Des recommandations de limiter les corticoïdes inhalés

BPCO : point trop n’en faut

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Publié le 09/10/2020
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Les corticoïdes inhalés (CSI) associés aux bronchodilatateurs de longue durée d’action réduisent la fréquence des exacerbations chez des patients souffrant de BPCO. Cependant, ils sont surutilisés chez certains patients. C’est ainsi que des recommandations complémentaires de pratique clinique ont été émises par l’ERS pour mieux cibler les patients en ayant réellement besoin (1).

Les patients cible font beaucoup d’exacerbations et ont une éosinophilie élevée

Les patients cible font beaucoup d’exacerbations et ont une éosinophilie élevée
Crédit photo : phanie

Dès 2017, une étude rétrospective sur 10 ans (juin 2005-juin 2015) avait mis en évidence une surutilisation des traitements utilisant des corticostéroïdes inhalés (CSI) au Royaume-Uni (2).Cette étude avait porté sur 29 815 patients de plus de 40 ans, atteints de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) nouvellement diagnostiquée à un stade précoce, Gold A ou B.

Au moment du diagnostic en 2005, 77 % de ces patients se sont vu prescrire un traitement d’entretien contenant des CSI. Au fil du temps cette tendance diminue, mais les CSI représentent encore 47 % des prescriptions en 2015, alors que ce médicament doit être réservé aux patients atteints de BPCO sévère et d’exacerbations fréquentes.

Un surrisque de pneumonie

À long terme, les données de l’étude Impact (3) ont notamment montré qu’il y avait une incidence plus élevée de pneumonie chez les patients utilisant une trithérapie ou bithérapie contenant des CSI par rapport au groupe LAMA/LABA (umeclidinium-vilanterol). Le risque était pratiquement similaire entre la trithérapie et la bithérapie contenant un CSI (furoate de fluticasone-vilanterol).

Une analyse post-hoc de l’étude Wisdom a par ailleurs démontré que l’arrêt des CSI chez les patients sous trithérapie peut augmenter le taux d’exacerbations chez les patients présentant un nombre élevé d’éosinophiles (≥ 300 cellules /µL) et des exacerbations fréquentes (≥ 2 exacerbations/an).

Ainsi, aujourd’hui, l’accumulation de preuves suggère que l’identification des « bons » patients atteints de BPCO pour une trithérapie à long terme permettrait des soins plus personnalisés. Sur la base du document de stratégie Gold et des études récentes, les patients qui bénéficieraient le plus de l’utilisation des CSI en termes de prévention des exacerbations seraient ceux qui ont des taux élevés d’éosinophiles sanguins et ceux qui présentent des exacerbations fréquentes.

Supprimer le traitement chez certains patients

La suppression des CSI pourrait ainsi être envisagée chez certains patients. Un groupe d’experts de l’ERS a sélectionné des études randomisées contrôlées et après avoir examiné l’équilibre entre les conséquences souhaitables et indésirables, la qualité des preuves, la faisabilité et l’acceptabilité des interventions, il a émis des recommandations quant à la suppression des CSI chez certains patients atteints de BPCO (1).

Trois recommandations de divers degrés ont été émises :

- Une recommandation forte pour ne pas interrompre le traitement par CSI chez les patients dont le taux sanguin d’éosinophiles est ≥ 300/µL, quel que soit le taux d’exacerbations ;

- Une recommandation conditionnelle pour interrompre les CSI chez les patients ayant une éosinophilie sanguine ≤ 300/µL et moins de deux exacerbations par an et pas d’hospitalisation ;

- Une forte recommandation de traiter avec un ou deux bronchodilatateurs à action prolongée en cas d’arrêt du CSI.

Chez les patients avec une éosinophilie ≤ 300/µL et plus de deux exacerbations ou une hospitalisation, il n’est pas possible de faire une recommandation vu le faible niveau de preuves disponible. La décision doit être prise au cas par cas, en évaluant le rapport bénéfice/risque.

Ces recommandations ne s’appliquent pas aux patients porteurs d’un ACOS (asthme et BPCO). Elles sont comparables à celles émises par l’American Thoracic Society en mai 2020.

 

Session « Is there a problem with inhaled corticosteroid use in COPD ? »  

(1) Chalmers JD et al. Eur Resp J. 2020 Jun 4;55(6):2000351

(2) Chalmers JD et al. NPJ Prim Care Resp Med. 2017 Jun 29;27(1):43

(3) Lipson DA. N Engl J Med 2018

 

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin