47e congrès EASD à Lisbonne - Diabètes et cancer

À la recherche des rouages communs

Publié le 14/10/2011
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LES DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES concernant les relations entre cancer et diabète de type 2 le prouvent : le diabète de type 2 est associé à un risque accru de certains cancers, dont les cancers du sein, du colon du pancréas, du foie. Au contraire, -c’est la seule exception le risque de cancer de la prostate est réduit chez les diabétiques. À l’exception du Japon, la mortalité par cancer est maintenant la 2e cause de décès chez les patients présentant un diabète de type 2, presque à égalité avec les maladies cardio-vasculaires.

Des liens complexes mais des voies de recherche.

Les mécanismes qui sous-tendent cette augmentation du risque de cancer ne sont pas parfaitement élucidés. Elle peut intervenir à deux niveaux : l’apparition d’un cancer (mutation de cellules souches en cellules précancéreuses) et la prolifération de celui-ci. L’hyperglycémie et l’hyperinsulinisme ont été proposés comme des promoteurs de croissance. La résistance à l’insuline pourrait favoriser la prolifération cancéreuse, qui elle-même promeut cette résistance, ce qui complexifie les liens entre les deux. Par ailleurs, le processus inflammatoire, particulièrement présent en cas d’obésité, pourrait aussi être en cause. « Attention, prévient Michael Pollack (Canada), l’insuline n’est pas à proprement parler carcinogène : elle n’abîme pas l’ADN. Mais, chez des adultes qui ont des lésions précancéreuses, ce qui est souvent le cas, elle promeut leur croissance. »

Ainsi, en se basant sur des données épidémiologiques, et sur le fait que certaines cellules cancéreuses captent plus de glucose que les cellules normales, A. Lundby et son équipe ont étudié la prolifération cellulaire stimulée par l’insuline sur un panel de différentes lignées de cellules cancéreuses en fonction du taux de glucose (5 mm et 25-33 mm). La croissance des cellules de tumeur hépatique (H4IIE) et les cellules de tumeur du colon (COLO205) de rat apparaissent sensibles au taux élevé de glucose, alors que les cellules de tumeur mammaire humaine (MCF7) et les myoblastes (L6-hIR) de rat ne répondent pas au glucose. Or on sait que les cancers du foie et du colon sont les cancers les plus fréquents chez les patients diabétiques de type 2. Un bon contrôle glycémique pourrait donc jouer un rôle important dans la prévention de certains cancers.

L’impact des traitements.

La metformine, l’antidiabétique le plus prescrit pour traiter le diabète de type 2, réduit le risque de cancer, à l’exception du cancer de la prostate (dont le risque, diminué chez les diabétiques, revient à la normale sous metformine). Frédéric Bost (INSERM U895, Nice) rappelle que ce médicament, utilisé avec succès depuis plus de 30 ans chez les diabétiques de type 2, réduit la production de glucose par le foie, augmente la sensibilité à l’insuline et l’utilisation du glucose par les muscles et les adipocytes, d’où une diminution des taux d’insulinémie et une amélioration de la sensibilité à l’insuline. Cependant, les experts s’accordent à dire qu’il reste du travail pour comprendre comment la metformine marche, notamment pour diminuer ce risque de cancer. « Peut-être que quand nous l’aurons compris, nous verrons que la metformine n’est pas le biguanide idéal pour cette activité, ou qu’il faut l’utiliser à d’autres posologies en oncologie », souligne Michael Pollack.

Ainsi, une étude pionnière réalisée par d’Evans et coll. et publiée dans le BMJ en 2005 avait démontré que la metformine réduisait l’incidence des cancers chez les patients diabétiques. Depuis, différentes études s’accordent pour reconnaître que la metformine a des effets antiprolifératifs in vitro sur les cellules tumorales et in vivo sur des modèles animaux de tumeur. Si un des bénéfices indirects de la metformine est une diminution de l’insuline et de l’activation des récepteurs IGF, des études sur les cellules montrent qu’elle agit directement sur la prolifération des cellules tumorales. La metformine est en effet un puissant activateur de l’AMP-activated kinase (AMPK), cette activation régulée par une kinase hépatique (LKB1), inhibe, via une cascade de signalisation, le mTOR (Mammalian Target of Rapamycin), qui joue un rôle primordial dans le contrôle de plusieurs fonctions cellulaires, incluant entre autres la prolifération, la croissance, la différenciation et l’apoptose.

L’effet antiprolifératif de la metformine a été étudié sur des lignées cellulaires de cancer du sein, du colon, des ovaires, de l’endomètre, du pancréas, du poumon et de la prostate et sur des modèles animaux de tumeur. La metformine s’est révélée capable d’induire une inhibition de la prolifération cellulaire et de la croissance tumorale chez la souris. De surcroît, différents essais cliniques ont démontré un effet bénéfique de la metformine chez des diabétiques atteints d’un cancer du sein ou d’un cancer colorectal. La metformine, médicament connu, qui a très peu d’effets secondaires pourrait-elle être utilisée chez les patients non diabétiques ? « Dans les deux ans à venir, les résultats de nombreux essais cliniques actuellement en cours de réalisation devraient permettre de répondre à cette question et de définir ses indications dans le traitement des cancers », conclut Frédéric Bost.

D’après la conférence de presse organisée par le congrès et la communication du Dr A. Lundby (Danemark) n° 765 ainsi que la session de posters n° 60 : Antidiabetics agents and cancer.

Dr Micheline FOURCADE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9025