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Dr Jean-Paul Hamon (FMF) : « La consultation à 25 euros est une insulte à la profession »

Publié le 29/01/2020

Crédit photo : S. Toubon

Délégation de tâches, encadrement des prescriptions, remise en cause du secret médical, mise en place des CPTS (communauté professionnelle territoriale de santé)… Les motifs d’inquiétudes ne manquent pas pour la profession.

Pendant plus d’une heure, le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF a passé en revue ces sujets répondant aux questions des lecteurs du « Quotidien ». Le généraliste milite pour « mettre un terme au dépeçage de la médecine organisée ». Il s’oppose en particulier à la délégation de tâches aux pharmaciens et réclame une revalorisation du tarif de consultation dont le montant est, selon lui, aujourd’hui « une insulte permanente à la profession ».

Bandeau Hamon

Journaliste QDM (SL)
Bonjour à toutes et à tous.
Nous accueillons aujourd’hui le Dr Jean-Paul Hamon, généraliste à Clamart (Hauts-de-Seine) et président de la FMF (Fédération des médecins de France). Délégation de tâches, liberté de prescription, encadrement du « non substituable »… La pratique médicale est de plus en plus encadrée par les pouvoirs publics. Quelle marge de manœuvre reste-t-il aux généralistes ? Comment accompagner ces évolutions en préservant l’attractivité de l’exercice libéral ? Le Dr Jean-Paul Hamon répondra à vos questions sur le sujet pendant près d’une heure.
 
Journaliste QDM (SL)
Encore quelques minutes avant le début de ce Live Chat. Merci de votre patience.
Live chat avec le Dr Jean-Paul Hamon
Le Dr Hamon (au centre) est arrivé dans nos locaux. Il est aux côtés de Jean Paillard (directeur de la rédaction) et de Cyrille Dupuis (rédacteur-en-chef du service socio-professionnel)
 
Journaliste QDM (SL)
Bonjour Dr Jean-Paul Hamon. Nous sommes ravis de vous accueillir dans les locaux du « Quotidien ». Merci d’avoir accepté notre invitation.
Dr Jean-Paul Hamon
Je suis très heureux d'être là pour parler de la médecine libérale et générale en particulier. Je suis content d'être là aussi pour parler de la maltraitance faite à la médecine libérale, notamment ces deux dernières années.
Kann
Avec les IPA qui vont arriver pour prendre en charge les pathologies « stabilisées », que restera-t-il réellement de la médecine générale qui a été démembrée d'année en année ? Ne pensez-vous pas qu'il faille mettre un terme à toutes ces délégations ?
Dr Jean-Paul Hamon
Absolument ! On voit actuellement arriver les infirmières en pratique avancée, qui vont renouveler les maladies chroniques. Les pharmaciens, de leur côté, vont s'occuper des angines et des cystites, bientôt. Les kinés, eux, vont prendre en charge les entorses et les lombalgies. Sans compter les téléconsultations sauvages qui s'assoient sur le parcours de soins et fragilisent la petite entreprise libérale... On voit aussi certaines communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui permettent de faire des actes sans quasiment aucun contrôle.

On assiste à une dégradation de la qualité de la prise en charge du patient, à une destruction du parcours de soins, à un développement sauvage et incontrôlable des plateformes de téléconsultation. Tout cela au détriment de la qualité du soin. Il faut donc mettre un terme à ce dépeçage organisé de la médecine générale.
Hervé
Pour vous, les « CPTS » seront « Comment Profiter de Toutes les Subventions » ou plutôt « Comment Perdre Toutes les consultations Simples » à cause des délégations qui seront imposées de fait par ces dispositifs d'exercice coordonné ? Merci.
Dr Jean-Paul Hamon
Il y a un vrai débat au sein de la FMF sur le sujet. Quelques régions déjà organisées ont monté des CPTS mais la majorité du syndicat considère que c'est la victoire de l'administration sur les soignants.

