Céphalées de l’enfant et de l’adolescent

La migraine souffre de sous-diagnostic

Publié le 10/06/2011
Article réservé aux abonnés
1311154356261346_IMG_62650_HR.jpg

1311154356261346_IMG_62650_HR.jpg
Crédit photo : BSIP

MALGRÉ LEUR fréquence, les céphalées de l’enfant et de l’adolescent restent sous diagnostiquées et donc sous traitées. La migraine représente la première cause de céphalée primaire chez l’enfant. Les études épidémiologiques menées dans différentes régions du monde concordent pour estimer sa prévalence à 5-10 % entre 5 et 10 ans, 10-15 % entre 10 et 15 ans, et de 15 à 20 % chez l’adulte. Des critères diagnostiques ont été établis par l’International headache society : il s’agit de relever cinq crises de céphalées répondant à des critères définis. Leur durée doit être entre 1 à 48 heures (pour rappel, chez l’adulte, la durée minimale est de 4 heures). Au moins deux des critères suivants doivent aussi être observés : localisation bilatérale (autre point différent de l’adulte), céphalée pulsatile, d’intensité modérée à sévère, ou aggravée par l’activité physique. Enfin, on doit relever des nausées ou des vomissements d’une part, une photophobie ou une phonophobie d’autre part. Par ailleurs, une maladie organique pouvant être la cause des céphalées doit être exclue par l’anamnèse, l’examen clinique et neurologique et éventuellement des examens complémentaires.

Les auras sont très fréquentes chez l’enfant migraineux (47 % des enfants consultant au centre de la migraine de l’enfant). Dans 74 % des cas, il s’agit d’une aura visuelle (phosphènes, scotome scintillant, zone floue, tâches colorées etc.), dans 41 %, d’une aura auditive (sifflements, bourdonnements, hallucinations auditives etc.) et dans 39 % des cas d’une aura sensitive (le plus souvent à type de paresthésies au niveau du visage, des pieds, des mains etc.). Moins souvent, il s’agit d’une diminution de la force musculaire (10 % des cas) ou d’un trouble du langage (8 %). Près d’une fois sur deux (44 % des cas), l’enfant a une association d’auras.

Des facteurs déclenchants seront recherchés : stimulations sensorielles telles que chaleur, bruit, lumière, odeurs fortes ; l’effort physique comme le sport, ou la fatigue (manque de sommeil…) ; certains troubles physiques comme l’hypoglycémie ou la fièvre ; les transports et les contrariétés. Ces dernières constituent un facteur fréquent mais ne sont pas toujours prises au sérieux par l’entourage. En revanche, les aliments et la chute des estrogènes en fin de cycle sont rarement en cause. L’interrogatoire doit également lister les antécédents familiaux (la migraine est une maladie génétique), qui ne sont cependant pas toujours identifiés comme tels (« crise de foie », « sinusite » ou autres peuvent être évoqués).

Généralement, un interrogatoire minutieux et un examen clinique permettent donc de poser le diagnostic de la migraine. Une imagerie cérébrale (scanner avec injection, IRM) est inutile en cas de migraine typique. On peut toutefois y recourir chez les enfants de moins de 6 ans, pour qui l’interrogatoire est parfois difficile et les critères diagnostiques moins nets.

Le suivi des caractéristiques des céphalées est de mise.

La céphalée de tension est à prendre en compte dans le diagnostic différentiel. Également très fréquente, elle peut y être associée. La céphalée de tension est beaucoup moins invalidante ; elle dure entre 30 minutes et 7 jours, avec au moins deux des caractéristiques suivantes : localisation bilatérale, sensation de pression, intensité légère ou modérée, aucune aggravation par l’activité physique. Elle ne s’accompagne ni de nausées/vomissements, ni de photo- et phonophobie.

L’enfant et son entourage doivent apprendre à distinguer une crise de migraine d’une céphalée de tension, pour laquelle l’abstention thérapeutique est de mise. En cas de suspicion de migraine, la tenue d’un agenda permet de préciser les facteurs déclenchants et d’évaluer la consommation de médicaments. Il importe de rappeler aux parents que la migraine n’est pas une maladie « psychologique », même lorsqu’elle est déclenchée par une contrariété.

La prise en charge thérapeutique de la migraine de l’enfant a été précisée par des recommandations édictées en 2009 par l’Afssaps. Le traitement doit être institué le plus tôt possible après le début de la crise (l’enfant doit pouvoir le recevoir à l’école) et la voie rectale ou nasale est utilisée en cas de vomissements. Dans le traitement de la crise, l’ibuprofène (10 mg/kg) doit être privilégié ; le paracétamol (15 mg/kg) restant souvent efficace. Le sumatriptan nasal est à utiliser en deuxième intention, à partir de l’âge de 12 ans. Codéine, tramadol et morphine n’ont pas de place dans ce cadre. En traitement de fond, les études manquent pour recommander des thérapies médicamenteuses. En revanche, les méthodes psychocorporelles, telles que la relaxation ou l’auto-hypnose, peuvent être recommandées.

D’après la communication du Dr Daniel Annequin, Paris « Céphalées de tension, migraines : les bonnes questions, l’abord diagnostique et thérapeutique ».

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du Médecin: 8980