La Fondation Cœur et Recherche finance des projets originaux

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Publié le 21/10/2022
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Depuis 10 ans, la Fondation Cœur et Recherche, ce bras armé de la Société française de cardiologie, a soutenu près de 40 projets de recherche pour près de quatre millions d'euros. Effet de la pollution sonore, addictions en unité de soins intensifs, dissection coronaire spontanée : focus sur trois thèmes soutenus par la Fondation.
Il faudrait faire une place au dépistage à la fois pour améliorer la prise en charge de ces patients à très haut risque et prévenir la récidive

Il faudrait faire une place au dépistage à la fois pour améliorer la prise en charge de ces patients à très haut risque et prévenir la récidive
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

« Pertinence et originalité », tels sont les deux critères de choix avancés par la Fondation Cœur et Recherche pour sélectionner les projets d'étude qu'elle soutiendra, souligne le Pr Richard Isnard, président du conseil scientifique.

« Si les chercheurs français sont parmi les plus créatifs dans le domaine cardiovasculaire (CV) et à l'origine d'innovations majeures (...), ils manquent de moyens humains et financiers pour développer des projets d'envergure », souligne le Pr Michel Komajda, président de la Fondation, rappelant que les maladies CV restent la deuxième cause de mortalité en France après le cancer.

Des thématiques de société encore peu explorées sont mises en avant, comme l'effet de la pollution sonore chez les patients coronariens. La Fondation a soutenu l'étude Envi-MI menée par l'équipe de la Pr Marianne Zeller à Dijon. « L'exposition au bruit routier la nuit augmente le risque de récidives d'infarctus du myocarde (IDM) chez ces patients, explique la spécialiste en cardiophysiologie. C'est un enjeu majeur de prévention des maladies CV. » Les travaux ont été publiés dans « Scientific Reports » en 2022*.

Pour parvenir à ces résultats, l'équipe s'est appuyée sur un outil de veille épidémiologique mis en place depuis 20 ans à Dijon. « Il y a eu une véritable collaboration entre chercheurs universitaires et cliniciens », souligne la Pr Zeller. Un score de risque d'événements CV à long terme (IDM, hospitalisation, décès) a été corrélé à l'intensité des sons (capteurs sur les façades du domicile) chez 879 habitants de l'agglomération urbaine ayant déjà eu un infarctus. « Ces données originales sont cohérentes avec les données sur d'autres sources de bruit (aéroports), précise-t-elle. Les mécanismes impliqués pourraient être le stress ou les microréveils lors du sommeil. »

Dépister la prise de drogues en Usic

Quel est l'impact des drogues chez les patients en unité de soins intensifs cardiologiques (Usic) ? L'étude SPA-Usic révèle que le risque de sévérité (décès, choc cardiogénique, arrêt cardiaque) est multiplié par cinq chez les patients ayant consommé des produits illicites dans les deux à six derniers jours. « Pour ceux qui consomment des drogues multiples, le risque est multiplié par 12 », rapporte le Dr Théo Pezel de l'hôpital Lariboisière (AP-HP), l'un des co-investigateurs. « C'est la première fois que ce type d'études est réalisé, poursuit-il. Des collègues américains étaient extrêmement intéressés. Il faudrait faire une place au dépistage à la fois pour améliorer la prise en charge de ces patients à très haut risque et prévenir la récidive. »

Cette étude observationnelle réalisée dans 39 centres français durant trois semaines consécutives (avril 2021) a consisté à tester et à suivre tous les patients admis en Usic. Deux heures après l'admission, un test urinaire était réalisé pour cinq types de stupéfiants - THC (cannabis, marijuana, haschich), cocaïne et crack, morphiniques (héroïne, morphine et opiacés), amphétamines et MDMA (ecstasy) - et cinq familles de médicaments (barbituriques, benzodiazépines, antidépresseurs tricycliques, méthadone et buprénorphine). « Au total, un patient sur 10 a consommé un produit illicite dans les jours précédant l'admission en Usic, rapporte-t-il. C'est un tiers pour les moins de 40 ans hospitalisés. Un consommateur sur trois prend au moins deux drogues. »

Seule la moitié des patients testés positifs (57 %) avaient reconnu une prise dans un questionnaire préalable. « C'est le phénomène d'ambivalence psychologique bien décrit par les addictologues, explique le Dr Pezel. Les patients ne déclaraient pas tout en sachant qu'ils allaient être testés. »

Infarctus de la femme jeune sans facteur de risque

Que sait-on de la dissection coronaire spontanée (Scad), cette forme particulière d'IDM due à une déchirure de la paroi coronaire décrite pour la première fois dans les années 1950 ? L'étude Disco est le plus grand registre européen sur la Scad avec 51 centres participants et 373 patients inclus.

« L'étude confirme qu'il s'agit d'une pathologie de la femme jeune sans antécédent CV, décrit le Dr Nicolas Combaret du CHU de Clermont-Ferrand et coordinateur principal. Il s'agissait de femmes à plus de 90,6 %, âgées en médiane de 51 ans, la moitié (54,6 %) avait moins de deux facteurs de risque. » Un tableau d'infarctus était présent dans 96 % des cas (arrêt cardiaque dans 5,6 % des cas).

« L'étude confirme aussi l'association entre Scad et fibrodysplasie majeure dans 45 % des cas », indique le cardiologue. À un an de suivi, l'évolution était bonne avec 12,3 % d'événement clinique majeur (récidive ou extension de Scad) et zéro décès. La très grande majorité (n = 295) a été traitée médicalement (aspirine ou rien), d'autres, par angioplastie (n = 77) et une par chirurgie. « La prise en charge est spécifique, il faut favoriser le traitement médical seul », indique le Pr Combaret.

D'après la conférence de presse de la Fondation Cœur et Recherche du 30 septembre
*M. Koczorowski et al. Sci Rep, 2022. doi: 10.1038/s41598-022-06825-0

Dr I. D.

Source : Le Quotidien du médecin