Les CPTS on a déjà connu cela avec les réseaux de soins. J'avais eu une expérience douloureuse avec un réseau de maintien à domicile des personnes âgées et handicapées où, avec 300 personnes en file active, le réseau n'a pas été reconduit. En cause : on ne remplissait pas assez de formulaire d'évaluation alors que l'on était capable de faire des formations à la prise en charge de la douleur des personnes âgées avec les gériatres du secteur, les infirmières libérales, les kinés et les auxiliaires de vie. C'est pas à moi qu'on va apprendre l'intérêt du travail pluri-professionnel ! Il est indispensable. Mais il ne doit pas être détruit par l'administratif.

Sans compter que, sur le financement, les trois quarts vont être engloutis par le coordinateur de la CPTS et l'informatique nécessaire pour assurer la communication. Le quart restant devra être réparti entre médecins, infirmières, kinés, pharmaciens, voire orthophonistes, au prix de réunions multiples... J'ai du mal à croire que cette réunionnite va faire gagner du temps médical.
Jojo68
Dr Hamon, nous connaissons votre position sur la réforme des retraites mais quelles sont vos propositions pour pérenniser et améliorer la retraite pour les médecins. Merci. Confraternellement.
Dr Jean-Paul Hamon
[soupirs] La CARMF est un régime autonome qui nous coûte déjà fort cher. Mais nous savons que nous avons des réserves jusqu'en 2049. Avec cette réforme, les réserves seront épuisées en 2030 ou 2033 pour les plus optimistes. Au-delà de cette date, nous dépendrons de la parole de l'État. Et la parole de l'État, j'ai pu en apprécier la valeur lors de la première réunion syndicale avec la suppression du médecin référent en 2004. 7 000 médecins ont perdu 30 à 40 000 euros en une nuit ! Et en 2005 avec les accords chirurgicaux qui n'ont jamais été appliqués.

Les propositions de la FMF sont les suivantes. Les régimes autonomes, à ne pas confondre avec les régimes spéciaux, ont des réserves qui ne doivent rien à l'État. Ils doivent être maintenus.
On participe déjà à la solidarité en versant chaque année près de 200 millions d'euros au régime général. On était d'accord pour une réforme, mais farouchement opposés au hold-up sur les réserves de 7 milliards d'euros qui se prépare.

On a lancé un appel à la grève le 3 février, pour notamment soutenir les infirmières libérales qui, elles, vont voir leur cotisation doubler. Je vois mal une médecine libérale travailler avec moins d'infirmières libérales. C'est le sens du collectif SOS Retraites, dont la FMF fait partie.
Roger T
Peut-on espérer que les prescriptions du médecin reposent sur sa connaissance du patient et pas sur la dictature des protocoles chère à notre ministre de la maladie ? Les patients ne sont pas des robots identiques. Merci
Dr Jean-Paul Hamon
La protocolisation à tous les étages m'a toujours irrité. Je pense souvent à ma petite mamie qui s'endormait tous les soirs avec un gramme de vitamine C, et à mon ami auteur de polars français qui ne pouvait pas mettre un pied dehors sans avaler deux comprimés de Mandrax (somnifère puissant désormais disparu).

Quand j'ai assisté à la réunion au ministère sur les protocolisations des transferts de tâches, j'ai atteint mon point Godwin en me disant que Daladier devait être dans la même attitude que moi à Munich. On interrogeait le pharmacien qui voulait prendre en charge la cystite pour savoir s'il allait faire des bandelettes, allonger la personne pour lui palper les reins, lui prendre la température... On a senti son air gêné.
D'une façon générale, on est en train de vouloir priver le MG d'actes simples, qui ne sont pas toujours anodins. La fréquentation du patient pour ces actes dits simples fait que la confiance s'installe. C'est la répétition de ces consultations qui font que le patient est de plus en plus à l'aise avec le médecin.
Journaliste QDM (SL)
Live chat avec Dr Jean-Paul Hamon
 
Sandrine
Comment appréhendez-vous le projet du gouvernement de créer une prescription officinale sur des traitements à prescription obligatoire ? Est-ce vraiment la bonne façon pour désengorger les cabinets et les urgences ? Merci.
Dr Jean-Paul Hamon
On atteint quand même les sommets du conflit d'intérêts. Et sincèrement, la seule façon de désengorger les cabinets et les urgences, c'est de redonner de l'attractivité à ce métier qui se désertifie à grande vitesse. Il faut revaloriser les actes, permettre au médecin de travailler dans de bonnes conditions avec du personnel et des locaux corrects. Il faut aussi réformer la maîtrise de stage pour que les internes connaissent l'exercice libéral et n'aient plus peur de s'installer. Et, enfin, qu'on cesse de dépecer ce métier ! C'est malheureusement trop simple, et on sent le poids de l'administration triomphante.
x
Vous avez expliquez que vous souhaitiez que le midazolam soit disponible en ville.
Cependant, avant de parler de cette possibilité, ne serait-il pas utile de connaître le nombre de médecins et la façon dont ces derniers officient avant de mettre la charrue avant les bœufs?
Ne pensez-vous pas que le recours à ce produit nécessite une réelle activité en équipe, et non une simple prescription sans une surveillance adaptée avec un ensemble de professionnels de santé?
Ne sentez-vous pas que cette histoire de midazolam s'apparente à un débat trop passionnel, et pas suffisamment professionnel ?
Dr Jean-Paul Hamon
Au contraire. Le midazolam illustre les a priori de non compétences concernant le médecin généraliste. Personnellement, je ne l'ai jamais utilisé, n'ayant pas été confronté récemment à des fins de vie dramatiques. J'ai dû m'en passer au tout début de mon exercice, en constatant que le cocktail lytique de Laborit composé de Phénergan, Dolosal et Largactil n'était pas suffisamment efficace.

Je ne connaissais pas le Dr Méheut-Ferron quand j'ai pris sa défense. Il utilisait le midazolam avec modération dans des sédations dites proportionnées et il n'aurait jamais dû être poursuivi car le midazolam devrait être prescrit en ville sans avoir recours à l'hospitalisation à domicile ni aux réseaux de soins palliatifs.

On lui reproche également de ne pas avoir pris de décision collégiale : c'est méconnaître la décision collégiale qui est prise à domicile, d'abord avec le patient, ensuite avec la famille, qui accepte de prendre en charge une fin de vie d'un des leurs à domicile. Ce sont des décisions lourdes, toujours prises en collaboration étroite avec la famille et parfois avec l'infirmière libérale. La paperasse n'a rien à avoir avec cela.
Je rappelle que les décisions collégiales à l'hôpital sont souvent prises en l'absence du patient.
Corona
L'actuelle usine à gaz mise en place pour le « non substituable » donne un avant-goût de ce que sera la « liberté de prescription » du médecin généraliste demain... avec les gros doigts de la Sécu pour tenir le stylo du médecin traitant. Mais que font les syndicats pour contrer cette évolution délétère ?
Dr Jean-Paul Hamon
Quand j'ai vu cette modification de la prescription sur le non substituable (NS), j'ai demandé à mes techniciens d'élaborer un tampon FMF avec un bras d'honneur ! C'est la seule réponse que je peux faire à cette ineptie administrative.
Nanocervo
Le secret médical est sans doute le dernier rempart qui préserve ce qui nous reste d'indépendance... Et voilà maintenant que des députés s'y attaquent. Comment percevez-vous ces initiatives ?
Dr Jean-Paul Hamon
C'est sans doute à propos des femmes battues. Je sais que les magistrats de Reims communiquent de façon sécurisée par Apicrypt. J'ai proposé que les médecins confrontés à cette situation de femmes battues puissent envoyer directement avec l'accord de la patiente le certificat par messagerie sécurisée au procureur. Cela éviterait à la femme des dépositions souvent inconfortables dans les commissariats et résoudrait le problème du secret médical.

Que les députés puissent s'attaquer au secret médical ne me surprend pas, au milieu d'attaques multiples dont la liberté d'installation : cela démontre simplement la méconnaissance par nos élus de la réalité du métier de médecin.
Gepeto
Le gouvernement a-t-il eu raison de dérembourser l'homéopathie ? Faut-il aller plus loin et interdire la prescription par les médecins (ce qui n'irait pas dans le sens d'une plus grande liberté de prescription pour nous...) ?
Dr Jean-Paul Hamon
Je dois dire que j'ai une de mes cinq associés qui n'est pas homéopathe exclusive. Et j'ai bien envie de demander un joker ! Cela dit, je reconnais que le déremboursement est une bonne chose. J'aimerais bien que l'homéopathie ne soit pas la seule visée. Agnès Buzyn nous avait promis de s'intéresser aux maisons de santé pluridisciplinaires qui cautionnent les grigris thérapeutes qui permettent de compléter le budget de ces structures pluridisciplinaires. Il faut malheureusement reconnaître que étiopathes, naturopathes, ostéopathes (ni médecins ni kinés), qui obtiennent par leur présence dans ces maisons une caution de leur métier, ne sont pas inquiétés.
Journaliste QDM (SL)
Live chat avec Dr Jean-Paul Hamon
 
x
Bonjour,
Nous sommes en pénurie de médecins généralistes et pas seulement en province. À l’heure où le gouvernement fait des concessions de toutes sortes, pourquoi ne pas inciter les médecins à poursuivre une activité qu’ils gèrent depuis 35 ans en réduisant leurs charges, notamment en cumul-emploi-retraite (CER) ? Quelle est la position de la FMF ? Et si elle adhère à mes propos, qu’a-t-elle fait concrètement ?
MG en CER avec env. 3 000 € de ch. mensuelles, j’ai fait part de ma réflexion aussi autorités politiques concernées ainsi qu’aux médias de la profession. Merci de votre retour, confraternellement.
Dr Jean-Paul Hamon
J'ai un conflit d'intérêts, étant moi même en retraite active depuis 8 ans. J'avais laissé mes petits camarades syndiqués demander une exonération de charges pour les médecins retraités actifs qui sont maintenant plus de 15 000.

Cela étant dit, je pense que la solution serait de favoriser l'installation rapide des jeunes médecins et le gouvernement n'a retenu que partiellement une de mes propositions d'exonérer de charges les jeunes médecins 5 ans à partir de l'obtention du diplôme. Le gouvernement n'a choisi que deux ans, ce qui n'a aucun sens. On pourrait quand même imaginer une fiscalisation pour les médecins retraités actifs sur le modèle des zones franches.
Bernadette Anne
Bonjour, je pense qu'il serait simple de déléguer la prescription des transports VSL au médecin conseil de l'Assurance-maladie : fixer un droit au transport en fonction de la pathologie et pour une durée déterminée, un peu comme la demande de prise en charge en ALD économiserait beaucoup de temps perdu en explications et recherche de renseignements lorsque les patients nous téléphonent pour demander un transport. Ils sauraient, et nous aussi, bien plus facilement s'ils y ont droit ou pas. Pensez-vous possible et envisageable de mettre en place cette mesure rapidement ? Merci.
Dr Jean-Paul Hamon
C'est là que je mesure le bonheur d'avoir une secrétaire qui se tape tous ces coups de téléphone qui auraient le don de me mettre très en colère !
Je dois dire que, récemment, une secrétaire s'étant trompée de vacation, je me suis retrouvé une demi-heure au standard de mon cabinet médical. Une demande concernait un non remboursement de transport en ambulance. On doit décoller du mur le patient qui osait téléphoner à 8 heures du matin pour un sujet pareil.

Quant à la délégation de la prescription des transports VSL au médecin conseil de l'Assurance-maladie, ce transfert de tâches serait bien utile. De même que le transfert de formulaire MDPH qui, depuis leur simplification administrative, sont passés de 4 à 8 pages...
Simon
La vaccination contre la grippe par les pharmaciens, pourquoi pas. Mais mon petit doigt me dit que cela n'améliore pas la couverture vaccinale, que ces patients se seraient fait vacciner par leur médecin traitant. Qu'en pense le Dr Hamon ?
Dr Jean-Paul Hamon
Effectivement, les indiscrétions de Nicolas Revel [directeur général de l'Assurance-maladie] semblent indiquer que la couverture vaccinale n'a pas été améliorée. En revanche, les infirmières libérales ont perdu jusqu'à 2 000 euros par mois.

Depuis que les pharmaciens vaccinent, je me fais un malin plaisir d'écrire la recette de mon gargarisme pour les maux de gorge en toutes lettres : un demi-citron pressé, deux cuillères à café de miel, un grand verre d'eau chaude. En gargarisme.
J'ai toujours considéré que le pharmacien de proximité était une sécurité sanitaire. Et j'ai toujours remercié les pharmaciens qui m'appelaient pour une précision sur l'ordonnance. Je regrette profondément qu'on veuille les faire changer de métier. Ils se font bouffer la laine sur le dos par les prestataires ou les baisses de remboursement sur les génériques, deux choses qui fragilisent l'officine. Je trouve que leurs syndicats les conseillent bien mal en voulant les faire changer de métier.
x
Pourquoi les syndicats n'arrivent-ils pas à s'entendre sur la retraite (question de bon sens et d'« égalité » face aux autres professionnels qui font passer l'intérêt de tous les médecins avant leur animosité réciproque) et pourquoi n'arrivent-ils pas à faire au moins 1 fois un ordre de grève commun ?
Les syndicats seraient-ils « achetés » par la Sécurité sociale (avantages actifs contre ne rien dire pour la retraite), etc.?
Dr Jean-Paul Hamon
Sur la retraite, je trouve effectivement regrettable qu'il n'y ait pas d'unité syndicale. Nous avons appelé à une grève à partir du 3 février et pour les retraités actifs à une grève, celle-ci illimitée, à partir du 3 février également.
Deux syndicats veulent la peau de la CARMF, et je ne comprends pas très bien pourquoi. Sans doute parce que les élections des délégués de la CARMF ne leur ont pas été favorables.
La profession est menacée de toutes parts, et je regrette profondément ces divisions et ces absences de décisions communes.

Les médecins savent depuis 2011 et grâce à la FMF combien les syndicats touchent pour une signature conventionnelle. À la surprise d'ailleurs de la CNAM à qui j'avais répondu après ma signature : « Il va falloir vous habituer à la transparence. »
Ceci étant, pour rappel, la FMF touche actuellement 540 000 euros par an de la CNAM pour officiellement former ses cadres à la convention. Cela nous permet d'organiser deux conseils d'administration annuels et un congrès tous les deux ans. Mais certainement pas d'indemniser le temps perdu pour assister aux multiples réunions qui nous sont imposées.
Journaliste QDM (SL)
Live chat avec Dr Jean-Paul Hamon
 
Dr Tantmieux
Depuis deux ans, des pans entiers de l'activité du généraliste ont été transférés sur les pharmaciens, les infirmières ou les sages-femmes. Tout ça se fait avec la bénédiction des syndicats de médecins qui semblent y voir une solution pour soulager les agendas de médecins libéraux débordés... Ne pensez-vous pas que, demain, les jeunes générations dépossédées viendront vous demander des comptes, parce qu'elles n'auront pas assez de travail ?
Dr Jean-Paul Hamon
Vous avez raison sur les jeunes générations dépossédées. Vous avez tort sur la bénédiction des syndicats de médecins. Je m'oppose formellement aux transferts de tâches vers les pharmaciens, mais je défends la pharmacie d'officine qui est une sécurité sanitaire. Je regrette de constater que les tarifs des sages-femmes sont alignés sur ceux des médecins généralistes, qui sont scandaleusement bas. Je ne considère pas que les transferts de tâches soulagent les agendas des médecins libéraux. Et j'ai toujours trouvé contreproductif de dire que les médecins libéraux étaient débordés. Je vois régulièrement au sein de mon cabinet 40 personnes par jour grâce à un secrétariat présentiel tout en ayant le temps d'accueillir 4 internes par an.

