Cancer du sein triple négatif : un anti-PD1 aux stades précoces

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Publié le 30/09/2021
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L’essai de phase III KEYNOTE-522 confirme l’intérêt du pembrolizumab en néoadjuvant et adjuvant dans les stades précoces du cancer du sein triple négatif (CSTN), où il améliore significativement la survie sans évènement.
Il est indispensable de mieux définir les patientes susceptibles de bénéficier du pembrolizumab

Il est indispensable de mieux définir les patientes susceptibles de bénéficier du pembrolizumab
Crédit photo : Phanie

Dans le CSTN à un stade précoce, KEYNOTE-522 a comparé l’anti-PD1 pembrolizumab administré avant la chirurgie (néoadjuvant) en association à la chimiothérapie, puis en monothérapie après l’opération (adjuvant), par rapport à la chimiothérapie seule en néoadjuvant et un placebo en adjuvant. Des résultats préliminaires (1) avaient déjà montré une augmentation significative du taux de réponse pathologique complète (RPC) et une tendance favorable sur la survie sans évènement (SSE). Dans ce cadre, le pembrolizumab associé à une chimiothérapie a été approuvé aux États-Unis en néoadjuvant.

Un bénéfice net

L’étude a randomisé 1 174 patientes atteintes d'un CSTN (récepteurs hormonaux et HER2 négatifs) nouvellement diagnostiqué, non métastatique, de stade T1c N1-2 à T2-4 N0-2. Dans un groupe, elles recevaient en néoadjuvant le pembrolizumab (200 mg toutes les trois semaines) associé à quatre cycles de paclitaxel-carboplatine, puis quatre cycles de doxorubicine (ou épirubicine) et cyclophosphamide. Après la chirurgie, le pembrolizumab seul leur était administré pendant neuf cycles ou jusqu'à récidive ou toxicité inacceptable. Dans le bras comparateur, le pembrolizumab était remplacé par le placebo en néoadjuvant et en adjuvant (2,3).

L’étude est positive pour les deux critères d'évaluation principaux, la RPC définie par l’absence de tumeur résiduelle au niveau du sein et des ganglions (ypT0/Tis ypN0) et la SSE, avec une tendance nettement favorable pour la survie globale.

Selon les résultats préliminaires préspécifiés, après un suivi médian de 37,8 mois, 123 patientes (15,7 %) dans le groupe pembrolizumab et 93 (23,8 %) dans le bras placebo (HR = 0,63, p = 0,0003) ont eu un évènement de type progression de la maladie empêchant une chirurgie (récidive locale ou à distance, deuxième cancer primitif ou décès de toute cause). L'événement le plus fréquent était la récidive à distance, chez 60 patientes (7,7 %) sous pembrolizumab versus 51 (13,1 %) dans le groupe placebo. Les taux de récidive locale étaient respectivement de 3,6 % versus 4,4 %.

Le taux de SSE était de 84,5 % avec le pembrolizumab (versus 76,8 %), la médiane n’ayant été atteinte dans aucun des deux groupes. Le bénéfice sur la SSE observé sous pembrolizumab était indépendant de l'expression de PD-L1. Concernant la RPC, les résultats publiés en 2020 (1) avaient mis en évidence un taux de 64,8 % sous pembrolizumab (versus 51,2 %). On constate une différence de 2 % sur la SSE en cas de RPC, ce qui suggère que le bénéfice serait indépendant de la RPC, mais en l’absence de RPC, la différence est plus importante (67,4 % versus 56,8 %).

Concernant la survie globale, il est trop tôt pour conclure, mais la tendance est nettement en faveur de l’anti-PD1 (HR = 0,73).

Pas de signal d’alerte pour la tolérance

Le pourcentage d’évènements indésirable de grade ≥ 3 était de 77,1 % dans le groupe pembrolizumab et de 73,3 % dans le bras placebo. Les complications à médiation immunitaire étaient plus nombreuses (43,6 % versus 21,9 %) sous anti-PD1, essentiellement cutanés et endocrinologiques et survenant généralement en phase néoadjuvante. Elles étaient généralement de bas grade, accessibles à des traitements et parfois irréversibles. Il n’y a donc pas d’alerte supplémentaire sur la toxicité. L’ajout du pembrolizumab ne compromet pas le recours à la chimiothérapie et n’augmente pas sa toxicité.

« Ces résultats pourraient amener à recommander le pembrolizumab en néoadjuvant et adjuvant dans les CSTN, concluait le Pr Peter Schmid (Londres). Néanmoins de nombreuses questions persistent ». La Pr Lisa Carey, qui discutait l’étude, rappelle que le surcoût avec le pembrolizumab est considérable et qu’il est indispensable de mieux définir les patientes susceptibles d’en bénéficier pour optimiser son utilisation et réduire les conséquences en termes de toxicité.

(1) Schmid P et al. N Engl J Med 2020;382:810-21.
(2) Schmid P al. ESMO 2021 Virtual Plenary July 15. Abstr VP7-2021.
(3) Schmid P et al. ESMO 2021, Abstr 1812.

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin