« La technologie n’est ni bonne, ni mauvaise et elle n’est pas neutre » ; « L’invention est la mère des nécessités » ; « La technologie vient par paquets, petits et grands »… Énoncées en 1986, les lois sur les technologies du Pr Melvin Kranzberg demeurent d’actualité. Et, alors que la révolution numérique ne cesse de gagner du terrain, que « l’industrie du futur » connaît chaque jour de nouveaux développements, « on ne peut pas faire l’économie de s’intéresser aux technologies, car elles transforment le monde du travail, constate Marc Malenfer (INRS). Prenons l’exemple de l’automatisation : elle a connu une accélération de 13 % en 2021 et on prévoit un chiffre de 6 % pour les années suivantes. Avec les tablettes, chatbots et caisses automatiques, ces innovations s’implantent durablement dans les services, au-delà du secteur industriel. »
Favoriser l’acceptabilité
« En 25 ans, la France a perdu 1,4 million d’emplois dans l’industrie, pointe le Dr Benoît Iung du Centre de recherche en automatique de Nancy (Cran). Pour que les entreprises hexagonales puissent se replacer dans la concurrence mondiale, nous travaillons sur le concept de l’industrie du futur. Celui-ci est une déclinaison de l’industrie 4.0, née en Allemagne et se référant à une 4e révolution industrielle, qui prône le déploiement d’usines dites ‘intelligentes’, capables d’une plus grande agilité pour fabriquer des produits plus personnalisés, à demandes variables, à coût maîtrisé, etc. » Concrètement, cela passe par l’utilisation de technologies comme la réalité augmentée ou la cobotique. « La cobotique désigne les dispositifs robotiques fabriqués et utilisés pour interagir et coopérer avec un humain, précise le Dr Iung. À la différence des robots, les cobots peuvent donc travailler avec des opérateurs à proximité. » Ce qui n’exclut pas de s’interroger sur leurs effets sur la santé et la sécurité au travail, bien au contraire. « Même si le numérique n’est pas dangereux en soi, il vient modifier les situations de travail et donc les risques qui s’y réfèrent, ajoute le spécialiste. Ces modifications peuvent déboucher aussi bien sur une positivité (la technologie est une opportunité pour la santé-sécurité au travail), que sur une négativité (elle expose l’humain à une situation plus dangereuse). Maîtriser ces nouvelles situations est un défi à relever pour favoriser l’acceptabilité de cette transformation numérique. »
Questions éthiques
Ces innovations, ruptures et situations nouvelles sont vectrices d’opportunités, de défis mais aussi de craintes. Elles obligent les individus à faire preuve d’une grande capacité d’adaptation, notamment ceux qui se sont construits avant ces transformations. « Cela entraîne nécessairement des interrogations philosophiques et éthiques, note Ambre Davat (Institut intelligence artificielle de Grenoble). La question du sens du travail est reposée d’une façon actualisée et, par là même, celle de son inscription dans une vision plus globale du monde, cohérente et sensée. » Ainsi, si l’humain développe et s’accommode sans cesse de nouveaux usages, prendre le temps d’y réfléchir est indispensable. C’est aussi l’occasion de rappeler la place de la médecine du travail dans cette dynamique d’adaptation — et de vigilance — face aux nouvelles technologies. « Du fait de leur relation individuelle avec les acteurs du corps social, les entreprises et les institutions, confrontés à la fois individuellement et collectivement au virage du numérique et de l’intelligence artificielle, les professionnels des services de santé au travail sont au cœur de ces réalités. »
« Nouvelles technologies et santé-sécurité au travail », Plénière 1
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