La commission pédiatrique de la Société française d'étude et de traitement de la douleur (SFETD) a mis en place l’essai Impact Douleur Enfant et Adolescent (IDEA), avec la fondation APICIL, afin d'analyser la population des enfants et adolescents consultant en Structure douleur chronique (SDC) pédiatrique.
« L’objectif était de décrire les caractéristiques et l’impact de la douleur chronique chez des enfants de 8 à 18 ans consultant dans les SDC pédiatriques (12 SDC ont participé) », a expliqué la Dr Justine Avez-Couturier (CHU de Lille).
Des questionnaires sur la douleur, les traitements, le diagnostic, l’utilisation du système de soins, le fonctionnement scolaire et l’activité professionnelle des parents ont été utilisés. L'évaluation a été réalisée à partir des scores de dépistage des troubles émotionnels (SDQ – version parent et enfant), de fonctionnement familial (FAD -12), de retentissement fonctionnel (FDI) et de qualité de vie (VSPA-12).
Trois quarts de filles incluses
Au total, 234 enfants, avec une fiche complète, ont été évalués. Les trois quarts (75,5 %) sont des filles et l'âge moyen est de 13 ans. La douleur dure depuis plus d’un an pour 71,4 % d’entre eux et de façon permanente pour 48,7 %.
Les enfants consultent en majorité pour des douleurs musculosquelettiques (42 %), des céphalées (27 %), une douleur neuropathique (18 %) ou abdominale (9 %). L’intensité moyenne de douleur est égale à 6,65 (EVA 0-10). Au total, 27,5 % des patients ont une maladie chronique, 36,6 % une histoire familiale de douleur chronique et 39,2 % ont déjà reçu des opioïdes. Le score général SDQ-enfant est « limite » pour 29,1 % et « anormal » pour 9,8 %. Quant au score SDQ-parents, il est « limite » pour 35,5 % et « anormal » pour 20,1 %. L’impact fonctionnel est modéré chez 65,8 % et fort chez 18,8 % des patients. La qualité de vie est altérée pour 32,9 % (versus 15,8 % en population générale). Le fonctionnement familial est « problématique » pour 31,6 % (versus 19-39 % en population générale). Près de 40 % des enfants ont manqué l’école plus de 10 jours dans les trois mois, à cause des douleurs.
Un portrait-robot du patient
Les résultats de l’étude IDEA ont permis d’établir le portrait-robot du patient consultant moyen. Il s’agit d’une adolescente de 13 ans souffrant de douleurs musculosquelettiques depuis plus d’un an, ayant déjà pris au moins trois traitements médicamenteux différents, ayant eu quinze consultations médicales ou plus et sept examens médicaux ou plus, ayant déjà été aux urgences, avec un impact fonctionnel significatif et un arrêt de travail des parents.
« Mais surtout, cette étude permet de dégager un groupe d’adolescents à risque d’impact plus fort de la douleur : ceux qui présentent des troubles émotionnels, ayant déjà consulté les urgences pour des douleurs et consommé au moins une fois des morphiniques », souligne la Dr Avez-Couturier. L’étude IDEA montre qu’il est nécessaire d’évaluer tous ces aspects en consultation et de s’appuyer sur des outils validés.
Un outil de diagnostic adapté
La douleur neuropathique est la conséquence directe d’une lésion ou d’une maladie qui affecte le système somatosensoriel.
Le diagnostic de douleur neuropathique chez l’enfant est difficile du fait de l’hétérogénéité des symptômes, et des difficultés relatives à l’expression verbale de la douleur. L’incidence de la douleur neuropathique chez les enfants est sous-estimée (5-6 %) par manque de connaissances sur le diagnostic de ce type de douleur, ainsi que par son apparition souvent retardée par rapport à la lésion initiale (quelques jours ou semaines, voire plus). Pour toutes ces raisons, l’utilisation chez l’enfant de l’outil de diagnostic DN4, seul test validé en français chez l’adulte (élaboré par l’équipe du Dr Bouhassira), est limitée. Le groupe de travail du Comité douleur de la Société française du cancer de l’enfant (SFCE), soutenu par la SFETD, a validé le DN4 chez l’enfant (DN4P) pour faciliter le diagnostic de la douleur neuropathique entre 5 et 12 ans.
Le questionnaire comprend 10 items. Sept items cliniques dichotomiques (oui/non) recherchent la présence ou non de symptômes dans le même territoire : brûlure, froid douloureux, décharges électriques, fourmillements, picotements, engourdissement, démangeaisons. Des images et des métaphores (« comme si ») de ces éléments sont présentées à l’enfant de façon concomitante. Elles permettent d’améliorer la compréhension dès l’âge de cinq ans. Trois items sensoriels concernent la recherche à l’examen clinique dans le même territoire de l’hypo ou l’hyperesthésie, au toucher et à la piqûre, ainsi que de l’allodynie au frottement. « Le questionnaire DN4P est un outil-diagnostic rapide qui permet d’identifier les douleurs neuropathiques pures et mixtes par rapport aux douleurs nociceptives. Il permet également d’améliorer la compréhension des items, facilite l’expression du symptôme et la communication autour de la douleur neuropathique chez l’enfant. Il pourrait être utile à la fois en recherche clinique pédiatrique et en pratique quotidienne », a expliqué la Dr Petronela Rachieru (CHU d’Angers). Des questionnaires seront distribués gratuitement dans un premier temps dans les centres SFCE et les centres douleur chroniques prenant en charge les enfants.
D’après les sessions « Evaluer la douleur chronique en pédiatrie : est-ce si simple ? Quels outils d’évaluation ? » et « Douleur neuropathique de l’enfant » du congrès 2021 de la SFETD
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