Un haut niveau de preuves

Par
Publié le 21/10/2019
Article réservé aux abonnés
L'huile et les chips ont le même score

L'huile et les chips ont le même score
Crédit photo : Phanie

Avec une quinzaine d'études publiées, toutes convergentes, le Nutri-Score peut faire valoir le plus haut niveau de preuves disponible pour un logo nutritionnel. Sa grande force a été de se comparer à une dizaine d'alternatives. « C'était d'autant plus nécessaire que les industriels présentaient leurs propres logos », rappelle le Dr Chantal Julia, épidémiologiste dans l'Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN).

L'objectif d'un logo nutritionnel est d'améliorer les achats et « in fine d'améliorer la consommation alimentaire voire la santé d'ici 15 à 20 ans », explique le Dr Julia. Le Nutri-Score ne se veut pas un message absolu sur les aliments, de type « ne manger que cela ou ne pas en manger du tout », explique l'épidémiologiste, mais un message relatif, sur la fréquence et la quantité.

Pour valider un logo nutritionnel, la démarche est double. « Il faut d'un côté s'assurer que l'information à transmettre est pertinente, explique le Dr Chantal Julia. C'est-à-dire que l'algorithme permettant de classer les aliments selon le profil nutritionnel est valide. De l'autre côté, il faut s'assurer que le format graphique est bon, c'est-à-dire que les individus comprennent le message et s'en servent pour modifier leurs achats ».

C'est ainsi que le Nutri-Score a mené en parallèle des études sur l'algorithme et le format graphique. Deux études en particulier, l'une grandeur nature et l'autre économique expérimentale, financée par des fonds publics à hauteur de 2 millions d'euros, « ont pesé dans la décision du gouvernement à soutenir le Nutri-Score », indique le Dr Julia.

Pour l'algorithme, le classement des aliments s'est fait en fonction de trois paramètres : la qualité nutritionnelle (score FSA), la qualité du régime alimentaire (c'est-à-dire la transposition du score FSA à l'individu ou score FSA-NPS-DI) et l'impact connu sur la santé (cancer, maladies cardiovasculaires, poids).

Pour construire l'échelle visuelle, les chercheurs sont partis de la vingtaine de logos existants dans le monde. « Certains critères de typologie se sont révélés plus efficaces que d'autres », détaille le Dr Julia. C'est le cas des logos résumés par rapport à ceux par nutriments, en particulier auprès des populations vulnérables, ou encore du code couleur allant de la gamme vert à rouge, à forte valeur sémantique.

Mais le Nutriscore n'est toutefois pas exempt de critiques. Nicole Darmon, directrice de recherche à l'IInstitut national de recherche agronomique (INRA), s'interroge ainsi sur la valeur pédagogique du logo qu'elle estime « prescriptif » et sur celle de son algorithme, qui combine en une seule note les attributs positifs et négatifs d'un aliment, « ce qui n'a aucun fondement physiologique », argumente-t-elle.

La nutritionniste fait remarquer que le Nutri-Score « met sur le même plan [une même lettre E par exemple, NDLR] ceux qui ont un intérêt nutritionnel comme l'huile ou le fromage, et d'autres qui n'en ont aucun, comme les chips ». La chercheuse épidémiologiste, qui regrette l'absence d'acteurs de terrain impliqués dans le processus, s'inquiète ainsi de « possibles effets paradoxaux » en vraie vie, et notamment d'un risque de valorisation délétère des produits allégés.

La recherche sur le Nutri-Score continue. Une étude observationnelle en vraie vie sera lancée prochainement pour évaluer dans quelle mesure l'affichage du logo est associé à une amélioration de la qualité de l'alimentation, annonce le Dr Julia. Aujourd'hui, les chercheurs étudient la transférabilité du logo à d'autres pays européens, onze au total plus la France, que ce soit au niveau du profil ou du format graphique.

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin