Mieux détecter la BPCO

Par
Publié le 20/01/2023
Article réservé aux abonnés

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) reste encore largement sous-diagnostiquée. Trop de malades s’ignorent et sont pris en charge tardivement, à l’occasion d’une exacerbation. De nombreuses initiatives apparaissent pour repérer plus tôt les patients à risque et coordonner leur parcours de soins.

Les scanners prescrits dans le dépistage du cancer du poumon pourraient aussi être utiles

Les scanners prescrits dans le dépistage du cancer du poumon pourraient aussi être utiles
Crédit photo : ZEPHYR/SPL/PHANIE

La BPCO concernerait plus de 3,5 millions de patients en France et serait responsable d’environ 17 000 décès par an. Sous-diagnostiquée ou identifiée tardivement, souvent à l’occasion d’une exacerbation, elle est à l’origine d’un grand nombre d’hospitalisations, alors que des progrès ont été faits permettant d’améliorer précocement la prise en charge des patients. 

Les exacerbations en ligne de mire

« Tout récemment, une nouvelle classification clinique, Gold 2023, a été proposée afin d’insister sur l’importance des exacerbations, indépendamment du niveau de symptômes du patient. Ainsi, au lieu des quatre catégories A, B, C, D, on distingue désormais trois catégories : A et B (qui restent inchangées) et E, qui regroupe tous les patients à risque d’exacerbations, qu’ils soient peu symptomatiques ou symptomatiques, soit la fusion des anciens groupes C et D. Cela permet d’insister sur l’importance des exacerbations comme facteur potentiellement évitable d’aggravation et de dégradation du pronostic », souligne le Pr Nicolas Roche (Hôpital Cochin, AP-HP).

En effet, les exacerbations déstabilisent la maladie dans son ensemble, sur le plan respiratoire bien sûr, mais également en aggravant les comorbidités, notamment cardiovasculaires : risque augmenté d’infarctus, d’AVC, etc.

Un stade « pré-BPCO »

Une autre notion sur laquelle le groupe Gold insiste depuis un an environ, est celle de « pré-BPCO ». Il s’agit de malades à risque (principalement, mais pas exclusivement, les fumeurs), qui présentent soit des manifestations cliniques chroniques (toux et expectorations, dyspnée, limitation de l’activité, infections respiratoires basses récurrentes), soit des anomalies au scanner (emphysème, épaississement des parois bronchiques, piégeage), soit des anomalies fonctionnelles respiratoires (distension, obstruction des petites bronches, altération de la diffusion), mais qui n’ont pas d’obstruction bronchique (VEMS/CV normal). Ils ont un risque plus élevé d’évoluer vers une BPCO. Il faut donc les suivre pour pouvoir intervenir tôt (à commencer par le sevrage tabagique) dans l’histoire de la maladie, qui évolue de façon insidieuse.

« Dans le dépistage de la BPCO, ce sont souvent les explorations fonctionnelles respiratoires qui posent problème, car elles ne sont pas toujours réalisées à temps. Dès lors, en se fondant sur les symptômes, mais aussi sur les scanners – qui sont par exemple de plus en plus prescrits dans le dépistage du cancer du poumon [lire aussi p. XX] – et à l’occasion de la découverte d’une anomalie (emphysème, etc.), on pourrait instituer un suivi plus rapproché du patient », propose le Pr Roche. 

Quant au traitement, contrairement aux recommandations françaises qui proposent de procéder par paliers, les recommandations Gold ne préconisent désormais plus de monothérapie. L’initiation repose sur une bithérapie bronchodilatatrice, voire une trithérapie si les éosinophiles sanguins sont à plus de 300/mm3. « Renoncer aux monothérapies, qui peuvent être efficaces sur une proportion importante de patients, est discutable bien sûr. L’idée du groupe Gold est de ne pas attendre avant d’instituer le traitement le plus efficace possible, dans la mesure où il ne présente pas de risque », explique le Pr Roche.

Impliquer les professionnels de ville 

La prise en charge de la BPCO fait partie des parcours de soins identifiés comme prioritaires dans le plan « Ma santé 2022 ». Ce sujet l’est déjà dans certaines régions, comme dans les Hauts-de-France depuis plusieurs années. D’autres actions doivent être mises en place ailleurs, par exemple cette année en Île-de-France, pour mieux détecter les patients, de façon à pouvoir les accompagner plus précocement et les intégrer dans un parcours de soins coordonné.

« Il faut coordonner les actions au niveau local »

L’implication des professionnels de ville (médecins généralistes et pharmaciens d’officine) qui sont en première ligne, est essentielle pour améliorer le parcours des patients à risque. Pour faire un premier repérage, il suffit de poser quelques questions simples et proposer une mesure du souffle. « Pour le dépistage, il faut déployer sur le terrain des actions en adéquation avec le contexte local et donc développées et coordonnées à ce niveau », insiste le Pr Roche. 

La coordination ville-hôpital entre les professionnels de santé et un suivi personnalisé des patients est nécessaire pour optimiser leur prise en charge et ainsi leur qualité de vie. 

 

Entretien avec le Pr Nicolas Roche (Hôpital Cochin, Ap-Hp)

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin