Nora Berra/Tatiana Golikova, regards croisés de ministres

Le système de santé russe à l’heure de la réforme, la France en référence

Publié le 07/12/2011
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Crédit photo : D CHARDON

Norra berra : "Institutionnaliser les coopérations"

LE QUOTIDIEN - Après avoir développé des coopérations hospitalières avec la Chine, la France se tourne à présent vers la Russie. Dans quel but ?

NORA BERRA - L’année croisée franco-russe en 2010 s’est achevée par un séminaire intergouvernemental, à Moscou, au cours duquel nous avons décidé de mettre sur pied des assises de la coopération franco-russe en santé. Ce fut chose faite en juillet, à Moscou. Ces assises ont permis la rencontre de nos institutions et de nos professionnels de santé. Elles ont marqué le point de départ de nouvelles relations entre nos deux pays. Pour la France, c’est une opportunité de valoriser son savoir-faire en matière de santé. Des initiatives individuelles existent depuis des années, portées par des chefs de service ou des directeurs d’hôpital qui ont noué des liens personnels avec leurs homologues russes. Il importe d’institutionnaliser ces coopérations pour leur donner une nouvelle impulsion.

Quelles sont les thématiques retenues ?

La Russie veut s’inspirer de la France pour sa gestion hospitalière. Les directeurs d’hôpital russes sont tous médecins. Ils ont besoin d’acquérir des compétences en matière de gestion car gérer un hôpital, c’est un métier. La région de Vologda projette de mettre en place un centre de formation des directeurs d’hôpital en partenariat avec le CHU de Strasbourg. Le CHU de Grenoble et la ville de Irkoutsk travaillent ensemble sur la thématique de l’efficience et de l’organisation des équipes, et l’AP-HP et la région de Krasnoyarsk coopèrent notamment sur la tarification à l’activité. Les Russes sont très intéressés également par notre réforme du médicament. Ils souhaitent développer leurs autorités sanitaires pour réglementer le marché du médicament et lutter contre la contrefaçon. Une relation s’est nouée entre l’AFSSAPS et le laboratoire de contrôle du médicament. Un autre axe de travail concerne la prise en charge des addictions, un fléau en Russie, et la psychiatrie où une belle coopération existe entre l’hôpital Sainte-Anne et l’institut Bekhterev à Saint-Pétersbourg.

Vous avez visité un hôpital psychiatrique à Moscou en marge des assises. Quelles ont été vos impressions ?

En Union Soviétique, on pouvait être enfermé pour des idées politiques différentes du pouvoir ; le juge donnait d’emblée un avis sur la pertinence de ces enfermements. En France, c’est justement la nouveauté de la loi psychiatrie d’avoir introduit l’intervention du juge pour toute hospitalisation sous contrainte. De ce point de vue, la Russie nous a devancés. La prise en charge psychiatrique est alignée sur les standards internationaux. Les structures, en revanche, n’ont rien à voir. La France investit beaucoup pour moderniser ses hôpitaux, où l’intimité des patients est respectée. À Moscou, j’ai visité un hôpital de mille lits où les patients cohabitent dans des dortoirs. Les chambres individuelles, qui s’assimilent plus à des cellules, sont réservées aux personnes agressives.

(1) Un événement organisé à Moscou par l’ambassade de France, dont la conseillère sociale, Sophie Genay, s’investit depuis quatre ans pour faciliter les coopérations entre les deux pays.

PROPOS RECUEILLIS PAR D. CH.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9054