Covid-19 en rhumatologie

Quand redouter des formes sévères ?

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Publié le 10/12/2020
Dès le début de la pandémie, des craintes ont été soulevées concernant des formes éventuellement plus graves du Covid-19 chez les personnes atteintes de maladies inflammatoires chroniques rhumatologiques ou systémiques, et du rôle potentiellement délétère de certains traitements. Selon la cohorte « French RMD COVID-19 », le risque de forme sévère semble surtout associé à l’existence d’atteintes viscérales ainsi qu’aux traitements par corticoïdes et rituximab.
  Un risque accru de formes graves en cas de maladies systémiques touchant le poumon, le rein, le cœur ou les vaisseaux.

Un risque accru de formes graves en cas de maladies systémiques touchant le poumon, le rein, le cœur ou les vaisseaux.
Crédit photo : phanie

La base de données de la cohorte French RMD COVID-19 est le fruit d’un travail collaboratif entre différentes sociétés savantes, réseaux et filières de santé (SFR, FAI2R, SNFMI, SOFREMIP, CRI-IMIDIATE). Il a inclus à ce jour plus de 1 100 patients. Les inquiétudes autour du surrisque de formes graves de Covid-19 en cas de pathologies du système immunitaire ne s’appuyant pas sur des données très claires dans la littérature, il est apparu nécessaire d’en évaluer la fréquence, en ayant conscience du biais que constitue dans toute cohorte le fait que les formes sévères soient plus volontiers rapportées.

L’objectif de la cohorte était de rendre compte des diverses caractéristiques de la pathologie chronique ou des traitements prescrits associés à une forme grave de COVID-19, définie par une hospitalisation en soins intensifs ou un décès lié à la maladie.

Attention aux maladies systémiques 

D’après les données recueillies, il semble que les maladies systémiques touchant le poumon, le rein, le cœur ou les vaisseaux ont un risque accru de formes sévères par rapport aux maladies strictement rhumatismales. Ainsi, la sclérodermie ou les vascularites à ANCA avec atteinte pulmonaire pourraient s’associer à des formes plus sévères. De même, les lésions vasculaires associées au Covid-19 pourraient compliquer les atteintes préexistantes dans les vascularites ou la maladie de Horton. Mais cette dernière touche plutôt les sujets âgés et requiert souvent des corticoïdes à forte dose, ce qui peut aussi accroître le risque de formes sévères.

Selon une étude américaine, l’existence d’une pathologie inflammatoire en cas de Covid-19 augmente le risque d’évènements thromboemboliques, ce dont il faut vraisemblablement tenir compte pour la prévention des complications. « Le surrisque en cas d'infection SARS-CoV-2 chez les personnes atteintes de pathologies auto-immunes semble persister après ajustement sur l’âge, le sexe et les comorbidités, mais sans atteindre une différence statistiquement significative. On peut tout de même penser qu’une polyarthrite rhumatoïde (PR) ou une spondyloarthrite classiques, un lupus chez le sujet jeune sans manifestation viscérale, n’ont pas un risque augmenté de faire une forme sévère de Covid-19. Il en va autrement pour les pathologies les plus graves à manifestations viscérales ou vasculaires », explique le Pr Christophe Richez (Bordeaux). 

Vigilance avec les corticoïdes et le rituximab

Les corticoïdes sont classiquement associés à une augmentation du risque de complications infectieuses. S’ils ont fait leur preuve dans la phase tardive inflammatoire, ils sont associés à un risque accru de développer une forme grave dans la phase initiale essentiellement virale. De plus, les patients en recevant au long cours ont pu développer des comorbidités et ont probablement des maladies plus difficiles à prendre en charge. Plus que jamais, devant un patient sous corticoïdes, il faut se poser la question de se limiter à la dose minimale efficace et d’envisager si possible une décroissance. En revanche, il n'a pas été retrouvé plus de formes sévères sous AINS, comme cela avait été suggéré au printemps.

Les traitements par méthotrexate, anti-IL6 ou anti-TNF ne sont pas associés à un surrisque de forme sévère. Les données actuelles de la cohorte indiquent qu’il faut les continuer et ne les arrêter qu’en cas d’infection. En revanche, le rituximab nécessite des analyses complémentaires pour évaluer son éventuel surrisque de formes sévères. Le problème avec cette molécule est qu’elle est souvent instaurée pour des pathologies sévères, comme la sclérodermie avec atteinte pulmonaire, ou la vascularite à ANCA, dans lesquelles on ne dispose guère d’alternatives sûres pour éviter l’aggravation. En revanche, dans une PR bien équilibrée par des perfusions d’entretien de rituximab, la prudence justifie de décaler de quelques semaines la perfusion sans risque de perte de chance pour le patient.

Richez C et al. Joint Bone Spine 2020 Oct; 87(5): 431–437.

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin