Face à la baisse de la fertilité masculine, la Dr Charlotte Methorst, chirurgienne urologue à Saint-Cloud, ne mâche pas ses mots… « Vu l'effondrement des concentrations spermatiques, on peut envisager une possible extinction de l'espèce », alerte la spécialiste, qui a co-coordonné le rapport AFU 2023 dédié à la fertilité masculine.
Entre 1973 et 2018, la concentration en spermatozoïdes chez les hommes a chuté de 51,6 % à l'échelle mondiale, avec une diminution de leur nombre de 62,3 %. Il n'est donc pas surprenant que près de 15 % des couples soient confrontés à une infécondité (soit environ 60 000 nouveaux cas par an en France), dont 20 % sont strictement d'origine masculine et 40 % d’origine mixte.
Près de 40 % des cas d’infécondité ont une origine mixte impliquant au moins un facteur masculin.
Une varicocèle présente dans plus d’un tiers des formes primaires
Parmi les causes masculines d'infertilité à dépister, la varicocèle est présente chez 35 % des hommes souffrant d'infertilité primaire et chez plus de 70 % en cas de forme secondaire. « La varicocèle est la cause corrigible la plus fréquente d'infertilité masculine, souligne la Dr Methorst. Il faut la rechercher car il est désormais démontré que sa résolution (varicocélectomie) améliore le spermogramme et le taux de naissances vivantes. »
Par ailleurs, d'importants changements de mode de vie (diminution du temps de sommeil, sédentarité, modifications alimentaires, tabagisme) se sont produits au cours des cinquante dernières années, avec un impact aujourd'hui prouvé sur les paramètres du spermogramme.
Alimentation, alcool, tabac : l’hygiène de vie en question
On sait désormais que le stress oxydatif et la production de radicaux libres sont impliqués dans les problèmes de fertilité. Le stress oxydatif est causé par un déséquilibre de l’homéostasie entre la production de radicaux libres et la capacité antioxydante totale dans le sperme. Il peut provenir de sources exogènes telles que les substances toxiques, le tabagisme, l’alcool, l’alimentation et les radiations. Des données récentes ont souligné, par exemple, l’impact de la fragmentation de l’ADN spermatique en lien avec le stress oxydatif sur les résultats reproductifs et son association avec des facteurs de risque d’infertilité (comme les médicaments, les polluants, les habitudes de vie et les maladies).
Un point positif est que la correction de ces facteurs de risque liés au stress oxydatif peut améliorer certains paramètres de fertilité. Les études le confirment, tant en termes de qualité du spermogramme que de taux de naissances vivantes.
Par exemple, les aliments riches en nutriments antioxydants (cryptoxanthine, vitamines E et C, lycopène, bêta-carotène, sélénium, zinc…) et en oméga-3 sont associés à de meilleurs paramètres spermatiques (nombre total de spermatozoïdes, concentration et mobilité). Une méta-analyse de 2017 a conclu qu’un régime méditerranéen riche en nutriments tels que les acides gras oméga-3, certains antioxydants et vitamines, et à faible teneur en acides gras saturés, serait associé à une meilleure qualité des spermatozoïdes.
Un autre travail paru en 2021 a retrouvé une association entre le surpoids et/ou l’obésité et une diminution des différents paramètres du spermogramme. Néanmoins, « la perte pondérale en cas d’obésité et même de surpoids est bénéfique, ajoute la Dr Methorst, en particulier sur le nombre total de spermatozoïdes, le niveau de fragmentation de leur ADN, leur concentration, leur mobilité et leur morphologie ».
De manière générale, au-delà de l’augmentation du stress oxydatif et de sa résultante (la fragmentation de l’ADN), liée notamment aux cytokines pro-inflammatoires libérées par les adipocytes, des données récentes suggèrent que l’épigénétique des spermatozoïdes est altérée chez les hommes obèses, avec des implications potentielles sur l’enfant.
