Les jeunes et la cigarette

Appliquons nos politiques 

Publié le 05/11/2015

Le tabagisme des jeunes est une réelle catastrophe. Même si les chiffres de consommation du tabac ont diminué chez les jeunes par rapport à l’an 2000, il n’en demeure pas moins qu’ils augmentent depuis 7 à 8 ans. Qu’on en juge. D’après l’étude ESCAPAD 2014, le pourcentage de fumeurs à 17 ans est de 33 % chez les garçons (33 % en 2011 et 30 % en 2008) et de 32 % chez les filles (30 % en 2011 et 28 % en 2008).

Quant à l’étude européenne sur les consommateurs adolescents de 15 à 16 ans (ESPAD), qui date de 2011, elle révèle que, en France, 34 % des garçons et 43 % des filles sont fumeurs au cours des 30 derniers jours. La moyenne européenne étant de 29 % et 28 % respecticement. Cela classe la France au 32e rang européen.

Ces chiffres sont bien plus importants que ceux du Royaume-Uni (14e rang). « Ce pays a le mérite, depuis 20 ans, d’avoir adopté une politique globale de lutte antitabac avec des objectifs clairs et des mesures bien appliquées, explique le Pr Yves Martinet (Nancy). Or en France, avant le PNRT (qui n’est pas encore voté !), diverses mesures ont été prises sans aucun contrôle quant à leur application. Ainsi, par exemple, les buralistes continuent à vendre du tabac aux mineurs, l’interdiction de fumer dans les lieux publics n’est pas totalement respectée (les bars à chicha sont tolérés) et l’interdiction de publicité sur les points de vente n’est absolument pas observée ». Il faut dire que le financement fait défaut ! En effet, alors que le Royaume-Uni a investi environ 1 euro par habitant et par an pour lutter contre le tabagisme, la France, quant à elle, a engagé… 7 à 8 centimes.

Lutter contre la banalisation du tabac

L’offre est essentiellement le fait de quatre compagnies internationales dont le chiffre d’affaires est de 44,1 milliards de dollars. Rien d’étonnant à ce que l’industrie du tabac développe et multiplie les méthodes attractives. Ainsi : des paquets adaptés à une certaine population (paquets roses pour jeunes filles pour les cigarettes Vogue) ; publicité sur les lieux de vente ; linéaires de présentation des différentes marques ; cigarettes convertibles (cigarettes normales qui délivrent un arôme lorsqu’on presse le filtre). Toutes ces stratégies sont dénoncées par les avocats de la lutte contre le tabac.

Mais là ne sont pas les seuls moyens mis en œuvre par l’industrie, qui joue sur l’accessibilité du tabac pour se faire de nouveaux adeptes. « C’est pourquoi, il faut respecter l’interdiction de vente aux mineurs, démasquer et interdire la vente sur internet, lutter contre la contrebande et les contrefaçons, augmenter le prix du tabac », insiste le Pr Martinet.

Concernant la demande, les avocats de la lutte antitabac demandent le renforcement du contrôle de la mise en œuvre du décret Bertrand, l’extension de l’interdiction de la cigarette électronique sur les lieux publics, l’interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants de moins de 18 ans et dans les aires de jeux. Fumer n’est pas un comportement banal. C’est un comportement qui tue. Parallèlement, il faut envisager un remboursement complet des traitements, des campagnes nationales et ciblées et des programmes scolaires adaptés.

L’industrie du tabac de plus en plus ingénieuse.

Quant à la réduction des risques, restons prudents. Quels sont les possibles bénéfices de l’usage de la cigarette électronique dans la diminution du tabagisme ? On ne sait pas et « dans le doute, sa vente aux mineurs et sa publicité devraient être interdites », souligne le Pr Martinet. Et si l’on juge par le développement de nouveaux produits, l’industrie du tabac n’est pas à court d’idées pour fortifier son négoce. La ploom en témoigne. Elle est constituée d’un étui qui ressemble à une cigarette et dans lequel on introduit une capsule de tabac (même concept de Nespresso) qui, chauffé, serait moins dangereux que le tabac brûlé. Autre nouveauté à l’étude et non encore commercialisée, la Marlboro heatsicks, une petite cigarette introduite dans un étui qui, ici aussi, est chauffée mais non consumée. Il n’existe aucune preuve de tous ces dispositifs dans la réduction des risques.

Entretien avec le Pr Yves Martinet, département de pneumologie, hopitaux de Brabois CHU de Nancy
Dr Brigitte Martin

Source : Le Quotidien du Médecin: 9447