Polyarthrite rhumatoïde

Quel risque avec la corticothérapie à long terme ?

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Publié le 10/12/2020
De nouvelles données, issues de la cohorte ESPOIR, portant sur des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR), suivis pendant 10 ans, mettent en évidence un risque élevé, dose et temps-dépendant, d’événements sévères liés à un traitement par corticoïdes.
Avec 5 mg/j de prednisone pendant cinq ans, 24 % des patients développent un événement sévère

Avec 5 mg/j de prednisone pendant cinq ans, 24 % des patients développent un événement sévère
Crédit photo : Phanie

Les recommandations nationales de la Société française de rhumatologie (SFR) et européennes (EULAR) de prise en charge de la PR proposent de prescrire des glucocorticoïdes à faibles doses et sur de courtes durées, si possible moins de six mois. La toxicité à court terme des glucocorticoïdes est bien documentée et paraît faible. Mais faute de données consistantes, une controverse existe toujours sur le risque à moyen et long terme, notamment pour des doses faibles inférieures à 10 mg/jour de prednisone, même si quelques éléments laissent à penser qu’il existe un risque cardiovasculaire et infectieux. « Les études portent en général sur deux ans. Or, les patients continuent les corticoïdes pendant cinq ans ou plus… L’objectif de notre étude (1) était de déterminer la tolérance de la corticothérapie à long terme, au bout de 10 ans, chez des patients atteints de PR précoce. L’analyse a porté sur des patients issus de la cohorte ESPOIR. Il s’agit donc d’une étude "dans la vraie vie" de patients régulièrement suivis et traités par leur rhumatologue, sans aucune intervention des centres ESPOIR », explique le Pr Bernard Combe (Montpellier).

Ainsi, 608 patients atteints de PR précoce (480 femmes, âge moyen 47,5 ±12,1 ans) répondant aux critères ACR/EULAR 2010 et sans antécédents d’événements graves, ont été retenus et stratifiés en deux groupes : 397 (soit 65 %) ont reçu de la prednisone au moins une fois au cours de leur suivi (médiane de suivi de 10 ans) et 211 n'ont eu aucun corticoïde. Dans le premier groupe, les patients ont pris de faibles doses de prednisone (moyenne 2,8 ± 2,8 mg/jour), principalement pendant les six premiers mois (70 %). La durée moyenne de traitement a été de 44,6 mois ± 40,1 mois.

Le critère composite de jugement principal était défini par la survenue de décès, d’événements cardiovasculaires (incluant ischémie myocardique, accident vasculaire cérébral, insuffisance cardiaque), d’infections sévères ou de fractures.

Un risque élevé dose et temps-dépendant

Au total, 95 événements ont été identifiés au cours du suivi : 10 décès, 18 événements cardiovasculaires, 32 fractures et 35 infections sévères.

Lorsque l’on compare les deux groupes, on retrouve significativement plus d’événements composants le critère principal dans le groupe corticoïdes 17,9 % que dans le groupe témoin sans corticoïdes 11,4 % (p = 0,035). La différence entre les deux groupes est aussi significative pour les infections sévères (7,6 % versus 2,4 % p = 0,009). La tendance est à la hausse (non significative) pour les autres paramètres.

« Ces évènements dépendent de la dose cumulée de corticoïdes ainsi que du temps. L’étude a montré que 24 % des patients ayant une dose cumulée supérieure à 8,4 g (médiane), soit l’équivalent de 5 mg/j de prednisone pendant cinq ans, développaient un événement sévère (versus 11 % pour le groupe sans corticoïdes). Au-delà de cette dose, les événements cardiovasculaires et les infections sévères augmentent également de façon très significative », précise le Pr Bernard Combe.

Le risque de survenue de complications sévères augmente également en fonction du temps. Ainsi, le risque associé au traitement par corticoïdes augmente entre la première visite de suivi (HR à 6 mois = 0,39) et à 10 ans (HR = 6,83). « On constate une augmentation du risque d’événements sévères en fonction du temps : jusqu’à cinq ans, la différence n’est pas significative. Mais, l’augmentation devient ensuite exponentielle à partir de la sixième année et le risque est multiplié par sept à 10 ans », ajoute le Pr Bernard Combe.

Cette étude renforce donc les recommandations : les corticoïdes, même à faible dose, doivent être donnés le moins longtemps possible.

(1) Roubille C et al. Abstract 292

Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin