Inhibiteurs de JAK : quel risque cardiovasculaire et cancérogène ?

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Publié le 30/06/2023
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L’étude Oral-Surveillance a mis en évidence la possibilité d’un surrisque d’évènements cardiovasculaires majeurs et de cancers, chez certains sujets atteints de polyarthrite rhumatoïde et traités par inhibiteurs de JAK (versus anti-TNF). Depuis, la surveillance se poursuit. Mais que révèlent les derniers résultats issus notamment de registres européens ?
Pas d'association statistique à un surrisque de cancer, par rapport aux autres biomédicaments.

Pas d'association statistique à un surrisque de cancer, par rapport aux autres biomédicaments.
Crédit photo : NCI/PHANIE

Oral-Surveillance a montré l’augmentation potentielle du risque d’accidents cardiovasculaires majeurs chez des sujets de plus de 50 ans et ayant au moins un facteur de risque cardiovasculaire (CV), traités par un inhibiteur de JAK (iJAK), comme le tofacitinib, comparativement aux anti-TNF.

Pas de surrisque cardiovasculaire

Depuis, les données de différentes cohortes internationales se multiplient. L’étude observationnelle JAK-pot (1) a permis de collecter les données de patients PR de 14 registres européens, de Turquie et du Québec, débutant des iJAK, des anti-TNF ou d’autres traitements de fond biologiques (bDMARDs). Le critère principal était la survenue d’un évènement CV majeur (MACE) : accident vasculaire cérébral, ischémique transitoire et infarctus du myocarde. La période d’exposition allait jusqu’à trois mois après l’arrêt du traitement, un an pour le rituximab, jusqu’à la perte du suivi du patient ou la fin de l’étude.

Sur les 50 325 initiations de traitement chez 34 932 patients avec un suivi moyen de 2,8 ans, 182 MACE ont été rapportés. Le taux d’incidence brute était plus élevé pour les biomédicaments non anti-TNF alpha (2,63/1 000 patients-années), 1,86/1 000 pour les anti-TNF et 1,76/1 000 pour les iJAK.

Après ajustement, aucune différence significative n’a été montrée dans l’incidence des MACE entre iJAK versus anti-TNF (IRR = 0,87) et les autres biomédicaments versus anti-TNF (IRR = 1,05). Ainsi, il n’a pas été trouvé de risque significativement plus élevé de MACE chez les patients atteints de PR traités par iJAK versus anti-TNF. L’inclusion d’autres registres pour augmenter la puissance statistique est prévue.

Une autre étude observationnelle (2) menée aux Pays Bas n’a pas retrouvé non plus d’incidence plus élevée d’évènements CV avec les iJAK. Elle a inclus 15 191 patients, recevant 20 912 épisodes de traitement par iJAK (2 090 presque exclusivement tofacitinib et baricitinib) ou bDMARDs (18 822). Au total, 681 évènements CV sont survenus : 48 (deux évènements/100 patients-années) pendant le traitement par iJAK et 633 (2,42/100) avec les bDMARDs. Le ratio des taux d'incidence (IRR) ajusté est de 0,78 pour les iJAK par rapport aux bDMARDs.

Enfin, une étude sud-coréenne (3) a confirmé ces résultats rassurants. Les données de 96 220 patients atteints de PR ont été analysées pour les évènements CV et celles de 101 816 patients pour les cancers. Pour les accidents CV, il n’y a pas d’augmentation observée : après ajustements, l’IRR est de 0,91 (0,90 - 0,92) chez les patients ayant reçu une thérapie ciblée synthétique ou biologique. En revanche, les cancers pulmonaires, prostatiques et cutanés sont augmentés chez les patients recevant des iJAK ou des biothérapies.

Des données à conforter sur la survenue de cancers

Une étude observationnelle danoise, issue du registre Danbio (4), a étudié le risque de premier cancer chez des sujets atteints de PR traités par iJAK (tofacitinib, baricitinib) par rapport à ceux recevant d’autres bDMARDs. L’analyse a identifié 875 patients PR traités par iJAK et 4 247 traités par bDMARDs. Ainsi, 19 cancers ont été retrouvés dans le groupe iJAK (1 315 patients-années) et 111 dans le bras bDMARDs (8 597 patients-années). Les taux d’incidence brute, pour 1 000 patients-années, étaient respectivement de 14,4 et 12,9. La comparaison pondérée entre les deux groupes donne un HR de 1,41. L’initiation d’un iJAK n’apparaît pas statistiquement associée à un surrisque de cancer, par rapport aux autres biomédicaments.

Une autre étude observationnelle a analysé les données du registre allemand Rabbit (5), afin d’évaluer la survenue de cancers incidents chez des patients atteints de PR traités par iJAK (n = 2 763), anti-TNF (n = 3 403), abatacept (n = 744), rituximab (n = 834), anti-IL6 (n = 1 125) ou traitements de fond conventionnels (cDMARDs) bionaïfs (1 130). Au total, 151 tumeurs malignes incidentes ont été relevées. En fonction des traitements, le ratio d’incidence varie entre 7 et 11 évènements pour 1 000 patients-années. Les résultats ont porté sur la population générale, ainsi que sur une cohorte de patients sélectionnés en fonction des critères d’inclusion d’Oral-Surveillance (âge ≥ 50 ans et au moins un facteur de risque CV). Dans cette dernière, le ratio était un peu plus élevé (13,2) pour les sujets traités par iJAK. Dans l’analyse ajustée, aucune augmentation significative n’a été trouvée, quels que soient les traitements, par rapport aux anti-TNF, même dans la population sélectionnée.

Cependant, les auteurs de toutes ces études restent prudents dans leurs conclusions en raison des biais possibles, et d’autres évaluations complémentaires sont justifiées.

(1) Aymon R et al. Abstract OP 0219
(2) Popa C et al. Abstract OP 0221
(3) Ahn SS et al. Abstract OP 0132
(4) Westermann R et al. Abstract POS 0825
(5) Schaefer M et al. Abstract OP 0218

Christine Fallet
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Source : Le Quotidien du médecin