Le comportement sédentaire et l’inactivité physique sont deux autres facteurs de risque indépendants associés à l’infertilité. Dans une revue de la littérature de 2017, la pratique du sport de manière récréative permet une augmentation du nombre, de la mobilité et de la morphologie des spermatozoïdes. Les preuves s’accumulent aussi en faveur de l’impact positif de la qualité du sommeil sur la fertilité.
Quant au tabac, il altère les paramètres spermatiques habituels, avec notamment des anomalies structurales du flagelle, de la réaction acrosomique et de la capacitation, et favorise l’augmentation du stress oxydatif. Une méta-analyse récente portant sur 5 865 sujets a conclu que les fumeurs sont plus susceptibles de présenter une réduction du nombre et de la mobilité des spermatozoïdes. Cette situation est réversible dès 3 mois après le sevrage.
Concernant l’alcool, les études concluent à une altération des paramètres spermatiques en cas de consommation quotidienne, et a fortiori excessive.
Les infections à HPV récemment incriminées
Les causes infectieuses constituent une autre étiologie fréquente de l’infertilité masculine. La prévalence des infections urogénitales est estimée entre 6 % et 10 % chez l’homme infertile, le plus souvent a- ou paucisymptomatiques. Plus rarement, on retrouve des tableaux d’urétrite, prostatite et épididymite aiguës ou chroniques, orchite ou encore syndrome douloureux pelvien chronique. Les agents responsables sont d'origine bactérienne ou virale, et plus rarement parasitaire.
Des méta-analyses ont démontré un lien entre l'infection par Chlamydia trachomatis, Ureaplasma urealyticum, Mycoplasma hominis/Mycoplasma genitalium, Neisseria gonorrhoeae, etc., et l'infertilité.
Concernant le lien avec papillomavirus humain, étudié pour la première fois à partir d’une cohorte française dans un travail présenté lors du congrès, l’HPV a été identifié chez 22 % des patients consultant pour un trouble de la fertilité. Sa présence semble altérer les paramètres spermatiques, quel que soit le sérotype et son niveau de risque oncogène. Dans la littérature, l’utilisation d’un vaccin chez les hommes HPV+ augmenterait le nombre de grossesses et le nombre de naissances.
La recherche d’une infection urogénitale doit être systématique, avec anamnèse et examen clinique minutieux, échographie et examens bactériologiques systématiques et orientés par la clinique.
Infécondité : pour une évaluation plus systématique du partenaire masculin
Face à un couple confronté à une infécondité, l’évaluation du partenaire masculin est indispensable, a fortiori chez l’homme présentant un facteur de risque d’hypofertilité (antécédent de testicule non descendu, torsion testiculaire, infection testiculaire, antécédent de pathologie maligne, infertilité familiale, petits testicules, etc.).
De manière générale, les experts préconisent une anamnèse complète (exploration des antécédents familiaux et personnels impactant la fertilité, des habitudes de vie, des traitements suivis, des symptômes, des éventuelles dysfonctions sexuelles) ainsi qu’un examen physique (IMC, signes d'hypogonadisme, caractères sexuels secondaires, examen scrotal et des canaux déférents, recherche de nodules épididymaires ou testiculaires, détection d'une varicocèle). Deux spermogrammes sont recommandés en cas d'anomalie détectée lors du premier, ainsi qu'une échographie scrotale systématique, éventuellement complétée par une échographie endorectale selon la clinique.
Le bilan hormonal inclut les dosages de la testostérone et de la FSH, avec un dosage de la LH en cas de baisse de la testostérone pour différencier un hypogonadisme central et périphérique. Un caryotype est recommandé en cas de concentration de spermatozoïdes au moins inférieure à 10 millions/mL, et l'évaluation des microdélétions du chromosome Y est suggérée si la concentration est inférieure ou égale à 1 million/mL. De plus, l'évaluation du gène CFTR est préconisée en cas de suspicion d'agénésie bilatérale ou unilatérale des canaux déférents et des vésicules séminales.
Une étude de la fragmentation de l’ADN des spermatozoïdes (DFI, DNA Fragmentation Index) serait pertinente en cas d’infertilité idiopathique, d’échecs d’AMP, et/ou de varicocèle, voire de fausses couches à répétition inexpliquées.
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