s’applique aux dons manuels que s’ils ont été déclarés et si les droits éventuels ont été payés. En ne révélant pas le don, on risque donc de se priver d’un abattement allant jusqu’à 100 000 euros par ascendant !

À cela, il faut ajouter les différences d’évaluation des biens faisant l’objet du don manuel. Dans le cas d’une donation notariée, les biens sont évalués à la date de la donation. Dans le cas d’un don manuel déclaré tardivement à l’occasion d’une succession, l’évaluation se fera à la date à laquelle le don manuel a été déclaré à l’administration, ce qui peut être pénalisant pour le donataire.

Enfin, l’existence d’un don manuel non révélé peut perturber le déroulement d’une succession quand il y a plusieurs héritiers, en rompant éventuellement l’égalité entre eux. Il peut également compliquer un divorce : il peut être, par exemple, difficile de prouver que le don manuel est un bien propre qui n’entre pas dans la communauté.

Jacques Gaston–Carrère jgastoncarrere@orange.fr

Source : Le Quotidien du médecin