L'air ambiant contient des composés organiques volatils (COV), du dioxyde d'azote (NO2), le dioxyde de soufre (SO2), parfois des métaux lourds, du monoxyde de carbone, de l'ozone (O3) surtout en période d'ensoleillement, des particules fines (moins de 10 µm) et ultra-fines (inférieures à 2,5 µm : PM2,5). Parmi ces composants, l'ozone et les PM2,5 ont été très étudiées, avec des résultats préoccupants à la clé.
Patients à risque : attention à l'exposition aiguë
Depuis 1985, un registre dijonnais répertorie tous les accidents vasculaires cérébraux (AVC), y compris ceux ne donnant pas lieu à une hospitalisation. « Or, lorsque l'on s'intéresse aux polluants présents avant et après un évènement vasculaire cérébral (avec ajustement sur la température, l'humidité, l'influence des épidémies), on constate qu'un pic d'ozone s'accompagne le lendemain d'une augmentation de 7 % du risque d'AVC ischémique (mais pas hémorragique), chez les hommes », remarque le Pr Yannick Béjot (service de neurologie, CHU Dijon Bourgogne). Ce sont surtout les infarctus par athérome des grosses artères qui étaient plus nombreux. Une réponse dose/effet a été observée entre l’élévation du pic d'ozone et l’augmentation du risque d'AVC ischémique. Cette relation entre l’ozone et le risque thrombogène a aussi été retrouvée pour l'infarctus du myocarde, mais uniquement pour les patients ayant des facteurs de risque cardiovasculaires (hypercholestérolémie, diabète, hypertension artérielle et/ou tabagisme). « Une météo de la pollution serait très intéressante pour alerter nos patients à risque. Cela permettrait une majoration temporaire d'un traitement et des conseils pour éviter les sorties », ajoute le Pr Béjot.
Les résultats observés sont d’autant plus inquiétants que Dijon n'est pas la ville la plus polluée de France. D'ailleurs, une étude récente a porté sur 70 villes chinoises (258 millions d'habitants), ayant des taux d'ozone moyen deux fois supérieurs à ceux observés à Dijon. Une association entre pic d'ozone et accident ischémique cardiaque ou cérébral a aussi été retrouvée, avec un effet dose. De plus, 3 % des AVC étaient liés à la pollution à l'ozone.
Le lieu de vie en cause à long terme
L'exposition à long terme aux polluants atmosphériques (dont les PM2,5) est aussi associée à risque accru d'AVC, quels que soient le sexe, l'âge et les facteurs de risque cardiovasculaires. Elle concerne tout le monde. Le simple fait de vivre dans une zone polluée augmente les risques ischémiques, en atteste une récente étude menée sur les AVC ischémiques observés en Allemagne entre 2015 et 2019. « Résider dans un lieu soumis à plusieurs polluants augmente les risques d'AVC, et s'accompagne d'une mortalité hospitalière plus élevée. Les sujets concernés font plus d'AVC et en décèdent davantage, surtout au-delà de 70 ans. C'est la double sanction », insiste le Pr Béjot.
Parmi les explications physiopathologiques avancées, on constate une augmentation des marqueurs d'inflammation, du stress oxydant, de la coagulation et de la dysautonomie, en présence de polluants. D’après une étude chez des sujets sains publiée en 2012 (1), l'exposition au niveau d'ozone par inhalation modifiait les paramètres d'inflammation, de la coagulation (en faveur de la thrombose), ainsi que ceux mesurés au holter. Le lien entre pollution à PM2,5 et athérosclérose a ainsi été établi, car les particules ultra-fines inhalées se retrouvent dans le sang, les poumons et les plaques d'athérome, avec un risque réel de désorganiser la plaque. Une association entre exposition aux PM2,5, source de fibrose et de phénomènes dysautonomiques, a également été trouvée avec la fibrillation atriale. « Dans le monde, selon l'endroit où l'on vit, la pollution de l'air se classe entre le quatrième et le douzième rang des facteurs de risque d'AVC, ce qui est loin d'être négligeable. Cela demande une action collective. Dans notre pays où la population vieillit, le nombre de patients touchés va forcément augmenter », conclut le Pr Béjot.
(1) Devlin R B et al. Circulation. 2012 Jul 3;126(1):104-11
D'après les Journées de neurologie de langue française (JNLF), 4 au 7 avril 2023 (Lyon)
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