Maladie thromboembolique veineuse inexpliquée

Jusqu'où dépister ?

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Publié le 26/01/2017
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De multiples données déjà anciennes posent la question de la recherche systématique d'un cancer lors de maladie thromboembolique veineuse inexpliquée. Dans des registres danois, le risque de cancer était multiplié par trois dans l'année suivante. Il était encore plus élevé lors de maladie thromboembolique inexpliquée, récidivante ou après thrombose bilatérale. Dans certaines cohortes, 10 % des sujets admis à l'hôpital pour thrombose veineuse profonde ou embolie pulmonaire non expliquée avaient un cancer dans l'année. Enfin, une méta analyse suggère qu'ajouter de l'imagerie ou des marqueurs tumoraux permet d'augmenter les diagnostics de cancer (1).

Pas d'avantage net aux investigations poussées

« Pour mémoire 50 % des accidents thromboemboliques veineux sont inexpliqués. Soit 70 000 personnes par an en France. Il est donc indispensable de bien peser le bénéfice d'un dépistage systématique étendu », note le Pr Guy Meyer. Deux grandes études randomisées multicentriques s'y sont attelées.

La première étude porte sur plus de 800 patients, âgés en moyenne de 53 ans, ayant fait une thrombose veineuse profonde ou une embolie pulmonaire inexpliquées. Ils ont été randomisés en deux bras : dépistage par examen et interrogatoire cliniques, radio pulmonaire plus dépistage du cancer du col du sein et de la prostate ou, même stratégie plus un scanner abdominopelvien avec coloscopie virtuelle. À un an de suivi, on est à 3,2 % vs 4,5 % de cancers diagnostiqués. « La grande majorité a été diagnostiquée d'emblée dans les deux bras. Le dépistage n'a « loupé » respectivement que 4 cancers sur 15 versus 5 sur 19 cancers (NS). Le taux total de cancer dans l'année s'avère d'ailleurs bien plus faible - 4 %- que les 10 % observés dans les anciennes cohortes », note Guy Meyer.

Un second essai, français, a randomisé de même 400 patients de 64 ans d'âge moyen entre un dépistage de même type complété dans le second bras par un TEP Scan corps entier. Lors du dépistage, le taux de cancer est de 2 % versus 5,6 % avec TEP Scan. Sur ce critère primaire, on dépiste plus de cancers mais ce n'est pas significatif. Au terme de 2 ans de suivi, les nouveaux diagnostics de cancer sont néanmoins plus importants dans le groupe n'ayant pas eu de TEP Scan (4,7 % vs 0,5 %).

Savoir raison garder sans mésestimer le risque

« Ces résultats ne plaident pas pour des explorations tous azimuts par comparaison à un examen clinique et un interrogatoire bien menés. Les marqueurs tumoraux en particulier ne sont pas indiqués. Il faut déjà bien exploiter ce qu'on a comme une NFS ou un scanner réalisé pour une embolie pulmonaire qui déborde souvent vers l'abdomen… et rattraper à cette occasion les dépistages éventuellement ratés par le patient (sein, col, colon, etc.), conclut G Meyer. Des recommandations vont d'ailleurs formaliser cette prise en charge. Elles devraient être publiées courant 2017 ».

D'après un entretien avec le Pr Guy Meyer (HEGP, Paris)
(1)Carrier  M et al. Systematic Review: The Trousseau Syndrome Revisited: Should We Screen Extensively for Cancer in Patients with Venous Thromboembolism? Anal Intern Med 2008 149:323-33.
(2) Carrier M et al. Screening for Occult Cancer in Unprovoked Venous Thromboembolism. NEJM 2015;373:697-704
(3) Robin P. Limited screening with versus without 18F-fluorodeoxyglucose PET/CT for occult malignancy in unprovoked venous thromboembolism: an open-label randomised controlled trial. Lancet Oncol 2016;17:193-9

Pascale Solère

Source : Le Quotidien du médecin: 9550