Stéphanie Baulac, chercheuse à l'ICM

« La génétique de l'épilepsie vit un boom »

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Publié le 12/02/2018
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LE QUOTIDIEN : Quelle est la part de la génétique dans la survenue d'une épilepsie ?

STÉPHANIE BAULAC : Deux tiers des épilepsies ont une composante génétique, sans qu'il s'agisse pour autant de maladie héréditaire monogénique, un cas de figure très rare. La composante génétique implique, en revanche, que l'épilepsie n'est pas liée à une cause identifiable comme un traumatisme ou une infection. Dans les épilepsies généralisées, l'hérédité est souvent plus complexe que dans les épilepsies focales, le poids de la génétique est difficile à isoler, il s'agit d'une combinaison polygénique. C'est pourquoi les épilepsies focales concentrent beaucoup d'efforts de recherche.

Quels enseignements la génétique apporte-t-elle dans l'épilepsie ?

Le séquençage à haut débit est à l'origine d'un grand boom de la recherche. La courbe des gènes identifiés est exponentielle et cela a permis d'identifier de nouveaux acteurs dans les épilepsies sans aucun a priori sur leur fonction. Il existe une grande hétérogénéité des mécanismes physiopathologiques et mutationnels.

Pendant longtemps, il était admis que les gènes de l'épilepsie codaient pour des canaux ioniques. Or notre équipe a découvert en 2013 la responsabilité d'un gène d'une voie de signalisation de croissance cellulaire - la voie mTOR - dans des épilepsies focales associées à une malformation focale du développement cérébral. Cette voie de signalisation n'est pas spécifique du cerveau, elle est ubiquitaire, on n'y aurait jamais pensé. On a découvert aussi qu'il peut s'y associer des mutations somatiques de novo, présentes uniquement dans le cerveau.

La génétique permet de trouver de nouvelles cibles thérapeutiques, et là encore, la voie mTOR en est une bonne illustration. Il existe déjà des inhibiteurs de mTOR, les dérivés de la rapamycine. Les résultats obtenus dans des modèles animaux sont prometteurs, on est à l'aube des premiers essais cliniques.

Votre équipe travaille aussi sur les encéphalopathies épileptiques. Qu'avez-vous appris ?

Il y a eu un boom dans la compréhension de ces formes très sévères touchant le jeune enfant. Il n'y a pas d'hérédité des parents, il s'agit de mutations, qui surviennent de façon accidentelle, dites de novo. Pour identifier la mutation en cause, un séquençage « en trio » est réalisé, en recherchant les mutations présentes uniquement chez l'enfant. Le conseil génétique permet de rassurer les familles quant au risque pour une autre grossesse. 

Propos recueillis par le Dr I.D.

Source : Le Quotidien du médecin: 9639