Cancers de la tête et du cou HPV+

Nouveaux paradigmes et perspectives de prévention

Publié le 06/05/2011
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IL Y A QUATRE ANS, l’Agence internationale de recherche sur le cancer (IARC : International Agency for Research on Cancer) reconnaissait officiellement le HPV de type 16 comme une cause de cancers de l’oropharynx. Une décision fondée sur « des données épidémiologiques et moléculaires satisfaisant les classiques critères de Bradford Hill », précise Maura Gillison. Les cancers de la tête et du cou HPV positifs – des carcinomes à cellules squameuses – constituent des entités distinctes. Il s’agit en particulier de cancers orophayngés, principalement de la langue et des amygdales palatines. Une métaanalyse d’avril 2011 (1) rapportée par Stina Syrjänen conforte l’existence d’une association causale forte entre la présence d’ADN de HPV 16 et les lésions de la cavité buccale cancéreuses (odds ratio [OR] 3,86) et précancéreuses (OR 3,87). Parmi ces dernières, la leucoplasie verruqueuse proliférative, le lichen plan et la dysplasie épithéliale sont entre 4 et 5 fois plus fréquents chez les sujets HPV positifs (OR 4,03, 5,12 et 5,10). Seules des études de cohorte prospectives permettront de confirmer le rôle étiologique des HPV dans ces pathologies.

Épidémiologie.

La prévalence des HPV dans les cancers de la tête et du cou varie considérablement selon les sources, souligne pour sa part Susanne Kjaer : de 4 % à 80 % pour les cancers buccaux, de 15 % à 85 % pour les cancers amygdaliens et de 14 % à 75 % pour les cancers oropharyngés. Ils sont largement impliqués dans l’augmentation de l’incidence des cancers oropharyngés observée dans les pays occidentaux au cours de la dernière décennie, fait toutefois remarquer Hischam Mehanna.

Des données 2008 de 26 pays européens commentées par Stina Syrjänen montrent qu’il existe une disparité de la fréquence de ces cancers selon le sexe. Le nombre annuel de nouveaux cas attendus attribuables au HPV, tous types confondus, est en effet de 13 301 chez les hommes et 2 563 chez les femmes. Pour les cancers liés aux HPV 16 et 18, qui sont les deux types viraux prédominants, la différence d’incidence entre les populations masculine et féminine est pratiquement du même ordre (11 988 et 2 385 cas). Si toutes les localisations sont concernées, l’écart le plus important est observé pour les cancers du larynx, ce tant pour les HPV de tous types (5 415 nouveaux cas attendus chez les hommes et 585 chez les femmes) que pour les HPV 16/18 (4 668 et 504 cas). Pour les cancers de l’oropharynx dus à ces deux types, les chiffres dans les deux populations sont de, respectivement, 4 294 et 774 cas. Enfin, l’incidence annuelle attendue des cancers de la cavité buccale attribuables aux HPV 16/18 est trois fois plus élevée chez les hommes (3 206 cas) que chez les femmes (1 107 cas).

L’infection buccale à HPV est plus rare que celle des infections génitales et des facteurs de risque qui se précisent.

Présente chez environ 5 % des sujets sains, l’infection buccale à HPV est plus rare que les infections anogénitales à ce virus. « Le HPV 16 rend compte d’environ 25 % de toutes les infections à HPV détectées dans la région buccale », ajoute Aimée Kreimer.

Les facteurs de risque d’infection buccale à HPV incluent l’âge avancé (« contrairement au col utérin »), les pratiques sexuelles orales et le tabagisme. On dispose de peu de données prospectives sur l’histoire naturelle de ces infections et les cancers oropharyngés liés au HPV. Dans la majorité des cas, le virus disparaît spontanément en moins de deux ans. Les informations disponibles sur le rôle des infections persistantes sont issues essentiellement d’études cas-contrôles. La seule étude prospective publiée à ce jour fait état d’une augmentation par 4 du risque de cancer oropharyngé chez les sujets séropositifs pour le HPV 16 (9 ans avant le diagnostic du cancer). Si la preuve sérologique d’une exposition au HPV 16 et d’une infection buccale à HPV constitue des facteurs de risque des cancers de la tête et du cou, le rôle de la consommation de tabac, d’alcool ou de marijuana comme cofacteur reste controversé, indique Maura Gillison

Enfin, Susanne Kjaer rappelle que les types 16 et 18, en cause dans plus de 90 % des infections à HPV, sont inclus dans les vaccins actuels. On pourrait ainsi argumenter que la vaccination HPV des filles et des garçons apporterait une protection additionnelle des cancers têtes et cou.

D’après les communications de Maura Gillison (université d’État de l’Ohio, Columbus, États-Unis), Stina Syrjänen (université de Turku, Finlande), Aimée Kreimer (National Cancer Institute, Bethesda, États-Unis) Hischam Mehanna (CHU Coventry, Royaume-Uni), Susanne Kjaer (Institut d’épidémiologie du cancer, Copenhague, Danemark).

(1) Syrjänen S et coll. Human papillomaviruses in oral carcinoma and oral potentially malignant disorders: a systematic review. Oral Diseases 2001 Apr;17(Suppl. I):58-72.

 Dr CATHERINE FABER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8957