Rhumatologie

Arthrose, quand le sexe fort paie ses erreurs de jeunesse

Publié le 16/06/2017
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Chez l’homme, l’arthrose peut débuter tôt, favorisée notamment par des traumastismes sportifs ou professionnels antérieurs. Les atteintes du ménisque, mais surtout les méniscectomies abusives sont particulièrement à risque.
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Crédit photo : SPL/PHANIE

Si l’arthrose est traditionnellement considérée comme une pathologie du senior, chez l’homme, elle touche aussi volontiers des sujets plus jeunes, étant alors en majeure partie liée à des traumatismes sportifs ou à des microtraumatismes professionnels. Le facteur de risque majeur est la lésion méniscale avec rupture des ligaments croisés pour un traumatisme important du genou qui amène souvent à une méniscectomie, dix ans après laquelle il existe un risque de 50 % de développer une gonarthrose.

Préserver au maximum les ménisques

Il est donc impératif de limiter les méniscectomies. Celles-ci se justifient après un traumatisme important chez un homme jeune, s’il n’est pas possible de suturer le ménisque. Par contre, elles n’ont pas leur place pour une lésion méniscale dépistée à l’IRM chez des personnes d’âge mûr. « C’est une situation classique : un sujet de la cinquantaine souffrant du genou passe une radio montrant un peu d’arthrose, puis une IRM – trop souvent faite d’emblée – qui montre un ménisque fissuré ou dégénératif, ce qui amène trop souvent à une méniscectomie, aggravant la situation en retirant l’amortisseur essentiel qu’est le ménisque, alors que son atteinte n’était que le témoin d’un début d’arthrose », explique le Pr Berenbaum.

Des ostéotomies de varisation ou de valgisation ont quelques indications préventives chez les hommes de moins de 50 ans avec un genou symptomatique et pas ou peu d’arthrose afin d’éviter son aggravation.
Quel que soit l’âge, il est essentiel de lutter contre la sédentarité et le surpoids.

Poursuivre le sport

Le sport reste fortement conseillé en prévention secondaire pour entretenir les muscles et les tendons qui stabilisent l’articulation. L’activité physique – idéalement 3 à 4 km de marche par jour – est bénéfique. En revanche, le sport doit être adapté : le vélo, la natation oui, mais pas le tennis !

Chez une personne en surpoids, il est fondamental d’obtenir une perte de poids, et quelques kilos suffisent. Dans les obésités morbides, la chirurgie bariatrique améliore considérablement les douleurs de la gonarthrose. En revanche, il n’est plus question de refuser d’opérer les gonarthroses ou les coxarthroses si un obèse ne perd pas 20 kg comme on l’a préconisé pendant longtemps. Même si les résultats sont moins bons, il faut opérer une arthrose handicapante, surtout si on veut que la personne suive les consignes d’activité physique !

Une approche pharmacologique et non pharmacologique

Les infiltrations de corticoïdes améliorent la douleur et l’inflammation, l’acide hyaluronique réduit la douleur et améliore la fonction chez environ un patient sur deux, et, dans ce sens, on peut dire qu’il retarde la prothèse mais il n’a aucun effet sur la dégradation du cartilage. Les AAAL ont peu ou pas d’effets indésirables, mais il est parfois difficile de montrer une efficacité supérieure au placebo dans une pathologie où celui-ci améliore 40 % des patients, et la pertinence clinique de l’amélioration est controversée dans les quelques études statistiquement significatives. Ils méritent d’être envisagés en cas d’échec des antalgiques classiques pendant 3 mois pour en évaluer l’impact.

Le traitement non pharmacologique de l’arthrose est indispensable. Parallèlement au renforcement musculaire et proprioceptif, à la prescription de semelles orthopédiques, les orthèses ont toute leur place. Une genouillère réduit le sentiment d’instabilité et peut avoir un effet proprioceptif; une orthèse articulée est intéressante dans les gonarthroses très localisées avec douleur lors de l’activité physique.

Dans tous les cas, il est important de ne pas laisser traîner les choses, car plusieurs études convergent pour montrer que l’arthrose est en fait une maladie sévère. Dès qu’elle entraîne une gêne à la marche, la mortalité, en particulier cardio-vasculaire, augmente de 50 %. Elle est en partie liée à la sédentarité mais sans doute aussi aux interactions entre inflammation articulaire et états inflammatoires de bas grade comme le syndrome métabolique ou ses composants. « Vu ses conséquences sur la morbimortalité globale, on ne peut pas se permettre de laisser traîner un patient avec
une arthrose non traitée », insiste le rhumatologue.

Des douleurs variables selon l’âge

L’arthrose est une des causes de douleurs les plus fréquentes après 65 ans, et se révèle beaucoup plus complexe qu’on ne le pensait. Chez le sujet jeune, il s’agit généralement de douleurs mécaniques émaillées de poussées inflammatoires. Chez le patient plus âgé, elle touche volontiers plusieurs articulations, souvent la hanche ou le genou ; l’arthrose des mains est favorisée par certaines professions, comme chez les agriculteurs ou les conducteurs d’engin et, dans ce contexte, présentent souvent des caractéristiques neuropathiques. « Il est important d’expliquer au patient que l’intensité de la douleur n’est pas corrélée à l’importance des lésions, et que, même si la douleur est importante, on peut la soulager et que l’arthrose n’est pas pour autant très évoluée », souligne le Pr Perrot.

Traitement préventif À l’égard de la douleur de fond, on s’oriente plutôt vers des approches non médicamenteuses : rééducation, renforcement musculaire, aides type cannes, orthèses bandages, approches complémentaires type acupuncture, ostéopathie ou cures thermales, en réservant les AINS aux poussées, toujours pour une courte durée et à faible posologie. Le paracétamol est utile dans les douleurs modestes et en préventif où on conseille de prendre 1 g, 1 demi-heure à 1 heure avant une activité physique. On peut proposer, essentiellement dans le genou, des infiltrations de corticoïdes en cas d’inflammation, ou d’acide hyaluronique en cas d’arthrose localisée (voir p. 21). Le traitement de la douleur est indissociable de celui de la fonction, particulièrement importante chez l’homme qui ressent toute atteinte fonctionnelle comme une frustration.

D’après un entretien avec le Pr Serge Perrot, Centre d'étude et de traitement de la douleur (hôpital Cochin/Hôtel-Dieu)

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr