Les traitements néoadjuvants « représentent des avancées thérapeutiques majeures dans le domaine du cancer du poumon. Ils permettent de rendre opérables des patients qui ne l’étaient pas. Ils sont aussi très intéressants chez les patients d’emblée opérables ayant une bonne expression des récepteurs PDL1 », explique le Pr Élie Fadel, chef du service de chirurgie thoracique à l’hôpital Marie-Lannelongue, au Plessis-Robinson.
Concernant les malades qui, au départ, ne pouvaient pas être opérés pour différentes raisons – métastases ganglionnaires, métastases à distance, etc. –, les traitements néoadjuvants permettent parfois de les rendre opérables, d’où une réévaluation chirurgicale mise en place dans un second temps. « Pour ces patients, qui sont souvent jeunes, sélectionnés sans autres maladies importantes, c’est une avancée considérable », souligne le Pr Fadel.
Quant aux cancers du poumon d’emblée opérables, la recherche EGFR et ALK sont systématiques. « Si ces gènes sont mutés, on va proposer une thérapie ciblée à ces patients, qui donne en général d’excellents résultats. Sinon, on va regarder le statut PDL1. Les patients ayant ce récepteur positif pourront bénéficier d’un traitement néoadjuvant ou d’induction, reposant sur une association d’immunothérapie et de chimiothérapie », rappelle-t-il.
Après la chirurgie, l’examen de la pièce opératoire va permettre de mesurer l’efficacité du traitement en regardant le degré de nécrose des cellules tumorales, qui reflète le pronostic à long terme du patient. « Aujourd’hui, on constate chez un grand nombre de patients des réponses complètes, avec des cellules tumorales qui sont toutes mortes. Chez ces patients, la survie à long terme est souvent spectaculaire ».
La survie à long terme est souvent spectaculaire
Pr Élie Fadel
Le remboursement par l’Assurance-maladie de ces thérapies néoadjuvantes est conditionné à la présence du récepteur, mais les patients négatifs peuvent bénéficier dans les centres anticancéreux d’un accès au traitement dans le cadre de protocoles thérapeutiques ou d’études de recherche. « L’objectif est de pouvoir mesurer l’intérêt de ces traitements chez ces patients non positifs », note le Pr Fadel.
Entretien avec le Pr Élie Fadel, Le Plessis-Robinson
À l’Asco, des bénéfices jamais vus
• Anti-EGFR dans les CBNPC localement avancés mutés EGFR
Dans les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) localement avancés (stade 3) mutés EGFR, l’immunothérapie n’a pas démontré de bénéfice après la radiochimiothérapie. L’étude de phase 3 Laura a comparé en double aveugle, dans ce contexte, la simple surveillance versus un traitement de consolidation par osimertinib (un anti-EGFR) jusqu’à progression, chez les patients n’ayant pas progressé sous radiochimiothérapie (1). C’est une réussite. Avec le traitement de consolidation, la survie sans progression passe de 5,6 à 39 mois, soit une énorme avancée même si le bénéfice reste à confirmer en termes de survie globale (données immatures).
• Immunothérapie adjuvante des CBPC localement avancés
Peut-on consolider la radiochimiothérapie des cancers bronchiques à petites cellules (CBPC) localement avancés (grevée de deux tiers de récidives, avec des survies limitées) par un anti-PD1, le durvalumab ? C’était la question posée par l’étude de phase 3 Adriatic. La réponse est positive, avec un gain de survie médiane notable, de 33 à 55 mois (2).
• Le lorlatinib dans les CBNPC mutés ALK
À Chicago était aussi présenté le suivi à 5 ans de l’étude Crown qui évaluait, chez les patients d’emblée métastatiques avec fusion ALK, le lorlatinib, anti-ALK de 3e génération, versus crizotinib, produit de 1re génération. À 5 ans, le bénéfice est majeur, 60 % des patients étant toujours sous lorlatinib, versus 8 % pour le crizotinib (3). Et la survie sans récidive médiane n’est pas encore atteinte sous lorlatinib.
• CBNPC opérable : données à 4 ans du traitement néoadjuvant
Le suivi à 4 ans de l’étude CheckMate 816 testant, dans les CBNPC résécables de stade IB-IIIA, l’adjonction d’une immunothérapie néoadjuvante – nivolumab – à la chimiothérapie néoadjuvante (trois cycles avant chirurgie) est venue confirmer que le bénéfice en survie sans événements se maintient dans le temps. À quatre ans, on est à 49 versus 38 % (RR = 0,66) de survie sans récidive (4). La survie totale est elle-même significativement améliorée (71 vs 58 %), de même que la survie spécifique liée au cancer du poumon (79 vs 66 %).
Pascale Solère
(1) Lu S et al. NEJM 2024;391:585-597
(2) Spigel DR et al. Asco 2024, LBA5
(3) Solomon BJ et al. Asco 2024, J Clin Oncol 2024(42)29
(4) J Spicer et al. Asco 2024, LBA8010
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