Aide à domicile

Des conditions d’exercice qui rendent l’intervention délicate

Publié le 02/06/2014
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Le secteur de l’aide à domicile ne présente pas de différences fondamentales en termes de risques professionnels avec d’autres secteurs d’activités. « En revanche, les conditions d’exercice compliquent la mise en place de prévention adaptée : pour les employeurs prestataires, il est souvent complexe, par exemple, de demander à faire aménager (même à minima) l’environnement de travail de chacun des domiciles. Dans le cas des particuliers employeurs, c’est la personne aidée qui a elle-même la charge de la santé et de la sécurité des salariés », souligne le Dr Ariane Leroyer, médecin du travail, maîtresse de conférence (CHRU-Université droit et santé Lille 2).

Les statistiques de la CNAMTS fournissent, pour 2008, des données concernant les accidents du travail (AT) dans le périmètre des structures d’aide et de soin à domicile (activités prestataires). L’indice de fréquence est 47,8 AT avec arrêt pour 1 000 salariés (versus 38,0 toutes branches), et le taux de fréquence de 31,6 AT avec arrêt/millions d’heures travaillées (versus 24,7 toutes branches). Parmi les causes d’AT, prédominent : les manutentions manuelles (35,5 ; 34,2 % toutes branches), les accidents de plain-pied (31,8 ; 24,3 % toutes branches) et les chutes de hauteur (10,2 ; 12,1 % toutes branches). La lésion prédominante est la « douleur d’effort/lumbago » (42,6 % versus 26,7 % toutes branches).

Temps partiel, longues pauses, horaires irréguliers

D’autres données sont issues de l’observatoire Evrest (données 2011-2012) pour les métiers d’aides à domicile, aides ménagères et travailleuses familiales d’une part (AAD ; n = 255), les employées de maison d’autre part (EM ; n = 49). 96% des salariées de ces métiers étant des femmes, leurs données ont été comparées aux femmes travaillant hors de ces métiers (n = 9 565). 

Concernant l’organisation du temps de travail, le travail à temps partiel caractérise ces emplois(67 % des AAD, 59 % des EM, 27 % des autres salariées), ainsi que les coupures de plus de 2 heures (respectivement 35, 27 et 17 %). Les horaires sont également souvent irréguliers ou décalés, notamment pour les AAD (50 % d’entre elles, vs 32 % des EM et 29 % des autres salariées). « Parmi les caractéristiques du travail, AAD et EM se distinguent particulièrement des autres salariées par les possibilités insuffisantes d’entraide ou de coopération qu’elles signalent (respectivement 36, 43 et 17 %), stigmate de l’isolement de leurs activités », souligne le Dr Leroyer. Plus de 4 EM sur 10 déclarent également avoir un travail qui ne permet pas d’apprendre et ne pas avoir un travail varié, ce qui n’est le cas que pour moins de 2 salariées sur 10 pour les AAD et les autres salariées.

Autre constat : près de 80 % de ces intervenantes à domicile déclarent avoir des postures contraignantes (et 50 % des postures contraignantes difficiles ou pénibles), vs près de 50 % des autres salariées. Les différences observées pour les efforts physiques et ports de charges lourdes, ou pour la station debout prolongée sont du même ordre que celles observées pour les postures contraignantes.

À âge égal, on observe aussi, pour les AAD, une augmentation significative des douleurs des membres supérieurs gênantes dans le travail par rapport aux autres métiers féminins, une augmentation significative des douleurs aux membres inférieurs gênantes dans le travail par rapport aux autres métiers féminins ainsi qu’une augmentation significative des plaintes sans gênes et des plaintes gênantes dans le travail pour les douleurs au niveau cervical, et au niveau lombaire. « En revanche, au niveau neuropsychique, il n’est pas mis en évidence de surrisque marqué par rapport aux autres métiers féminins concernant les troubles du sommeil, la fatigue ou l’anxiété », indique le Dr Leroyer en précisant que les EM n’étaient pas suffisamment nombreuses pour que l’exploitation statistique des données puisse mettre en évidence des éléments comparatifs aux AAD pertinents.

D’après un texte rédigé par le Dr Ariane Leroyer, médecin du travail, maître de conférence (CHRU-Université droit et santé Lille 2).

Antoine Dalat

Source : Le Quotidien du Médecin: 9331