Arrêter de fumer avec une AOMI

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Publié le 18/11/2022
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Le tabac est un facteur de risque majeur d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) et le sevrage freine son évolution. Pourtant, les patients atteints rencontrent de grandes difficultés pour arrêter de fumer. Une étude a tenté de déterminer les facteurs prédictifs de sevrage.
Un patient sur deux peut se sevrer avec un suivi intensif

Un patient sur deux peut se sevrer avec un suivi intensif

« La consommation de tabac est un facteur de risque majeur d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) symptomatique. Elle multiplie par deux à trois le risque par rapport aux non-fumeurs, rappelle la Dr Anne-Laurence Le Faou (HEGP, Ap-Hp). Et le risque est encore plus important chez les femmes, notamment celles âgées de plus de 45 ans. » Dans sa consultation, la Dr Le Faou reçoit régulièrement des patients fumeurs atteints d’artériopathie plus ou moins sévère, avec des douleurs intenses, des problèmes pour marcher… « Alors que c’est un facteur aggravant, nombre d’entre eux continuent pourtant de fumer. J’ai donc cherché à savoir ce que l’on pouvait faire pour eux, ce qui pouvait être efficace. »

Étude rétrospective

Dans cette optique, la Dr Le Faou a réalisé une étude de cohorte rétrospective, incluant les fumeurs adultes atteints d’AOMI reçus en consultation de tabacologie et enregistrés dans CDTnet (site qui regroupe les consultations d’aide au sevrage tabagique) entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2018. « Cette étude a permis d’analyser 3 656 patients, suivis au moins 28 jours dans leur tentative de sevrage et dont l’abstinence était validée par la mesure du monoxyde de carbone expiré », précise-t-elle. Les variables sociodémographiques, médicales et du comportement tabagique ont été analysées. Une régression linéaire étudiant l’abstinence en fonction des variables d’intérêt a permis d’étudier les facteurs prédictifs du sevrage.

Suivi intensif

Les résultats de cette étude sont clairs : « si on traite ces patients avec des médicaments et si on les suit de façon intensive, ils peuvent réussir à arrêter dans un cas sur deux », souligne le Dr Le Faou. L’étude montre ainsi que les tentatives antérieures d’arrêt, une dépendance nicotinique faible, la prescription de patchs nicotiniques, d’une combinaison de substituts nicotiniques (ou de varénicline) et la tenue d’un nombre croissant de consultations favorisent l’arrêt. « Quatre consultations multiplient par quatre les chances d’arrêt, sept consultations, par sept », ajoute la spécialiste. En revanche, le fait d’avoir un diabète, de prendre un traitement antidépresseur ou de consommer du cannabis réduit les chances d’arrêt.

Formation des praticiens

« Ce que l’on observe, c’est que ces patients ont besoin d’une prise en charge spécialisée. Il faut donc que les praticiens qui les suivent et les traitent, en médecine de ville comme à l’hôpital, les orientent en tabacologie pour avoir de meilleurs résultats. Il faut considérer que le traitement de leur tabagisme fait partie du traitement de leur pathologie artéritique », explique la Dr Le Faou. Le sujet de la sensibilisation et de la formation des médecins est fondamental. Dans un article publié en 2018, le « Journal of the american heart association » relate que 37,3 % des patients du registre sur l’artériopathie périphérique Portrait étaient fumeurs. Parmi eux, seulement 16 % étaient adressés en tabacologie et 11 % avaient reçu un traitement pharmacologique. « Il y a une vraie marge de manœuvre pour améliorer la prise en charge de ces patients et les aider à arrêter de fumer », signale la Dr Le Faou.

Exergue « Ces patients ont besoin d’une prise en charge spécialisée »

Anne-Lucie Acar

Source : Le Quotidien du médecin