Ulcère gastroduodénal sous aspirine : éradiquer Helicobacter pylori

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Publié le 28/10/2022
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L’essai anglais Helicobacter Eradication Aspirin Trial (HEAT) confirme que l’aspirine à visée antiagrégante expose à un très faible risque hémorragique. Il montre également que l’éradication d’Helicobacter pylori prévient le risque hémorragique de l’ulcère gastroduodénal, dans les toutes premières années suivant le traitement.
Helicobacter pylori peut jouer un rôle central dans la pathogenèse de l’hémorragie de l’ulcère gastroduodénal

Helicobacter pylori peut jouer un rôle central dans la pathogenèse de l’hémorragie de l’ulcère gastroduodénal
Crédit photo : phanie

Helicobacter pylori (H pylori) peut jouer un rôle central dans la pathogenèse de l’hémorragie de l’ulcère gastroduodénal, suite à un traitement par aspirine à visée antiagrégante. Cependant, les essais contrôlés ayant évalué l’intérêt de l’éradication de H pylori, en prévention secondaire sur six à douze mois, ont abouti à des conclusions contradictoires. 

Réduire les saignements

L’essai HEAT a étudié si l’éradication de H pylori pouvait réduire les saignements de l’ulcère gastroduodénal sur de plus longues périodes, en l’occurrence sur un suivi prévu de deux ans et demi. À cette fin, des patients âgés de plus de 60 ans, sous aspirine (≤ 325 mg par jour) pendant au moins quatre mois, ont été recrutés en médecine générale entre 2012 et 2017. Les sujets sous inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), antagonistes des récepteurs H2 et anti-inflammatoires non stéroïdiens, ont été exclus. Les patients, positifs au test respiratoire à l’urée 13C, ont été randomisés pour recevoir une semaine de traitement d’éradication (deux fois par jour : lansoprazole 30 mg, clarithromycine 500 mg, métronidazole 400 mg) ou les placebos correspondants. Parmi ceux ayant eu un test respiratoire à la fin de l’étude, 90,7 % étaient devenus négatifs à H pylori contre 24 % des témoins (p < 0,001). Les périodes de recrutement et de suivi ont été allongées, aboutissant à 26 667 années-personnes de suivi. Finalement, peu d’épisodes hémorragiques d’ulcère gastroduodénal ont été observés : 18 dans le groupe d’éradication active et 27 chez les témoins. 

Un faible risque hémorragique

« Premièrement, nous avons constaté que les saignements d’ulcère gastroduodénal sous aspirine sont désormais rares au Royaume-Uni », expliquait le Pr Christopher John Hawkey (Royaume-Uni), directeur de l’essai. Ceci est probablement dû à une moindre prévalence de H pylori et à la prise accrue d’IPP au sein de la population. Au cours des deux premières années et demie de suivi, il n’y a eu que six épisodes hémorragiques d’ulcère dans le groupe éradication (taux 0,92/1 000 années-personnes) et 17 chez les témoins (taux 2,61/1 000 années-patients ; p < 0,03). Le risque hémorragique apparaît donc faible puisqu’il faut traiter 1 000 personnes pendant un an pour observer un saignement d’ulcère. De même, il est nécessaire d’administrer l’aspirine à visée antiagrégante chez 1 000 patients, n’ayant pas eu d’éradication de H pylori, pour voir apparaître 2,6 accidents hémorragiques. 

Un bénéfice sur deux à trois ans

« Deuxièmement, notre essai HEAT a confirmé que l’éradication de H pylori réduisait le risque spécifique de saignement de l’ulcère gastroduodénal, sur deux à trois ans, chez les personnes sous aspirine au long cours, poursuivait le Dr John Hawkey. Mais cet avantage pourrait finalement disparaître sur un suivi plus long ». Sur les 22 saignements d’ulcère survenant après deux ans et demi, aucun avantage pour le groupe d’éradication active n’a effectivement été constaté (12 contre 10 chez les témoins, p = 0,70). Le bénéfice semble donc peu durable après l’éradication de H pylori, ce qui pourrait signifier que le traitement infléchit le risque hémorragique chez les patients sous aspirine à risque élevé. Une fois ces individus traités, le bénéfice s’estompe.

D’ailleurs, le consensus Maastricht VI chez les patients à risque (antécédents d’ulcère) préconise l’éradication de H pylori en cas d’infection dûment démontrée.

(1) Hawkey CJ et al, UEGW2022, abstract OP044

Hélène Joubert

Source : Le Quotidien du médecin