Sevrage des personnes en situation de précarité

32 % de réussite à un an si le traitement est gratuit

Publié le 03/12/2012
Article réservé aux abonnés
1354501030393024_IMG_94685_HR.jpg

1354501030393024_IMG_94685_HR.jpg
Crédit photo : BSIP

LA TENDANCE à la baisse de la consommation de tabac indiquée par le baromètre santé de l’INPES recouvre une réalité contrastée : les populations les plus favorisées fument effectivement moins ; les plus précaires n’ont pas diminué leur consommation alors même que le prix du tabac a augmenté.

Dans les populations précaires, l’initiation à la pratique tabagique passe souvent par les parents, les amis, et la cigarette est investie d’une forte charge émotionnelle. Elle est vecteur de convivialité, rare objet de loisir, véritable compagne, dans une vie de stress et souvent de solitude. Le comportement de ces fumeurs est particulier : un tabagisme précoce, important, associé à une consommation d’alcool ou d’autres substances toxiques, une forte dépendance nicotinique, des contraintes financières qui conduisent à diminuer le coût du tabac plutôt que le tabagisme lui-même (consommation de tabac à rouler, de mégots, privation de nourriture, d’habillement). En situation de précarité, le sevrage de toute addiction est particulièrement difficile, d’autant que la précarité ancre l’existence dans le présent, désamorçant l’impact des messages de prévention.

Pour autant, des interventions sont possibles auprès de ces populations. Une équipe de l’hôpital Antoine Béclère a ainsi évalué l’efficacité de traitements d’aide au sevrage délivrés gratuitement dans le cadre d’un suivi tabacologique. Dix-neuf personnes précaires, 15 hommes et 4 femmes, âgées en moyenne de 47 ans, sans emploi pour les trois-quart d’entre elles, ont été incluses dans cette étude. Ces patients étaient vus en consultation de sevrage tabagique. La prévalence des comorbidités addictives, psychiatriques et somatiques était importante. La consommation tabagique moyenne était de 29 cigarettes par jour avec un fort indice de dépendance. Le traitement, délivré gratuitement, reposait sur des substituts nicotiniques (2 timbres en moyenne, associés aux formes orales comme les gommes ou pastilles nicotiniques) chez les trois quarts des patients, ou de la varénicline pour un quart d’entre eux. À 12 mois, le sevrage était total chez 32 % des patients. Des résultats encourageants qui devraient inciter à une généralisation de la gratuité des traitements de sevrage pour les populations précaires et à un remboursement total pour les bénéficiaires de la CMU, plaident les auteurs de cette étude.

Pour ces personnes dont la dépendance est importante, indique le Dr Marion Adler, le sevrage nécessite des traitements à fortes doses associant souvent patch et forme orale. Le coût du sevrage est d’environ 100 €/mois soit un coût total de 300 à 800 €. « Les traitements de sevrage alcoolique ou autres sevrages sont totalement pris en charge, ceux du sevrage tabagique ne font l’objet que d’une aide limitée à 50 et 150 euros pour les femmes enceintes, constate Marion Adler. Le tabagisme est une maladie chronique, nécessitant comme telle un accompagnement jusqu’à la guérison, avec une prise en charge totale des soins. Cette aide au sevrage devrait concerner en premier lieu les femmes enceintes, les populations en situation de précarité et les patients atteints de maladies liées au tabac. »

Entretien avec le Dr Marion Adler (hôpital Antoine Béclère, Clamart), présidente de la session « Tabagisme et population en situation de précarité » et communications des Drs Augustin Chassaing et Daniel Karinthi (hôpital Antoine Béclère).

Dr Hélène Collignon

Source : Le Quotidien du Médecin: 9199