« Alors que des millions de femmes travaillent dans des secteurs très variés pouvant les exposer à des risques particuliers en matière de fertilité et au cours de la grossesse, peu d’actions de prévention sont entreprises sur le terrain », constate le Dr Stéphane Malard, de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Dans une étude menée en 2014 par cet organisme, avec la participation des médecins du travail de la région Languedoc-Roussillon, auprès de 1 347 femmes revenant d’un congé maternité ou parental, seulement 14,7 % d’entre elles avaient bénéficié d’un aménagement de leur poste de travail au cours de leur grossesse, et 3,3 % d’un changement de poste (1).
« Les raisons pouvant expliquer ce constat sont nombreuses, mais l’une des principales est liée au fait que le médecin du travail n’a connaissance de la grossesse des salariées que tardivement, bien souvent au moment de la visite de reprise du travail, au retour du congé de maternité. L’absence de rencontre entre le médecin du travail et les salariées pendant leur grossesse ne favorise pas la mise en place d’actions de prévention, regrette le Dr Malard. De plus, lors de l’évaluation des risques professionnels, réalisée par l’employeur, la situation particulière des femmes enceintes n’est le plus souvent pas prise en compte. En l’absence d’évaluation anticipée des risques professionnels, le médecin du travail et le médecin traitant se retrouvent relativement démunis face aux sollicitations des femmes enceintes concernant l’impact potentiel du travail sur leur grossesse. Ces demandes nécessitent une grande réactivité, et, dans les faits, cela se règle bien souvent par l’application du principe de précaution, et par un arrêt de travail. »
Déclarer précocement la grossesse à l’employeur
L’identification et l’évaluation anticipée des risques sont donc une première voie de progrès. En tant que conseiller de l’employeur, le médecin du travail est un acteur important dans cette démarche. Autre voie, sans aucun doute, une meilleure communication entre les professionnels de santé, dans le respect du secret médical, ce qui sous-tend l’accord de la salariée. « Dans la même étude de l’INRS, le médecin traitant (gynécologue/obstétricien, médecin généraliste) et la sage-femme n’avaient adressé une femme enceinte au médecin du travail que dans moins de 2 % des cas », rapporte le Dr Malard.
Il est également important d’informer les salariées sur l’intérêt de déclarer précocement la grossesse à leur employeur. Dans plus d’un tiers des cas, ce n’est fait qu’après le deuxième mois de grossesse. Or, une déclaration plus précoce permet de mettre en œuvre les mesures de protection réglementaires, essentielles en cas d’exposition à des agents tératogènes, notamment. « Les femmes doivent enfin être informées de l’intérêt de prendre contact avec leur médecin du travail, le plus précocement possible, idéalement au stade du projet de grossesse. Différents outils d’information sont disponibles sur le site de l’INRS », rappelle le Dr Malard.
D’après un entretien avec le Dr Stéphane Malard, Institut national de recherche et de sécurité (Paris)
(1) Henrotin J.-B., Vaissière M., Etaix M.
et al. « Exposition aux risques professionnels pendant la grossesse : retour des services médicaux interentreprises »,
Gynécologie, obstétrique, fertilité & sénologie, vol. 46, no 1, janvier 2018, p. 20-27
(2) www.inrs.fr/demeter
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