Les méthodes alternatives à l’épreuve

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Publié le 23/11/2021
Les médecines dites non conventionnelles, alternatives ou parallèles se développent, en particulier dans le domaine de la tabacologie, avec une demande importante des patients. Pour les praticiens, se pose la question de la démonstration de l’efficacité de ces approches, thème qui est abordé dans une session spécifique du congrès.
Les personnes qui se tournent vers ces méthodes sont plutôt anxieuses, influençables, avec des fausses croyances

Les personnes qui se tournent vers ces méthodes sont plutôt anxieuses, influençables, avec des fausses croyances
Crédit photo : phanie

On assiste depuis la deuxième moitié du XXe siècle au développement des médecines parallèles, également dites douces ou naturelles, auxquelles les patients font de plus en plus souvent recours et qui, pour quelques-unes d’entre elles, font l’objet d’un enseignement dans certaines facultés. Une montée en puissance qui interpelle et suscite intérêt et/ou interrogations de bon nombre médecins.

Une enquête réalisée en juin dernier à l’initiative de la Société francophone de tabacologie, intitulée « hypnose, acupuncture et autres méthodes », a permis de recueillir l’avis de 90 professionnels de santé (sur 312 sollicités), dont près des deux tiers étaient médecins. Pour désigner ces méthodes, les personnes interrogées ont déclaré utiliser le terme « méthodes complémentaires » (71 %), plutôt que « méthodes alternatives » (14 %), « médecine globale » ou « douce ».

Ils étaient 70 % à se poser la question d’un recours pour leurs patients et à estimer que ce sont surtout les femmes âgées de 30 à 50 ans (80 %) qui sont tentées par ces approches. Le verbatim est riche, mais globalement les praticiens interrogés ont noté que les personnes qui se tournent vers ces méthodes sont plutôt anxieuses, influençables, avec des fausses croyances. Elles sont volontiers décrites comme « nicotinophobes », méfiantes vis-à-vis de la médecine traditionnelle ou en échec de traitement.

Quant aux méthodes qu’eux-mêmes choisissent, l’hypnose vient largement au premier rang (94 %), suivie de l’acupuncture (74 %). Questionnés sur la façon dont le sujet est traité dans le cadre des DU de tabacologie, ils étaient moins de la moitié (45 %) à déclarer qu’il avait été abordé, mais de façon plutôt rapide et peu fondée sur les preuves. Le ressenti global est plutôt négatif.

Des travaux neurophysiologiques plutôt que cliniques

L’évaluation de l’efficacité thérapeutique de ces méthodes questionne sur le choix des critères de jugement utilisés dans les essais cliniques randomisés et sur la place qui doit être accordée à la vision du patient.

Pour l’acupuncture par exemple, il n’est pas possible de réaliser des essais cliniques répondants aux critères méthodologiques des études en double aveugle versus placebo. Le praticien connaîtra en effet toujours la nature réelle ou placebo du traitement. Ainsi, un résultat positif obtenu dans une étude évaluant l’acupuncture pourra toujours découler d’un biais statistique, non éliminé par le caractère « simple aveugle » de l’essai. On peut alors se tourner sur des travaux fondamentaux et les données neurophysiologiques, qui tendent à monter que la stimulation des réseaux neuronaux entraîne une modification des terminaisons nerveuses et des connexions dans les circuits de la douleur, aboutissant à une distribution différente des circuits des désirs et des plaisirs.

L’hypnose de son côté bénéficie aujourd’hui d’une certaine crédibilité, loin de l’image du mythe et de la manipulation mentale qui prévalait auparavant. Les travaux des neurosciences ont révolutionné la conception de l’hypnose, qui n’est plus considérée comme un état proche du sommeil, mais est assimilée à une activation particulière de la conscience.

Les attentes des praticiens en matière d’information sont fortes (83 % dans l’enquête menée auprès des tabacologues) mais il convient aussi aujourd’hui de faire mieux connaître les prises en charge validées en tabacologie.

Entretien avec le Dr Didier Touzeau, service des addictions de l’hôpital Paul Guiraud, Villejuif

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin