Entre 120 000 et 150 000 accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont rapportés chaque année en France. Un AVC survient toutes les quatre minutes. Il s’agit de la première cause de mortalité chez les femmes et de la troisième chez les hommes. Parmi les patients survivants, un tiers est dépendant. Les déficiences sont principalement fonctionnelles : seulement 15 % des patients environ vont récupérer un membre supérieur fonctionnel. Seuls 30 % des patients retrouvent leurs activités antérieures. Grâce aux Unités de soins intensifs neurovasculaires (USINV) et aux Unités neurovasculaires (UNV) ainsi qu’aux progrès de la thrombolyse et de la thrombectomie, de nombreux décès et de lourds handicaps sont évités à condition que les patients arrivent vite. « Il existe aujourd’hui 139 UNV dans toute la France. C’est une filière de soins efficace, mais saturée et fragile (nombreux postes vacants…). On estime qu’une UNV permet d’éviter 7 920 décès ou des situations de dépendances par an », déclare le Dr Stéphane Bouly (CHU de Nîmes).
Évaluer les facteurs pronostiques
L’évaluation des facteurs prédictifs de pronostic fonctionnel après un AVC est indispensable. Dès la phase initiale, plusieurs outils cliniques sont utiles (1) : le score Nihss pour évaluer la multiplicité et la gravité des déficiences, l’index de Barthel, le score des incapacités initiales (avec sa progression entre J2 et J15) et le score de Glasgow, essentiellement en cas d’hémorragie cérébrale ou d’infarctus cérébral sévère. L’âge, mais surtout les comorbidités et les antécédents, sont des facteurs aggravants le pronostic des AVC. La déficience cognitive semble également intervenir dans le pronostic fonctionnel.
Des examens complémentaires peuvent être pratiqués : exploration du faisceau corticospinal en IRM tenseur de diffusion (pas de consensus) ou IRM fonctionnelle. Les potentiels évoqués moteurs (PEM) peuvent aussi apporter une valeur pronostique additionnelle. « Quant aux biomarqueurs (peptides natriurétiques, marqueurs de l’inflammation, de l’athérome, de la réponse au stress, etc.), il y en aurait 257 à l’étude. Mais aucun ne s’est encore montré efficace. Nous sommes centrés sur la prédiction clinique pour l’instant », précise le Pr Jean-Christophe Daviet (CHU de Limoges).
Les progrès de la neuroimagerie fonctionnelle ont cependant permis de montrer une meilleure récupération motrice du membre supérieur, en cas d’intégrité initiale du tractus cortico-spinal, de préservation des fibres blanches et de présence d’interactions corticales. Lors de l’installation du déficit, il reste toutefois difficile de prévoir avec certitude quel sera le niveau de récupération.
Stimuler la récupération fonctionnelle
Principalement liée à la plasticité cérébrale, la récupération fonctionnelle spontanée est maximale dans les trois mois après la survenue de l’AVC. « C’est une fenêtre d’opportunité pour agir par différentes techniques de stimulation cérébrale », souligne le Pr Pierre Nicolo (Genève).
La rééducation en unités spécialisées (UNV puis MPR) a largement montré ses bénéfices sur la mortalité, la dépendance et le recours à l’institutionnalisation. Elle stimule la récupération et permet de prévenir les complications liées à l’immobilité (lever précoce et kinésithérapie en phase immédiate post-AVC, dès le premier jour). « Mais, la rééducation intensive devrait être débutée au-delà de 8 à 15 jours. Il ne faut pas la commencer trop tôt et trop vite », met en garde le Pr Alain Yelnik (Paris). L’objectif est de récupérer les fonctions et non de les suppléer.
« Concernant les substances pharmacologiques qui pourraient aider à la récupération, il y a énormément de recherches », déclare la Dr Isabelle Loubinoux (Toulouse). Différentes catégories de médicaments ont été étudiées : les réparateurs d’axones, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, les facteurs de croissance. La fluoxétine a fait l’objet de nombreux essais afin de tester son efficacité dans la récupération de la motricité après un AVC ischémique. À six mois de traitement, les résultats ne sont pas significatifs (étude Focus, [2]), alors qu’à trois mois, la fluoxétine semblait efficace (étude Flame [3]. D’autres essais sont en cours. Un antagoniste de Gaba a été testé sans succès. Enfin, le Nerve growth factor (NGF) est à l’étude, mais la neurogenèse est un mécanisme très long.
(1) D’après la conférence d’experts de Mulhouse 2008 (2) Focus trial collaboration. Lancet 2019;393:265-74 (3) Chollet F et al. Lancet Neurol 2011;10:123-30
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