Avec quatre nouveaux cas pour 100 000 personnes par an, les cancers des voies biliaires forment un groupe rare, même s’ils le sont de moins en moins en ce qui concerne les cholangiocarcinomes intrahépatiques (15 % des cancers primitifs du foie) ; quant aux cholangiocarcinomes périhilaires et de la voie biliaire principale (dits extra-hépatiques) et les carcinomes de la vésicule biliaire, ils sont plutôt stables, voire en décroissance.
Association à l’immunothérapie
Les formes non opérables représentent 70 à 80 % des cas et, il y a encore une quinzaine d’années, leur médiane de survie était alors inférieure à un an.
La dernière décennie a vu arriver des traitements standardisés de chimiothérapie (gemcitabine-cisplatine) en association avec l’immunothérapie en première ligne de traitement des formes avancées. Le pronostic reste toutefois sombre, avec une médiane de survie à peine supérieure à 12 mois, dans deux essais de phase 3 récents. « En rééduquant le système immunitaire grâce à l’immunothérapie, nous voyons désormais plus de patients longs répondeurs : 25 % des patients sont toujours vivants à deux ans dans le bras chimiothérapie + immunothérapie, contre 10 % avec la chimiothérapie seule. Il nous manque toutefois des biomarqueurs prédictifs de ces réponses prolongées », remarque le Dr David Malka, de l’Institut mutualiste Montsouris (Paris).
La bonne surprise des thérapies ciblées
De grands programmes de profilage moléculaire tumoral par séquençage génomique ont été initiés partout dans le monde. À la grande surprise des oncologues, les tumeurs biliaires en général et les cholangiocarcinomes intra-hépatiques en particulier se sont avérés être riches en cibles moléculaires tumorales pour des traitements ciblés déjà disponibles sur le marché.
« Jusqu’à 40 % des patients avec un cholangiocarcinome intra-hépatique présentent une altération moléculaire “actionnable” et une kyrielle d’essais (toutefois non randomisés pour la plupart, eu égard à la rareté de ces cancers) ont montré des bénéfices et permis d’obtenir l’approbation et le remboursement de médicaments, ciblant notamment les mutations d’IDH1 ou les fusions de FGFR2 (soit environ 20-30 % des cholangiocarcinomes intra-hépatiques), indique le Dr Malka. Les médicaments ciblant les altérations de HER2 et Braf ne sont pas encore pris en charge mais, au vu de leurs bons résultats en phase 2, ils ont été entérinés par les recommandations françaises et européennes. »
Jusqu’à 40 % de patients avec une altération moléculaire actionnable
L’essai randomisé Safir ABC10, qui vient d’être lancé par Unicancer, prévoit d’inclure, en France, au Royaume-Uni et en Belgique, plusieurs centaines de patients ayant un cancer biliaire. Le traitement standard de première ligne par chimio-immunothérapie est administré pendant trois mois, temps nécessaire au profilage moléculaire de la tumeur, réalisé en France grâce au Plan France Médecine Génomique 2025. Un profilage moléculaire tumoral sur ADN sanguin circulant est également réalisé.
Les patients chez qui le cancer est contrôlé au terme de ces trois mois et qui présentent une cible moléculaire actionnable seront alors randomisés entre la thérapie ciblée qui correspond à la cible identifiée et la poursuite de la chimio-immunothérapie. « Nous souhaitons répondre à la question suivante : dans un cancer riche en cibles moléculaires actionnables, comme le sont les cancers biliaires, est-ce qu’une stratégie systématique de profilage moléculaire, et de ciblage thérapeutique sur les cibles actionnables ainsi identifiées, est supérieure au traitement standard de chimio-immunothérapie ? explique le Dr Malka. Au-delà des cancers biliaires, cette étude pourrait démontrer le concept même de médecine de précision oncologique… ou l’infirmer, si nous n’arrivons pas à démontrer qu’une politique systématique de médecine de précision est supérieure à une stratégie conventionnelle dans une tumeur aussi riche en cibles ! »
Entretien avec le Dr David Malka, Institut mutualiste Montsouris (Paris)
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