Artérite à cellules géantes, quid de la piste infectieuse ?

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Publié le 07/12/2023
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Un mécanisme infectieux pourrait être associé au développement d’une artérite à cellules géantes (maladie de Horton). Une nouvelle étude a tenté d’évaluer cette hypothèse. S'ils ne permettent pas de trancher définitivement, les résultats suggèrent que l’infection pourrait être un facteur déclenchant, mais cela reste à confirmer.

Crédit photo : GARO/PHANIE

L’artérite à cellules géantes (ACG), vascularite des vaisseaux de gros calibre, s’associe volontiers à la pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR), suggérant un mécanisme physiopathologique commun. « Leur mécanisme étiologique reste encore incertain, mais plusieurs éléments de la littérature évoquent un mécanisme infectieux comme facteur étiologique ou déclenchant de ces maladies. Des études épidémiologiques (cohortes rétrospectives ou études cas-témoins) se basant principalement sur des données de codage ont tenté d’évaluer cette association. Cependant, la définition et les périodes d’exposition étaient variables entre ces études et elles ne permettaient pas de conclure. Nous avons nous-mêmes déjà précédemment réalisé une méta-analyse (11 études publiées) et avons retrouvé un lien entre la maladie de Horton et une infection préalable. Nous avons voulu contrôler cette hypothèse sur une vaste cohorte », explique le Dr Lucas Pacoureau (université Paris-Saclay).

Une étude cas-témoin basée sur la cohorte E3N 

L'objectif était d’évaluer l’association entre infections et risque de survenue d’ACG/PPR, à travers une étude cas-témoins nichée au sein de la vaste cohorte française prospective, E3N (étude épidémiologique auprès des femmes de la Mutuelle générale de l’éducation nationale), qui suit notamment 98 995 femmes employées de l’éducation nationale depuis 1990.

Les cas, définis comme les patientes ayant développé une ACG et/ou une PPR pendant le suivi, étaient appariés avec 20 témoins sur l’année de naissance. Les infections (définies par un remboursement ou plus d’antibiotique sur la base de données de remboursements médicamenteux), survenant avant la date index (date de diagnostic pour les cas et même date calendaire pour les contrôles), étaient comparées entre les groupes par des modèles de régression logistique conditionnels univariés, puis le résultat a été ajusté sur de potentiels facteurs de confusion (âge, IMC, diabète antérieur, cancer antérieur, niveau d’éducation, niveau socio-professionnel…).

Plusieurs périodes temporelles (0-6 ; 6-12 ; 12-18 ; 18-24 mois avant la date index, et 0-12 ; 12-24 mois) ainsi que différentes classes d’antibiotiques (bêtalactamines, macrolides, fluoroquinolones) étaient comparées.

Un total de 477 cas d’ACG/PPR (dont 121 ACG, 258 PMR, 98 non définis) étaient comparés à 10 017 témoins. Comparés aux témoins, les cas d’ACG/PPR avaient un surrisque d’avoir une infection ou plus dans les 0-6 et 0-12 mois avant la date index (OR 1,25 [1,02–1,53], et 1,20 [1,00–1,45], respectivement). Cette association était ensuite retrouvée parmi les cas d’ACG seuls (1,66 [1,12–2,45] et 1,53 [1,05–2,21] ), pour les périodes de 0–6 et 0–12 mois, respectivement), mais pas pour les cas de PPR (1,06 [0,80–1,40] pour 0–6 mois). « Le mécanisme physiopathologique de la PPR n’est peut-être pas aussi semblable à celui de l’ACG que nous le pensions », relève le Dr Lucas Pacoureau.

Parmi les différentes classes d’antibiotiques, le remboursement de fluoroquinolones était le plus fortement associé au risque de développer une ACG (2,31 [1,26 – 4,23] ).

L’hypothèse d’un « trigger » antigénique infectieux

En conclusion, dans cette étude, un surrisque d’ACG/PPR a été observé après un épisode infectieux défini par une prise d’antibiotique. Le risque se faisait principalement aux dépens des cas d’ACG et était plus élevé lorsque les infections survenaient proches du diagnostic, supportant l’idée d’un « trigger » antigénique infectieux.

« L’étude sous-tend que dans la survenue de la maladie de Horton, l’hypothèse infectieuse reste une hypothèse plausible, mais cela n’est pas démontré clairement. Un biais de causalité inverse ne peut être exclu. De plus, en dépit d’une puissance statistique réduite, l’usage de fluoroquinolones était fortement et significativement associé au risque d’ACG, soulevant l’hypothèse soit d’un impact différentiel du type de germe causant l’infection, ou de la classe d’antibiotique, ou d’une altération du microbiote dans la pathogenèse de l’ACG. D’autres études sont nécessaires », conclut le Dr Lucas Pacoureau.

Entretien avec le Dr Lucas Pacoureau (Paris)


Source : Le Quotidien du médecin