Une de mes internes qui voyait ces transferts de tâches vers les pharmaciens, les infirmières en pratique avancée et les kinés m'interrogeait en disant : mais que vont-ils faire de ce métier ? Et c'est vrai: qu'est ce qu'ils font de ce métier, en distribuant des actes qui leur paraissent simples, mais qui ne sont pas anodins, en ignorant que ces actes nous font mieux connaître le patient, mieux connaître son environnement, et, au final, gagner sa confiance. Je voudrais revenir ici sur la question qui m'a été posée sur le midazolam. C'est la répétition de ces actes qui fait qu'une relation se noue, et qu'un un jour, peut être, le patient nous demandera de l'accompagner dans sa fin de vie. Je suis désespéré du poids de cette administration maniaque de protocolisation et ignorante de la profondeur de ce métier.
Journaliste QDM (PT)
Dr Hamon, que pensez-vous de la mise en place du numéro unique pour les SNP, le 113 ? Que pensez-vous du Service d’accès aux soins : SAS ? Quelle sera la place des médecins libéraux ? Merci.
Confraternellement.
Dr Jean-Paul Hamon
Tous les syndicats de médecins libéraux étaient d'accord pour un 116 117 à côté d'un numéro d'appel d'urgences, type Centre 15. Le gouvernement a considéré que les Français étaient stupides au point de confondre les deux numéros. S'il persiste dans sa volonté d'imposer un numéro unique, Ils vont perdre la possibilité d'avoir une vraie régulation des soins non programmées qui débarquent aux urgences. J'ai déposé à l'ARS Île-de-France un projet de régulation des soins non programmés : le patient qui ne pourrait pas joindre son médecin traitant appelle la plateforme 116 117.

La première question qui est posée est la suivante : qui est votre médecin traitant. Un SMS part vers le médecin traitant pour lui signaler qu'un de ses patients a contacté la plateforme. On lui trouve ensuite un médecin volontaire sur le secteur dans les 12, 24 ou 48 heures, selon la pathologie.
Cette prise en charge de soins non programmés est valorisée de 15 euros supplémentaires (à comparer aux 60 euros attribués aux urgences pour ne pas soigner...).

Nicolas Revel a refusé cette majoration en arguant que les médecins généralistes faisaient déjà le boulot pour 25 euros. Cette réponse méprisante à l'égard des généralistes qui proposaient une organisation libérale malgré la désertification galopante, montre que le dogmatisme aura raison de toutes les vocations.
Journaliste QDM (SL)
Ce Live chat est sur le point de se terminer. Dernière question.
 
-- Julia B
La solution réside-t-elle dans le fait de se déconventionner pour les futurs médecins sur le point de s'installer dans le prochaines années ?
Dr Jean-Paul Hamon
C'est vrai qu'avec la réforme de la CSG et ensuite le sort incertain de l'ASV dans la réforme des retraites, les « avantages » conventionnels des médecins de secteur I se rétrécissent comme peau de chagrin. Le fait que des complémentaires santé remboursent la grigri-thérapie 60 euros 4 fois par an devrait donner des idées à certains.

Personnellement, je regrette que les tarifs des médecins ne soient pas à la hauteur de leurs compétences et du coût réel de leur pratique. La consultation de base à 25 euros est une insulte permanente pour la profession.

La convention de 73 était un vrai progrès. Et je continuerai à me battre pour qu'on réforme enfin le système de santé. J'ai été le premier à proposer qu'on efface la dette hospitalière pour instaurer une véritable collaboration entre la ville et l'hôpital. Je cite souvent la phrase de JM Ayrault à Grenoble qui disait que l'hôpital ne devrait plus faire ce qui peut être fait en ville : on assiste au contraire à des appels d'offres de recrutement de médecins généralistes au sein des urgences hospitalières.
Journaliste QDM (SL)
C’est fini pour aujourd’hui. Merci Dr Hamon d’avoir échangé avec les lecteurs du « Quotidien ». À vous le mot de la fin...
Dr Jean-Paul Hamon
Le mot de la fin : la greffe de couilles a de l'avenir.
Journaliste QDM (SL)
Merci à toutes et à tous pour votre participation. Rendez-vous prochainement pour un nouveau Live chat.

 


Source : lequotidiendumedecin.fr