Crise à l'hôpital/réaction au discours du président Macron

Jean-Jacques Zambrowski* : « Nous continuons de voter de manière stupide un budget annuel des dépenses de la Sécu »

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Publié le 12/01/2023

Crédit photo : DR

Décision Santé. Quelle est votre réaction au discours du président Macron vendredi dernier ?

J.J.-Z. Emmanuel Macron a montré qu'il avait prêté attention aux dossiers qui lui ont été présentés et au discours assez réaliste de son ministre de la Santé. Ce dernier est un praticien hospitalier connu et a été un syndicaliste efficace dans le monde des urgences. Pour autant, leurs solutions ne règlent pas les problèmes. À l’époque où Alain Juppé a été Premier ministre, le déficit de la Sécu a été jugé incommensurable. Nous avons donc une LFSS depuis vingt-cinq ans. Mais la santé n'est plus la même qu'à l'époque. L'organisation du système de santé et l'attractivité des carrières, les moyens diagnostiques et thérapeutiques ont changé aussi. Et pourtant la loi n'a pas changé. On continue de voter de manière stupide un budget annuel des dépenses de la Sécu qu'il faut dépenser jusqu'au dernier centime, mais sans le dépasser d'un seul centime. Quand par exemple nous parvenons à stopper l'occurrence d'une maladie via une thérapie génique, des économies sont générées pendant des années et pour toute la vie du patient. Mais il faut que ce gain soit réalisé dans l'année... Donc la dépense de ce médicament doit être comprise dans l'enveloppe. Ce qui n'a aucun sens. Bref, la démarche de prévention et d'investissement sur ce capital de la santé n'est absolument pas prise en compte. Pourquoi ? Ce n'était pas une préoccupation des pouvoirs publics il y a un quart de siècle. Résultat, tandis que la France était à l'époque l'une des meilleures au monde, aujourd'hui nous sommes dépassés par l'Italie, par l'Espagne...

Le président a parlé de coopération....

J.J.-Z. Mettre en place des assistants médicaux, des secrétaires et des infirmières spécialisées, c'est la moindre des choses. Cela ne réglera pas le problème de la pénurie médicale. Cela a été une ânerie de mettre en place le numerus clausus. Aujourd'hui, les professionnels de santé ne souhaitent plus exercer dans les mêmes conditions que leurs prédécesseurs. Nombre d'entre eux sont des femmes qui veulent s'occuper de leurs enfants le soir. Ensuite, le tarif de la visite en ville est loin d'être suffisamment attractif. Il faut aussi revoir le prix de la consultation, sans pour autant en doubler le montant. Dans les discussions autour de la convention, concernant la discussion autour de l'instauration de trois tarifs différents en fonction de la complexité de la consultation, la Cnam s'interroge sur son application. La suspicion de malhonnêteté et de tricherie est préalable à la discussion ou à l'établissement d'un calendrier. Ce dernier n'a pas été avancé par Thomas Fatôme, le directeur de la Cnam. Pire, un certain nombre de médecins généralistes sont en grève et vont continuer d'y être par les vacances. Car ils aspirent à une vie normale. Et hélas, la délégation de tâches ainsi présentée ne fonctionnera pas, ou en tous cas ne suffira pas. Et l’informatisation ne règlera pas tout !

Quelles solutions proposez-vous alors ?

J.J.-Z. Il faut remettre tout à plat, se demander de quel système de santé, quelles personnes et quelles ressources nous avons besoin en 2025 à l'hôpital et en dehors. Nous devons aussi nous interroger sur la façon dont nous allons articuler la ville et l'hôpital, le secteur des généralistes de premier recours et celui des spécialistes hospitaliers et libéraux. Enfin, le système d'information devra contribuer à ce partage des ressources. Il faut aussi arrêter le gâchis considérable de temps et d'argent en faisant la chasse aux examens redondants.

Bref, nous vivons dans un système très insuffisamment adapté à la médecine d’aujourd’hui. Le président de la République a montré qu’il faisait du sujet une priorité de son second mandat. Il doit réunir les professionnels de santé comme les représentants des patients et mettre le système à plat, afin de coller au présent et d’anticiper l’avenir ne serait-ce que pour les dix années à venir…

* président de la Société française de santé digitale.


Source : lequotidiendumedecin.fr