Pneumologie pédiatrique, une mobilisation mondiale

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Publié le 17/09/2021
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Les maladies du poumon sont la principale cause de morbidité et de mortalité chez les enfants dans le monde. Le Congrès international de pneumologie pédiatrique (CIPP) est une occasion unique pour les spécialistes des pays développés et ceux des pays en développement de discuter ensemble des problèmes de santé respiratoire et d’échanger afin d’émettre des recommandations adaptées à chaque pays. Les points forts du congrès avec le Pr Manuel Soto-Martinez (Costa Rica) et le Pr Michaël Fayon (Bordeaux).
’exemple des pandémies précédentes montre que les mesures de santé publique sont efficaces

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Crédit photo : phanie

Pour son vingtième anniversaire, le CIPP a été particulièrement riche avec plus de 45 symposia, 11 conférences plénières et plus de 100 posters. « Autre particularité du congrès, nous parions sur la jeune génération avec des prix décernés spécifiquement aux moins de 40 ans afin qu’ils puissent présenter leur travail et apprendre de tous les meilleurs pneumologues du monde entier », souligne le Pr Manuel Soto-Martinez, chargé du programme scientifique.

Effets de la pandémie de Covid-19… et après ?

Le Covid-19 a, bien sûr, été un des sujets majeurs du congrès, avec de nombreuses communications sur ses effets dans différentes parties du monde. Aucune n’a été épargnée, ce qui a animé la conférence d’ouverture du congrès, par le Pr Gary Wong (Hong Kong) qui a participé à l’étude des enfants de Wuhan. L’exemple des pandémies précédentes (Sras en 2003, Mers en 2012) montre que les mesures de santé publique sont efficaces : diagnostic précoce et isolement précoce des personnes infectées, distanciation sociale, lavage des mains et port de masque sont les meilleurs moyens pour éviter de contracter et de diffuser le virus.

L’identification de l’hôte animal aide également à prévenir la récurrence de la maladie. Dans le cas du Sars-CoV-2, la vitesse de mise au point d’un vaccin a été sans précédent. Aujourd’hui, la vaccination est la meilleure prévention et elle devrait être faite chez les adolescents. Les pneumologues restent vigilants face à ces infections émergentes car ils sont souvent les premiers confrontés à ces infections inconnues. « Il ne fait aucun doute que la question n’est pas de savoir si une autre pandémie arrivera, mais quand », a conclu le Pr Wong lors de sa conférence.

Un miroir des inégalités sociales

La pandémie a aussi amplifié les inégalités sociales et a montré les forces et les faiblesses des systèmes de santé à travers le monde. « Nous sommes tous d’accord pour dire que le Covid-19 a changé nos vies d’un point de vue personnel, mais aussi professionnel. Mais le message que nous devons apprendre du passé pour embrasser l’avenir est que nous devons être résilients pour nous adapter à de nouvelles pratiques », déclare le Pr Soto-Martinez.

La pandémie a transformé les modes d’exercice et la télémédecine s’est développée, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. « Au Costa Rica, ainsi que dans les autres pays d’Amérique centrale, plus de 70 % des consultations étaient virtuelles à la mi-2020. Bien que ce taux ait diminué, il s’agit probablement d’un outil qui ne disparaîtra pas de sitôt. Maintenant, le défi, dans de nombreux pays en développement, est d’obtenir et de mettre en œuvre ces nouvelles technologies pour améliorer les téléconsultations », indique le pneumologue.

Surmonter les obstacles pour un meilleur contrôle de l’asthme

Autre grand sujet du congrès, l’asthme, qui est un problème de santé publique dans le monde entier en raison de sa prévalence, de sa morbidité et de ses coûts élevés, particulièrement dans les pays en développement. « Il y a des obstacles et des défis pour parvenir à un contrôle de l’asthme dans les pays en développement. Par conséquent, nous devons évaluer ces limites et essayer de les surmonter, avec des programmes sur l’asthme adaptés aux besoins locaux, en mettant l’accent sur l’éducation, l’observance, la prévention des facteurs de risque et l’emploi de médicaments non coûteux, souligne le Pr Soto-Martinez. Une récente étude a montré que 72 % des pays en développement n’ont ni salbutamol, ni corticoïdes inhalés dans leur liste de médicaments essentiels et que ces médicaments sont très peu disponibles dans ces pays. »

En ce qui concerne l’évaluation du contrôle de l’asthme et son évolution chez les enfants, la place de la fraction exhalée du monoxyde d’azote (FeNO) n’est pas encore bien précisée, comme l’a rappelé la Pr Marielle Pijnenburg (Pays-Bas), au contraire de celle du VEMS, dont une diminution de plus de 10 % prédit une augmentation du risque d’exacerbation ou de non-contrôle de l’asthme.

« La FeNO est un marqueur de l’inflammation de type 2 dans l’asthme, intéressant en association avec la mesure de l’éosinophilie. C’est un examen non invasif donnant des résultats immédiats et il est facilement réalisable chez l’enfant d’âge scolaire, explique le Pr Michaël Fayon (Bordeaux). Il peut permettre de prédire la survenue d’exacerbations ou d’un asthme non contrôlé. Cependant, ce test n’est pas très sensible et seule une augmentation de plus de 50 % de sa valeur de base semble cliniquement pertinente. »

Prévenir les bronchiolites : de nombreuses pistes à l’étude

Le virus respiratoire syncytial (VRS) est la principale cause d’infections des voies respiratoires inférieures chez les nourrissons. L’hiver dernier, les mesures prises (masques, distanciation…) pour contenir la circulation du Sars-CoV-2 ont également perturbé le schéma classique de circulation d’autres agents pathogènes respiratoires, en particulier les virus enveloppés tels que VRS, influenza et para-influenza. « C’est ainsi qu’il y a eu une diminution spectaculaire de l’incidence des cas de VRS, et des hospitalisations associées, chez les nourrissons en France et dans de nombreux autres pays. Cependant, lorsque les restrictions liées au Covid ont été assouplies, le VRS est réapparu. L’épidémie de bronchiolite a été décalée, rappelle le Pr Michaël Fayon. Les nourrissons de moins de 6 mois sont plus à risque de maladie grave, car ils ont une réponse immunitaire immature et restreinte, caractérisée par une faible expression d’interféron et une incapacité partielle à générer des anticorps de haute affinité. » De plus, la persistance des anticorps maternels semble nuire à la production par le nourrisson d’anticorps efficaces. Cependant, des essais cliniques sont en cours, comme l’a expliqué le Dr Asuncion Mejias (États-Unis) lors d’un symposium organisé par Sanofi Pasteur, pour élaborer une stratégie préventive. Ils portant sur des vaccins maternels, des vaccins pédiatriques et des anticorps monoclonaux à demi-vie prolongée (une seule injection efficace six mois), pour la protection précoce et large de tous les nourrissons, quel que soit leur niveau de risque. À l’heure actuelle, on ne dispose, en prévention, en France, que du palivizumab, chez les enfants à risque élevé d’infection à VRS (prématurés, enfants atteints d’une cardiopathie congénitale…), avec une injection par mois pendant tout l’hiver.

Exergue : Il y a eu une diminution spectaculaire de l’incidence des cas de VRS, avec une épidémie décalée lorsque les mesures ont été assouplies

Entretiens avec les Pr Manuel Soto-Martinez (Costa Rica) et Michaël Fayon (Bordeaux)

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin